Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 26 novembre 2018, la commune de Cazouls-lès-Béziers, représentée par la SCP Vinsonneau - Paliès Noy Gauer et associés, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 27 septembre 2018 du tribunal administratif de Montpellier ;
2°) d'annuler la décision du 17 mai 2017 du préfet de l'Hérault en tant qu'elle ne lui attribue pas la première fraction de la dotation de solidarité rurale ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que la décision contestée méconnaît l'article L. 2334-21 du code général des collectivités territoriales.
Par un mémoire, enregistré le 18 avril 2019, la commune de Cazouls-lès-Béziers demande à la cour de transmettre au Conseil d'Etat une question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité de l'article 107 de la loi n° 2014-1654 du 29 décembre 2014 aux droits et libertés garantis par la Constitution.
Elle soutient que ces dispositions, applicables au litige, méconnaissent le principe constitutionnel d'égalité.
La requête et le mémoire de la commune de Cazouls-lès-Béziers ont été communiqués au ministre de l'intérieur, qui n'a pas produit d'observations.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Constitution, notamment son article 61-1 ;
- le code civil, notamment son article 1er ;
- le code général des collectivités territoriales, notamment son article L. 2334-21 ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- la loi n° 2014-1654 du 29 décembre 2014, notamment son article 107 ;
- le décret n° 2014-258 du 26 février 2014 ;
- le code de justice administrative.
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. B...,
- les conclusions de M. Pecchioli, rapporteur public,
- et les observations de Me A..., représentant la commune de Cazouls-lès-Béziers.
Une note en délibéré présentée par la commune de Cazouls-lès-Béziers a été enregistrée le 6 novembre 2019.
Considérant ce qui suit :
1. La commune de Cazouls-lès-Béziers fait appel du jugement du 27 septembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 17 mai 2017 du préfet de l'Hérault en tant qu'elle ne lui attribue pas la première fraction de la dotation de solidarité rurale.
Sur la question prioritaire de constitutionnalité :
2. Il résulte des dispositions combinées des premiers alinéas des articles 23-1 et 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, que le tribunal administratif saisi d'un moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution présenté dans un écrit distinct et motivé, statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'Etat et procède à cette transmission si est remplie la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances et que la question ne soit pas dépourvue de caractère sérieux.
3. Selon l'article L. 2334-20 du code général des collectivités territoriales, la dotation de solidarité rurale est attribuée aux communes de moins de 10 000 habitants et à certains chefs-lieux d'arrondissement de moins de 20 000 habitants pour tenir compte tant des charges qu'ils supportent en vue du maintien de la vie sociale en milieu rural que de l'insuffisance de leurs ressources fiscales. La première fraction de cette dotation, dite " fraction bourg-centre ", instituée par l'article L. 2334-21, a pour objet, non de compenser les charges qu'entraînerait le siège d'un bureau centralisateur comme le soutient la commune de Cazouls-lès-Béziers, mais de contribuer aux charges qui résultent de la centralité d'une commune dans un environnement rural.
4. D'une part, les communes situées dans un canton dont la commune chef-lieu compte plus de 10 0000 habitants sont localisées à proximité d'une agglomération plus importante, et ne sont donc pas exposées de la même façon aux charges qui résultent d'une position centrale dans un environnement rural. Ainsi, l'exclusion de ces communes du bénéfice de la première fraction de la dotation de solidarité rurale par les dispositions du 2° de l'article L. 2334-21 repose sur des critères objectifs et rationnels au regard de l'objectif poursuivi, et est en rapport direct avec l'objet de la loi.
5. D'autre part, le principe constitutionnel d'égalité n'implique pas que des personnes se trouvant dans des situations différentes soient soumises à des règles différentes. La commune de Cazouls-lès-Béziers ne peut en conséquence utilement soutenir que ce principe aurait imposé au législateur, avant l'entrée en vigueur de l'article 159 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017, de prévoir une exception aux dispositions du 2° de l'article L. 2334-21 pour les communes sièges des bureaux centralisateurs du fait de la particularité de leur situation.
6. Il résulte de ce qui précède que la question soulevée par la commune de Cazouls-lès-Béziers ne présente pas un caractère sérieux. Il n'y a dès lors pas lieu de la transmettre au Conseil d'Etat.
Sur le bien-fondé du jugement :
7. Ainsi qu'il a été dit ci-dessus, si l'article 107 de la loi n° 2014-1654 du 29 décembre 2014 a modifié l'article L. 2334-21 du code général des collectivités territoriales pour inclure les communes sièges de bureaux centralisateurs parmi celles pouvant être éligibles à la première fraction de la dotation de la solidarité rurale, le 2° de l'article L. 2334-21 exclut du bénéfice de la première fraction cette dotation les communes situées dans un canton dont la commune chef-lieu compte plus de 10 000 habitants, en précisant plus loin que pour son application, les limites territoriales des cantons sont appréciées au 1er janvier 2014. L'interprétation de ces dispositions, qui sont claires par elles-mêmes, ne nécessite ni de se référer aux travaux parlementaires, ni de s'interroger sur une " erreur " commise par le législateur, qu'il n'appartient pas au juge administratif de corriger. En outre, si l'article 159 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 a ultérieurement modifié le 2° de l'article L. 2334-21 pour en exclure les communes sièges de bureaux centralisateurs, ces dispositions, en l'absence de précision contraire, sont entrées en vigueur le lendemain de leur publication conformément à l'article 1er du code civil et sont par suite inapplicables en litige. Ainsi que l'a jugé le tribunal administratif, la commune de Cazouls-lès-Béziers, qui faisait partie au 1er janvier 2014 du canton de Béziers 3 dont le chef-lieu, à savoir la commune de Béziers, compte plus de 10 000 habitants, n'était pas éligible à la première fraction de la dotation de solidarité rurale. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 2334-21 du code général des collectivités territoriales doit dès lors être écarté.
8. Il résulte de ce qui précède que la commune de Cazouls-lès-Béziers n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
9. L'Etat n'est pas la partie perdante dans la présente instance. Il ne peut en conséquence être fait droit aux conclusions présentées par la commune de Cazouls-lès-Béziers sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la commune de Cazouls-lès-Béziers.
Article 2 : La requête de la commune de Cazouls-lès-Béziers est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Cazouls-lès-Béziers, au ministre de l'intérieur et à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.
Copie en sera adressée pour information au préfet de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 4 novembre 2019, où siégeaient :
- M. Bocquet, président,
- M. Marcovici, président assesseur,
- M. B..., premier conseiller.
Lu en audience publique le 18 novembre 2019.
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N° 18MA04964