Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 6 février 2019, Mme B... épouse C..., représentée par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 17 octobre 2018 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 19 mars 2018 du préfet des Bouches-du-Rhône ;
3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- l'arrêté a été signé par une personne ne bénéficiant pas d'une délégation de signature régulièrement publiée ;
- la décision de refus de séjour est insuffisamment motivée ;
- son état de santé nécessite toujours une prise en charge spécifique ;
- elle ne peut accéder aux soins nécessaires à sa survie en raison du caractère onéreux des traitements en Arménie ;
- elle ne peut voyager sans risque pour sa sécurité ;
- la décision de refus de séjour méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense enregistré le 10 avril 2019, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par l'appelante n'est fondé.
Par décision du 14 décembre 2018, Mme B... épouse C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme D... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme E... B... épouse C..., de nationalité arménienne, née le 29 juillet 1965, relève appel du jugement du 17 octobre 2018 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 19 mars 2018 refusant de renouveler le titre de séjour dont elle bénéficiait en qualité d'étranger malade et l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours.
Sur le bien-fondé du jugement contesté :
2. En premier lieu, il convient d'écarter le moyen tiré du vice d'incompétence dont serait entaché l'arrêté préfectoral contesté par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.
3. En deuxième lieu, la décision de refus de séjour, qui vise notamment les dispositions de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et mentionne que l'état de santé de la requérante ne nécessite plus son maintien sur le territoire français dès lors qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé en Arménie, elle peut effectivement y bénéficier d'un traitement approprié, est suffisamment motivée.
4. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ". Aux termes de l'article R. 313-22 du même code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé ". L'article R. 313-23 dudit code précise : " Le rapport médical mentionné à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement le demandeur ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa de l'article R. 313-22. Le médecin de l'office peut solliciter, le cas échéant, le médecin qui suit habituellement le demandeur ou le médecin praticien hospitalier. Il en informe le demandeur. Il peut également convoquer le demandeur pour l'examiner et faire procéder aux examens estimés nécessaires (...). Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège ". Enfin, aux termes de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant : a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; d) la durée prévisible du traitement. Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays ".
5. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... épouse C... a subi une intervention chirurgicale en juin 2013 en Arménie pour un cancer du sein. Arrivée en France le 9 août 2013, elle a bénéficié d'un titre de séjour " étranger malade " en 2014, régulièrement renouvelé. Elle a suivi un traitement de chimiothérapie et de radiothérapie qui a pris fin en décembre 2014, un traitement par hormonothérapie devant être poursuivi jusqu'en 2019. Elle a demandé le renouvellement de son titre le 30 août 2017. Le préfet des Bouches-du-Rhône a alors saisi le collège de médecins de l'OFII qui a estimé le 23 janvier 2018 que, si l'état de santé de la requérante nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il ne nécessite plus son maintien sur le territoire français dès lors qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont elle est originaire, elle peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, et qu'au vu des éléments du dossier et à la date de l'avis, l'état de santé de Mme B... épouse C... peut lui permettre de voyager sans risque vers l'Arménie. Il ressort des certificats médicaux produits par la requérante que le traitement par chimiothérapie et radiothérapie a pris fin et qu'elle doit désormais faire réaliser tous les six mois des examens de surveillance comportant un scanner thoraco-abdomino-pelvien, une échographie et une mammographie ainsi qu'un bilan biologique. Mme B... épouse C... ne peut utilement soutenir qu'elle ne pourrait effectivement bénéficier dans son pays d'origine du traitement Herceptin, lequel ne serait pas remboursé par l'Etat arménien, dès lors que les pièces médicales qu'elle produit ne démontrent pas que ce traitement devrait à nouveau lui être administré. L'avis qu'elle produit par ailleurs, émanant du " centre médical de réhabilitation " Artmed " SARL ", lequel mentionne que la tomographie par émission de positons couplé à un scanner (PET SCAN) n'existe pas en Arménie, est insuffisamment probant et précis pour remettre en cause l'avis émis par le collège de médecins de l'OFII. Si elle souffre par ailleurs d'un état dépressif nécessitant des soins, le certificat dont elle se prévaut, émanant d'un " centre d'expertise sur les médicaments et les technologies médicales " en date du 19 février 2019, lequel mentionne que certains médicaments traitant les troubles anxio-dépressifs n'ont pas été importés en Arménie depuis plusieurs années, ne démontre pas pour autant que des soins ne pourraient lui être administrés pour traiter ces troubles. Enfin, elle ne justifie pas, compte-tenu de ce qui vient d'être exposé, qu'elle ne pourrait voyager sans risque pour sa sécurité vers l'Arménie dans son pays d'origine. Dans ces conditions, le préfet des Bouches-du-Rhône n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 en lui refusant le titre de séjour sollicité.
6. En quatrième et dernier lieu, compte-tenu de ce qui a été notamment exposé au point précédent, le préfet n'a pas non plus commis d'erreur manifeste d'appréciation en considérant que la situation de la requérante, dont l'époux et les enfants résident en Arménie, ne relevait pas de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels justifiant une admission au séjour en application des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
7. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... épouse C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 19 mars 2018. Ses conclusions aux fins d'injonction, d'astreinte et d'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent par suite qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... épouse C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... B... épouse C..., à Me A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 18 novembre 2019, où siégeaient :
- M. Bocquet, président,
- Mme D..., première conseillère,
- M. Merenne, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 2 décembre 2019.
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N° 19MA00597