Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 31 mars 2019, la SCI Greenstone, la SAS Epur Languedoc-Roussillon et la SA Epur, représentées par la SELARL Pacta Juris, demandent à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 31 janvier 2019 ;
2°) d'annuler la décision du maire de la commune de Montpellier du 4 août 2017 ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Montpellier une somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles soutiennent que :
- la décision est entachée d'incompétence ; la zone d'aménagement concertée est d'intérêt communautaire, de sorte que seul l'établissement public pouvait préempter ; seul le conseil métropolitain pouvait déléguer le droit de préemption à la commune ; les limites de la délégation confiée n'ont pas été respectées ;
- la déclaration d'intention d'aliéner a été transmise tardivement au directeur des finances publiques ;
- une renonciation tacite d'acquérir est née le 22 juillet 2017 ;
- il n'est pas justifié de la transmission de la décision litigieuse dans le délai requis au contrôle de légalité ;
- la décision est insuffisamment motivée ;
- elle méconnaît le plan de cession du fond de la SAS Saint-Pierre Exploitation approuvé par le tribunal de commerce, menace l'emploi et est source de coûts pour la collectivité.
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 juin 2020, la commune de Montpellier, représentée par la SCP Vinsonneau-Paliès-Noy-Gauer et Associes, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge des requérantes au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que la requête est non fondée dans les moyens qu'elle soulève.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme C...,
- les conclusions de M. Pecchioli, rapporteur public,
- et les observations de Me D..., substituant Me A..., représentant la SCI Greenstone, la SAS Epur Languedoc-Roussillon et la SA Epur, et de Me B..., représentant la commune de Montpellier.
Considérant ce qui suit :
1. La SCI Greenstone, la SAS Epur Languedoc-Roussillon et la SA Epur relèvent appel du jugement du 31 janvier 2019 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision du maire de la commune de Montpellier du 4 août 2017 de préempter le terrain bâti à usage industriel situé 150 rue du Mas de Bringaud à Montpellier, cadastré section OL n°29 et section OO n°17, 18p et 19, dont la SCI Greenstone s'était portée acquéreur par promesse de vente notariée du 26 avril 2017.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la compétence de l'auteur de la décision du 4 août 2017 :
2. Aux termes de l'article L. 213-3 du code de l'urbanisme : " Le titulaire du droit de préemption peut déléguer son droit à l'Etat, à une collectivité locale, à un établissement public y ayant vocation ou au concessionnaire d'une opération d'aménagement. Cette délégation peut porter sur une ou plusieurs parties des zones concernées ou être accordée à l'occasion de l'aliénation d'un bien. Les biens ainsi acquis entrent dans le patrimoine du délégataire. (...) ". Aux termes de l'article L. 5211-10 du code général des collectivités territoriales : " (...) / Le président, les vice-présidents ayant reçu délégation ou le bureau dans son ensemble peuvent recevoir délégation d'une partie des attributions de l'organe délibérant à l'exception : / 1° Du vote du budget, de l'institution et de la fixation des taux ou tarifs des taxes ou redevances ; / 2° De l'approbation du compte administratif ; / 3° Des dispositions à caractère budgétaire prises par un établissement public de coopération intercommunale à la suite d'une mise en demeure intervenue en application de l'article L. 1612-15 ; / 4° Des décisions relatives aux modifications des conditions initiales de composition, de fonctionnement et de durée de l'établissement public de coopération intercommunale ; / 5° De l'adhésion de l'établissement à un établissement public ; / 6° De la délégation de la gestion d'un service public ; / 7° Des dispositions portant orientation en matière d'aménagement de l'espace communautaire, d'équilibre social de l'habitat sur le territoire communautaire et de politique de la ville. / Lors de chaque réunion de l'organe délibérant, le président rend compte des travaux du bureau et des attributions exercées par délégation de l'organe délibérant. / (...) ".
3. Par une délibération du 16 décembre 2015, dûment publiée, le conseil de Montpellier Méditerranée Métropole a, conformément à ces dispositions, donné délégation à son président, notamment à l'effet de déléguer le droit de préemption urbain sur une ou plusieurs parties des zones concernées par ce droit, selon les dispositions prévues au 1er alinéa de l'article L. 213-3 du code de l'urbanisme. Dès lors, le président a pu légalement, par une décision du 4 janvier 2016 dûment affichée, déléguer ledit droit, dont il est constant que l'établissement était titulaire, à la commune de Montpellier sur les zones U et AU du plan local d'urbanisme de la collectivité.
4. Il n'est pas contesté que les parcelles cadastrées section OL n°29 et section OO n°17, 18p et 19 figurent en zone U dudit plan. Dès lors, la commune de Montpellier était compétente pour exercer son droit de préemption, sans que puissent utilement lui être opposées les conditions mises à la délégation de l'exercice du droit distinct de préemption par le président de la métropole au nom de celle-ci ou la circonstance, à la supposer avérée, que la zone d'aménagement concertée au sein de laquelle se situe le bien en litige serait d'intérêt métropolitain.
5. Aux termes de l'article L. 2122-22 du code général des collectivités territoriales : " Le maire peut, en outre, par délégation du conseil municipal, être chargé, en tout ou partie, et pour la durée de son mandat : / (...) / 15° D'exercer, au nom de la commune, les droits de préemption définis par le code de l'urbanisme, que la commune en soit titulaire ou délégataire, (...) ".
6. Dès lors, qu'ainsi qu'il vient d'être exposé, la commune de Montpellier était compétente pour exercer le droit de préemption, son conseil municipal pouvait légalement, en application de ces dispositions et par sa délibération du 24 avril 2014, modifiée le 22 juin 2016, dûment publiée, charger son maire d'exercer ledit droit.
7. Il résulte de tout ce qui précède que c'est à juste titre que les premiers juges ont écarté le moyen tiré de ce que le maire de Montpellier n'aurait pas été compétent pour prendre la décision contestée.
En ce qui concerne les autres moyens :
8. Aux termes de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme : " Les droits de préemption institués par le présent titre sont exercés en vue de la réalisation, dans l'intérêt général, des actions ou opérations répondant aux objets définis à l'article L. 300-1, à l'exception de ceux visant à sauvegarder ou à mettre en valeur les espaces naturels, ou pour constituer des réserves foncières en vue de permettre la réalisation desdites actions ou opérations d'aménagement. / (...) / Toute décision de préemption doit mentionner l'objet pour lequel ce droit est exercé. Toutefois, lorsque le droit de préemption est exercé à des fins de réserves foncières dans le cadre d'une zone d'aménagement différé, la décision peut se référer aux motivations générales mentionnées dans l'acte créant la zone. / Lorsque la commune a délibéré pour définir le cadre des actions qu'elle entend mettre en oeuvre pour mener à bien un programme local de l'habitat (...), la décision de préemption peut (...) se référer aux dispositions de cette délibération. Il en est de même lorsque la commune a délibéré pour délimiter des périmètres déterminés dans lesquels elle décide d'intervenir pour les aménager et améliorer leur qualité urbaine. (...) ". Son article L. 213-2 précise : " Toute aliénation visée à l'article L. 213-1 est subordonnée, à peine de nullité, à une déclaration préalable faite par le propriétaire à la mairie de la commune où se trouve situé le bien.(...) Le titulaire du droit de préemption peut, dans le délai de deux mois prévu au troisième alinéa du présent article, adresser au propriétaire une demande unique de communication des documents permettant d'apprécier la consistance et l'état de l'immeuble, ainsi que, le cas échéant, la situation sociale, financière et patrimoniale de la société civile immobilière. La liste des documents susceptibles d'être demandés est fixée limitativement par décret en Conseil d'Etat. (...) / (...) / Le silence du titulaire du droit de préemption pendant deux mois à compter de la réception de la déclaration mentionnée au premier alinéa vaut renonciation à l'exercice du droit de préemption. / Le délai est suspendu à compter de la réception de la demande mentionnée au premier alinéa ou de la demande de visite du bien. Il reprend à compter de la réception des documents par le titulaire du droit de préemption, du refus par le propriétaire de la visite du bien ou de la visite du bien par le titulaire du droit de préemption. Si le délai restant est inférieur à un mois, le titulaire dispose d'un mois pour prendre sa décision. Passés ces délais, son silence vaut renonciation à l'exercice du droit de préemption. / Lorsqu'il envisage d'acquérir le bien, le titulaire du droit de préemption transmet sans délai copie de la déclaration d'intention d'aliéner au responsable départemental des services fiscaux. (...) / Le titulaire du droit de préemption peut demander à visiter le bien dans des conditions fixées par décret. / (...) ". Aux termes de l'article R. 213-6 du même code : " Dès réception de la déclaration, le maire en transmet copie au directeur départemental ou, le cas échéant, régional des finances publiques en lui précisant si cette transmission vaut demande d'avis. / (...) ". L'article R. 213-7 précise : " I.-Le silence gardé par le titulaire du droit de préemption dans le délai de deux mois qui lui est imparti par l'article L. 213-2 vaut renonciation à l'exercice de ce droit. / (...) / Ce délai court à compter de la date de l'avis de réception postal du premier des accusés de réception ou d'enregistrement délivré en application des articles L. 112-11 et L. 112-12 du code des relations entre le public et l'administration, ou de la décharge de la déclaration faite en application de l'article R. 213-5. / II.-Il est suspendu, en application de l'article L. 213-2, à compter de la réception par le propriétaire de la demande unique formée par le titulaire du droit de préemption en vue d'obtenir la communication de l'un ou de plusieurs des documents suivants : / (...) ". Enfin, l'article D. 213-13-1 énonce : " La demande de la visite du bien prévue à l'article L. 213-2 est faite par écrit. / Elle est notifiée par le titulaire du droit de préemption au propriétaire ou à son mandataire ainsi qu'au notaire mentionnés dans la déclaration prévue au même article, dans les conditions fixées à l'article R. 213-25. / Le délai mentionné au troisième alinéa de l'article L. 213-2 reprend à compter de la visite du bien ou à compter du refus exprès ou tacite de la visite du bien par le propriétaire. "
9. En premier lieu, la circonstance que la déclaration d'intention d'aliéner, reçue le 22 mai 2017, n'a en l'espèce pas été transmise sans délai au directeur départemental des finances publiques, mais seulement le 13 juillet 2017, n'est pas, en elle-même, de nature à entacher d'illégalité la décision contestée.
10. En deuxième lieu, en application du dernier alinéa de l'article L. 210-1 cité ci-dessus, la décision de préemption peut se référer aux dispositions de la délibération par laquelle une commune a délimité des périmètres déterminés dans lesquels elle décide d'intervenir pour les aménager et améliorer leur qualité urbaine. Lorsqu'une collectivité publique décide d'exercer le droit de préemption urbain pour constituer une réserve foncière à l'intérieur d'un périmètre qu'elle a délimité en vue d'y mener une opération d'aménagement et d'amélioration de la qualité urbaine, les exigences de motivation résultant de l'article L. 210-1 doivent être regardées comme remplies lorsque la décision fait référence aux dispositions de la délibération délimitant ce périmètre et qu'un tel renvoi permet de déterminer la nature de l'action ou de l'opération d'aménagement que la collectivité publique entend mener pour améliorer la qualité urbaine au moyen de cette préemption. A cette fin, la collectivité peut soit indiquer l'action ou l'opération d'aménagement prévue par la délibération délimitant ce périmètre à laquelle la décision de préemption participe, soit renvoyer à cette délibération elle-même si celle-ci permet d'identifier la nature de l'opération ou de l'action d'aménagement poursuivie.
11. En l'espèce, la décision contestée vise la délibération du conseil municipal du 30 mars 2009 approuvant la création de la zone d'aménagement concerté de la Restanque dont les parcelles litigieuses font partie. Elle indique qu'il paraît opportun d'exercer le droit de préemption sur le bien litigieux dès lors que le plan d'aménagement prévoit la réalisation d'une opération de renouvellement urbain de grande envergure sur ce quartier contigu avec le centre-ville, par la transformation de la zone industrielle de Près d'Arènes en un quartier de ville aux multiples usages (habitat, activités, commerces, équipements publics et privés) et que l'acquisition aura pour objet de répondre aux besoins en activité de la zone par le développement de la filière agroalimentaire compte tenu, entre autres, de la proximité immédiate du marché d'intérêt national dont le développement est prévu par le schéma régional de développement économique d'innovation et d'internationalisation. Cette décision mentionne ainsi l'opération d'aménagement prévue par la délibération du 30 mars 2009 à laquelle la décision de préemption participe. Le moyen tiré de ce qu'elle ne mentionnerait pas avec suffisamment de précision l'objet pour lequel le droit de préemption est exercé doit dès lors être écarté.
12. En troisième lieu, il résulte des dispositions mentionnées ci-dessus de l'article L. 213-2 du code de l'urbanisme que les propriétaires qui ont décidé de vendre un bien susceptible de faire l'objet d'une décision de préemption doivent savoir de façon certaine, au terme du délai de deux mois imparti au titulaire du droit de préemption pour en faire éventuellement usage, s'ils peuvent ou non poursuivre l'aliénation entreprise. Dans le cas où le titulaire du droit de préemption décide de l'exercer, les mêmes dispositions, combinées avec celles de l'article L. 2131-1 du code général des collectivités territoriales, imposent que la décision de préemption soit exécutoire au terme du délai de deux mois, c'est-à-dire non seulement prise mais également notifiée au propriétaire intéressé et transmise au représentant de l'Etat. Ce délai est toutefois suspendu à compter de la réception de la demande d'une pièce mentionnée à l'article R. 213-7 du code de l'urbanisme ou de la demande de visite du bien. Il reprend à compter de la réception des documents par le titulaire du droit de préemption, du refus par le propriétaire de la visite du bien ou de la visite du bien par le titulaire, ce dernier disposant alors d'un mois pour prendre sa décision si le délai restant est inférieur à un mois.
13. En l'espèce, si le délai de deux mois devait initialement expirer le 22 juillet 2017, il est constant que, par courriers du 13 juillet 2017, réceptionnés le 17 juillet 2017, la commune de Montpellier a sollicité la communication du dossier de diagnostic pollution réalisé pour le site litigieux ainsi que l'organisation d'une visite. Si la requérante soutient que le dossier de diagnostic pollution ne constituait pas une des pièces mentionnées à l'article R. 213-7 du code de l'urbanisme, il est constant que la demande de visite, dont la validité n'est pas subordonnée à la condition que la collectivité n'ait pas connaissance des lieux et dont la forme n'est pas contestée, a en tout état de cause suspendu le cours du délai qui n'a ainsi pu reprendre avant la visite du bien, effectuée le 21 juillet 2017. Dès lors qu'à cette date, le délai restant à courir était inférieur à un mois, la commune disposait alors d'un mois pour prendre et rendre exécutoire sa décision. La décision litigieuse a été transmise au contrôle de légalité le 11 août 2017, ainsi que cela ressort des mentions certifiées par le maire sur la décision elle-même, et notifiée aux vendeurs le 14 août 2017. Il s'ensuit que le délai fixé par l'article L. 213-2 du code de l'urbanisme a été respecté.
14. En quatrième lieu, si les requérantes soutiennent que le tribunal de commerce avait pris en compte leur volonté d'acquérir le bien en cause en arrêtant, en application de l'article L. 631-22 ou des articles L. 642-1 et suivants du code de commerce, le plan de cession du fond qui y était exploité dans le cadre de la procédure de redressement judiciaire dont faisait l'objet son propriétaire, il ne ressort pas des pièces du dossier, et il n'est d'ailleurs pas allégué, que la cession de la propriété des parcelles, prises seulement à bail par le propriétaire du fond, faisait partie dudit plan de telle sorte qu'elle n'aurait pu être soumise, en application de l'exception prévue au 1° de l'article L. 213-1 du code de l'urbanisme, au droit de préemption. A supposer que cette décision de préemption mette en difficulté les perspectives de maintien d'emplois envisagées par les requérantes, il ne résulterait pas de cette seule circonstance, ni de celle que la commune devrait assumer des coûts de dépollution du site et le versement d'une indemnité d'éviction au preneur à bail, que la décision litigieuse, qui vise à répondre aux besoins en activité de la zone d'aménagement concertée par le développement de la filière agroalimentaire, ne répondrait pas à un intérêt général suffisant au regard des exigences de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme.
15. Il résulte de tout ce qui précède que les sociétés requérantes ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande.
Sur les frais liés au litige :
16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Montpellier, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une quelconque somme au titre des frais exposés par la SCI Greenstone, la SAS Epur Languedoc-Roussillon et la SA Epur et non compris dans les dépens. Il y a lieu en revanche de mettre à la charge de ces dernières la somme de 2 000 euros à verser à la commune de Montpellier sur le fondement de ces dispositions.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la SCI Greenstone, la SAS Epur Languedoc-Roussillon et la SA Epur est rejetée.
Article 2 : La SCI Greenstone, la SAS Epur Languedoc-Roussillon et la SA Epur verseront à la commune de Montpellier la somme globale de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI Greenstone, à la SAS Epur Languedoc-Roussillon, à la SA Epur et à la commune de Montpellier.
Délibéré après l'audience du 12 octobre 2020, où siégeaient :
- M. Bocquet, président,
- M. Marcovici, président assesseur,
- Mme C..., premier conseiller.
Lu en audience publique le 2 novembre 2020.
N° 19MA01492 2