Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 5 avril 2019, M. A..., représenté par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Gard du 28 février 2017 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Gard de lui délivrer une carte de séjour temporaire sous astreinte de 20 euros par jour de retard passé un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans le même délai et sous la même astreinte, en le munissant d'une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 000 euros à Me B... au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le premier juge ne pouvait pas prononcer le non-lieu à statuer, la décision en litige lui refusant un titre de séjour portant mention " vie privée et familiale " alors que le titre de séjour qui lui a été accordé le 2 janvier 2018, en cours d'instance, porte la mention " travailleur temporaire " ;
- l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé en droit et en fait ;
- il est entaché d'incompétence ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen individuel de l'ensemble de circonstances de l'espèce ;
- le préfet a méconnu l'article L. 313-11 2° bis du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision refusant son admission au séjour est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990.
Par un mémoire en défense enregistré le 29 août 2019, le préfet du Gard conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 19 septembre 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 10 octobre 2019.
M. A... n'a pas été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle par une décision du 24 mai 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- le code de de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'action sociale et des familles ;
- le code civil ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique, le rapport de Mme E... G..., rapporteure.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant malien né le 9 octobre 1999, a sollicité un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-11 2° bis du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il relève appel de l'ordonnance du 7 février 2019 par laquelle le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Nîmes a jugé qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur sa demande d'annulation de l'arrêté du 28 février 2017 du préfet du Gard lui refusant le titre de séjour sollicité, du fait de l'intervention d'une nouvelle décision, prise le 2 janvier 2018, donc en cours d'instance, lui accordant une carte de séjour mention " travailleur temporaire ", valable du 2 janvier 2018 au 1er janvier 2019.
Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :
2. L'admission au séjour d'un étranger afin qu'il puisse exercer en France une activité salariée ne confère pas à l'intéressé des droits équivalents et n'a pas sur sa situation les mêmes conséquences qu'une admission au séjour au titre de la vie privée et familiale. Dès lors, le titre délivré à M. A... le 2 janvier 2018 ne peut être regardé comme ayant eu pour effet de rapporter le refus qui lui a été opposé de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Ainsi que le soutient le requérant, l'octroi de ce titre ne rend donc pas sans objet sa demande contentieuse. Par suite, c'est à tort que le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Nîmes a prononcé le non-lieu à statuer sur cette demande. Ainsi, l'ordonnance du 7 février 2019 est entachée d'irrégularité et doit être annulée. Il y a lieu d'évoquer et de statuer sur la demande de M. A....
Sur les conclusions à fin d'annulation :
3. En premier lieu, par arrêté préfectoral n° 2016-DL-1-3 du 09 septembre 2016, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la Préfecture du Gard le même jour, le préfet du Gard a accordé une délégation de signature à M. D... C..., sous-préfet hors classe, secrétaire général de la préfecture du Gard, à l'effet de signer " tous arrêtés, décisions, circulaires, rapports, correspondances et documents relevant des attributions de l'Etat dans le département du Gard ". Cette délégation qui, contrairement à ce qui est soutenu, n'a pas une portée générale, donnait légalement compétence à M. C... pour signer l'arrêté en litige. Par suite, le moyen tiré du vice d'incompétence doit être écarté.
4. En deuxième lieu, la décision en litige comporte l'exposé des motifs de droit et de fait sur lesquels s'est fondé le préfet du Gard pour rejeter la demande de titre de séjour présentée par M. A... sur le fondement de l'article L. 313-11 2° bis code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, notamment en raison du fait qu'il n'avait pas été confié avant son seizième anniversaire au service de l'aide sociale à l'enfance. Cette décision est ainsi suffisamment motivée au regard des exigences des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration.
5. En troisième lieu, la décision critiquée mentionne les éléments de faits propres à la situation personnelle de M. A... ainsi que ceux relatifs à sa vie privée et précise que sa demande ne peut être regardée comme relevant de circonstances exceptionnelles ou de considérations humanitaires. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le préfet du Gard n'a pas procédé à un examen réel et sérieux de sa situation avant d'opposer un refus à sa demande de titre de séjour présentée sur le fondement de sa vie privée et familiale.
6. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 2° bis A l'étranger dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire ou entrant dans les prévisions de l'article L. 311-3, qui a été confié, depuis qu'il a atteint au plus l'âge de seize ans, au service de l'aide sociale à l'enfance et sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de la formation, de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. (...) ". Selon l'article L. 223-2 du code de l'action sociale et des familles : " Sauf si un enfant est confié au service par décision judiciaire ou s'il s'agit de prestations en espèces, aucune décision sur le principe ou les modalités de l'admission dans le service de l'aide sociale à l'enfance ne peut être prise sans l'accord écrit des représentants légaux ou du représentant légal du mineur ou du bénéficiaire lui-même s'il est mineur émancipé. / En cas d'urgence et lorsque le représentant légal du mineur est dans l'impossibilité de donner son accord, l'enfant est recueilli provisoirement par le service qui en avise immédiatement le procureur de la République. / Si le représentant légal est en mesure de donner son accord mais le refuse, le service saisit l'autorité judiciaire en vue de l'application de l'article 375-5 du code civil. / Si, dans le cas prévu au deuxième alinéa du présent article, l'enfant n'a pas pu être remis à sa famille ou le représentant légal n'a pas pu ou a refusé de donner son accord dans un délai de cinq jours, le service saisit également l'autorité judiciaire en vue de l'application de l'article 375-5 du code civil. / En cas de danger immédiat ou de suspicion de danger immédiat concernant un mineur ayant abandonné le domicile familial, le service peut, dans le cadre des actions de prévention, pendant une durée maximale de soixante-douze heures, accueillir le mineur, sous réserve d'en informer sans délai les parents, toute autre personne exerçant l'autorité parentale ou le tuteur, ainsi que le procureur de la République. Si au terme de ce délai le retour de l'enfant dans sa famille n'a pas pu être organisé, une procédure d'admission à l'aide sociale à l'enfance ou, à défaut d'accord des parents ou du représentant légal, une saisine de l'autorité judiciaire est engagée. (...) ". Aux termes de l'article 375-3 du code civil : " Si la protection de l'enfant l'exige, le juge des enfants peut décider de le confier : (...) 3° A un service départemental de l'aide sociale à l'enfance (...) ". L'article 375-5 du même code dispose enfin : " A titre provisoire mais à charge d'appel, le juge peut, pendant l'instance, soit ordonner la remise provisoire du mineur à un centre d'accueil ou d'observation, soit prendre l'une des mesures prévues aux articles 375-3 et 375-4. / En cas d'urgence, le procureur de la République du lieu où le mineur a été trouvé a le même pouvoir, à charge de saisir dans les huit jours le juge compétent, qui maintiendra, modifiera ou rapportera la mesure (...) ".
7. Il résulte de l'ensemble de ces dispositions que, pour l'application des dispositions précitées de l'article L. 313-11 2° bis du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, un mineur étranger ne peut être regardé comme ayant été confié au service départemental de l'aide sociale à l'enfance que s'il l'a été en vertu d'un jugement ou d'une ordonnance de l'autorité judiciaire sur le fondement des articles 375-3 ou 375-5 du code civil.
8. En l'espèce, si M. A..., né le 9 octobre 1999, a été pris en charge par le conseil départemental du Gard au titre de l'aide sociale à l'enfance pour la période du 21 septembre 2015 au 16 mars 2016, l'autorité judiciaire ne l'a confié à ce service que par une ordonnance de placement provisoire prise par le procureur de la République le 10 novembre 2015. A cette date, qui doit être retenue pour apprécier l'âge du requérant pour l'application des dispositions précitées, il avait plus de seize ans révolus. Par suite, en rejetant sa demande de titre de séjour " vie privée et familiale " au motif qu'il n'entrait pas dans les prévisions de l'article L. 313-11 2° bis du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet du Gard n'a pas méconnu ces dispositions.
9. En cinquième lieu, M. A..., né le 9 octobre 1999, qui est entré en France au début du mois de septembre 2016 alors qu'il était mineur, n'y vivait que depuis dix-huit mois à la date de la décision contestée. S'il a suivi, au titre de l'année 2016-2017 une scolarité au CCI Sud Formation et a bénéficié d'un contrat d'apprentissage à compter du 1er septembre 2016, il ressort des pièces du dossier qu'il ne pouvait encore se prévaloir, à la date de la décision critiquée, d'une réelle insertion sociale en France alors même qu'il avait fait l'objet d'une prise en charge par le département du Gard au titre de l'aide sociale à l'enfance et avait déjà fait preuve d'un certain sérieux dans le suivi des études comme en atteste son bulletin de notes du premier semestre de l'année 2016-2017. Dans ces conditions, les éléments avancés par le requérant, célibataire et sans charge de famille, ne permettent pas de considérer que la décision contestée du préfet du Gard, à la date à laquelle elle a été prise, seule à prendre en considération pour en apprécier la légalité, a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée. Pour les mêmes motifs, M. A... n'est pas davantage fondé à soutenir que ce refus de titre de séjour a méconnu l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.
10. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du préfet du Gard du 28 février 2017 lui refusant un titre séjour mention " vie privée et familiale ". Par voie de conséquence, doivent être rejetées ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées au titre des frais d'instance.
D É C I D E :
Article 1er : L'ordonnance n° 1701314 du 7 février 2019 du président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Nîmes est annulée.
Article 2 : La demande de M. A... est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... A..., au ministre de l'intérieur et à Me B....
Copie en sera adressée au préfet du Gard.
Délibéré après l'audience du 4 novembre 2019, où siégeaient :
- M. David Zupan, président,
- Mme E... G..., présidente assesseure,
- M. Philippe Grimaud, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 18 novembre 2019.
6
N° 19MA01656