Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 27 août 2019, M. A..., représenté par Me C..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 10 avril 2019 ;
2°) d'annuler les décisions du 20 décembre 2018 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat, au bénéfice de son conseil, une somme de 2 000 euros au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- sa demande de première instance était recevable dès lors que les voies de recours étaient mal mentionnées sur l'arrêté litigieux, qu'il était en détention et n'a pas été mis en mesure d'introduire son recours dans les délais impartis ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision lui refusant un délai de départ volontaire est entachée d'une erreur d'appréciation dès lors qu'il disposait de garanties de représentation ;
- la décision portant interdiction de retour est fondée sur une décision portant obligation de quitter le territoire illégale ;
- elle est disproportionnée et méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 septembre 2019, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.
Il s'en remet à ses moyens de première instance, selon lesquels :
- la demande de première instance était tardive ;
- elle était non fondée dans les moyens soulevés ;
- la décision portant refus de délai de départ volontaire est notamment justifiée par le fait que le comportement de M. A... constitue une menace pour l'ordre public, sur le fondement du 1° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 12 juillet 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme D... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... relève appel du jugement du 10 avril 2019 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 20 décembre 2018 par lesquelles le préfet de l'Hérault l'a obligé à quitter sans délai le territoire français et lui a fait interdiction de retour durant un an.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire :
2. Aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. _ L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger (...), lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; / (...). Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° - Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance / - (...) ".
3. M. A..., ressortissant tunisien né le 31 janvier 1999, a été recueilli, à partir du mois de mai 2014 et jusqu'au 30 janvier 2017, par les services d'accompagnement des mineurs isolés du département de la Haute-Garonne. Il a dans ce cadre, obtenu un diplôme d'études en langue françaises niveau A2, deux attestations scolaires de sécurité routière, et effectué plusieurs stages dans des entreprises de restauration, l'une d'entre elles lui ayant proposé un emploi. Il a, le 25 avril 2017, déposé une demande d'admission exceptionnelle au séjour. Toutefois, M. A... ne conteste pas être entré irrégulièrement sur le territoire français. Il ressort des pièces du dossier qu'il a été condamné, le 3 octobre 2018, à une peine de 5 mois d'emprisonnement pour des faits de port sans motif légitime d'arme blanche ou incapacitante de catégorie D, d'extorsion par violence, menace ou contrainte de signature, promesse, secret, fonds, valeur ou bien, et de vol en réunion. Si M. A... se prévaut de la présence de son frère en France, il est célibataire et sans charge de famille et n'établit pas être isolé dans son pays d'origine où il a au moins vécu jusqu'à l'âge de 14 ans. Dans ces circonstances, le centre de sa vie privée et familiale n'est pas fixé en France de façon telle que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire porterait une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale au regard des buts en vue desquels elle a été prise. Il s'ensuit que cette décision ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
En ce qui concerne la décision refusant un délai de départ volontaire :
4. Aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version applicable : " L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français. (...) / (...) / Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : / 1° Si le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public ; / (...) / 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / (...) / f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, ou qu'il a dissimulé des éléments de son identité, ou qu'il n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente, ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues par les articles L. 513-4, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2. ; / (...) ".
5. Si, contrairement à ce qui est mentionné dans la décision et le jugement contestés, M. A... a déclaré et justifié sa domiciliation chez son frère et sa belle-soeur sur la commune de Montpellier, le préfet fait valoir que le comportement du requérant, eu égard aux faits qui ont justifié la condamnation prononcée à son encontre, constitue une menace pour l'ordre public. Ce motif, qui ne saurait sérieusement être contesté, est propre à justifier la décision refusant d'octroyer un délai de départ volontaire à l'intéressé, sur le fondement du 1° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il y a ainsi lieu de procéder aux substitutions sollicitées par le préfet, dans la mesure où elles ne privent l'intéressé d'aucune garantie, où l'administration dispose du même pouvoir d'appréciation pour appliquer les dispositions du 1° et du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et où il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit dès lors être écarté.
En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour :
6. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. / (...) / La durée de l'interdiction de retour mentionnée au premier alinéa du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / (...) ".
7. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'illégalité dont serait entachée la décision portant obligation de quitter le territoire, présenté à l'encontre de la décision portant interdiction de retour doit être écarté.
8. Compte-tenu de l'ensemble des éléments exposés ci-dessus au point 3, eu égard particulièrement à la nature des liens de M. A... avec la France et à la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français, le préfet de l'Hérault a pu, légalement et sans porter une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, interdire à ce dernier le retour sur le territoire français durant un an.
9. Sans qu'il soit besoin d'examiner la recevabilité de la demande de première instance, il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 10 avril 2019, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet de l'Hérault du 20 décembre 2018.
Sur les frais liés au litige :
10. Les dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une quelconque somme au titre des frais que l'avocat de M. A... aurait réclamés à son client si ce dernier n'avait bénéficié d'une aide juridictionnelle totale.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Me E... C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 12 octobre 2020, où siégeaient :
- M. Bocquet, président,
- M. Marcovici, président assesseur,
- Mme D..., premier conseiller.
Lu en audience publique le 2 novembre 2020.
N° 19MA04045 2