Par une requête et un mémoire, enregistrés le 18 avril 2019 et le 26 juillet 2019, le préfet des Pyrénées-Orientales, représenté par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 21 février 2019 du tribunal administratif de Montpellier ;
2°) de rejeter la demande de Mme A... épouse D... présentée devant le tribunal administratif de Montpellier ;
3°) de mettre à la charge de Mme A... épouse D... la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- Mme A... épouse D... ne démontre pas avoir résidé de manière effective en France pendant 27 ans ;
- elle ne démontre pas être hébergée par ses enfants ;
- elle ne démontre pas que ses enfants pourraient la prendre en charge financièrement ;
- elle ne démontre pas être séparée de son époux ;
- l'absence d'un visa long séjour fait obstacle à la délivrance à la requérante d'une carte de séjour temporaire " vie privée et familiale " ;
- l'arrêté attaqué n'est pas entaché d'un vice d'incompétence ;
- il est suffisamment motivé ;
- il n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il n'est pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 mai 2019, Mme A... épouse D..., représentée par Me D..., demande à la Cour :
1°) de rejeter la requête ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient qu'aucun des moyens soulevés par l'appelant n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme E... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Le préfet des Pyrénées-Orientales relève appel du jugement du 21 février 2019 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a annulé l'arrêté du 27 juin 2017 portant refus de séjour édicté à l'encontre de Mme D..., née le 1er janvier 1960, de nationalité marocaine, et lui a enjoint de délivrer à cette dernière une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ".
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance - 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sécurité publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
3. Il ressort des pièces du dossier que M. D... a bénéficié d'un titre de séjour spécial pour la période du 30 septembre 1986 au 16 septembre 2013, délivré par le ministère des affaires étrangères, afin qu'il exerce sa mission d'enseignant en France. En sa qualité de conjointe de titulaire d'un titre de séjour spécial délivré par le ministère des affaires étrangères, Mme D... a bénéficié du même titre sur la période considérée. Au terme de cette mission éducative qui s'est achevée au mois de septembre 2013, le couple est retourné vivre au Maroc. Mme D... a bénéficié depuis de visas court séjour et a sollicité le 13 octobre 2016 son admission au séjour en France au titre de la vie privée et familiale. Il ressort des pièces du dossier que les cinq enfants de Mme D..., dont les trois derniers sont nés à Perpignan en 1992, 1993 et 1995, ont tous acquis la nationalité française et sont quatre à résider en France, le cinquième vivant au Royaume-Uni. La requérante est séparée de fait de son époux et son père est décédé le 26 août 1995 au Maroc. Compte-tenu des conditions de séjour en France de l'intéressée depuis la délivrance d'un premier titre de séjour en 1986 et de la présence en France de quatre de ses cinq enfants, de nationalité française, lesquels peuvent au demeurant la prendre en charge financièrement, c'est à bon droit que le tribunal administratif de Montpellier a annulé l'arrêté du 27 juin 2017 portant refus de séjour édicté à l'encontre de Mme D... pour méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et a enjoint au préfet de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", sans qu'y fasse obstacle l'absence de détention par l'intéressée d'un visa long séjour.
4. Il résulte de ce qui précède que le préfet des Pyrénées-Orientales n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a annulé l'arrêté du 27 juin 2017 et lui a enjoint de délivrer à Mme D... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ". Sa requête doit, par suite, être rejetée.
Sur les frais liés au litige :
5. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de Mme D..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement d'une somme au profit de l'Etat. Il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à Mme D... en application des mêmes dispositions.
D É C I D E :
Article 1 : La requête du préfet des Pyrénées-Orientales est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros à Mme D... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Mme C... A... épouse D....
Copie en sera adressée au préfet des Pyrénées-Orientales.
Délibéré après l'audience du 18 novembre 2019, où siégeaient :
- M. Bocquet, président,
- Mme E..., première conseillère,
- M. Merenne, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 2 décembre 2019.
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N° 19MA01874