Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 18 octobre 2019, M. B..., représenté par Me Bazin, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 12 juin 2019 du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Montpellier ;
2°) d'annuler l'arrêté du 4 avril 2019 du préfet de l'Hérault ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros à verser à Me Bazin sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est entaché d'omission à statuer, dès lors qu'il ne répond pas au moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'obligation de quitter le territoire français ;
- l'obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée, car une affirmation figurant dans le mémoire en défense produit par le préfet en première instance est erronée ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation personnelle ;
- la décision fixant le délai de départ volontaire est entachée d'insuffisance de motivation et d'erreur de droit, dès lors que le préfet n'a pas précisé les raisons pour lesquelles un délai de trente jours aurait été suffisant ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation personnelle ;
- l'interdiction de retour sur le territoire français est illégale en conséquence de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;
- elle est entachée d'insuffisance de motivation et d'erreur de droit, dès lors que le préfet ne s'est pas prononcé sur l'ensemble des critères prévu au III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'erreur de fait, dès lors qu'il ne s'est pas irrégulièrement maintenu sur le territoire français après la décision de la Cour nationale du droit d'asile ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation personnelle.
Par un mémoire en défense, enregistré le 5 février 2021, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 6 septembre 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Le rapport de M. E... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant ivoirien, fait appel du jugement du 12 juin 2019 par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 4 avril 2019 du préfet de l'Hérault l'obligeant à quitter le territoire français sans dans un délai de trente jours, fixant le pays à destination duquel il est susceptible d'être reconduit d'office, et prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de quatre mois.
Sur l'irrégularité du jugement attaqué :
2. Le jugement attaqué a omis de se prononcer sur le moyen, soulevé dans un mémoire de M. B... enregistré le 10 juin 2019, relatif à l'insuffisance de motivation de l'obligation de quitter le territoire français. Il convient du fait de cette irrégularité d'annuler le jugement attaqué et de statuer immédiatement sur la demande de M. B... par la voie de l'évocation.
Sur la légalité de l'arrêté du 4 avril 2019 :
3. Par un arrêté n° 2019-I-119 du 7 février 2019, publié au recueil des actes administratifs du même jour, Mme C... A... a reçu délégation pour signer " toute décision ayant trait à une mesure d'éloignement concernant les étrangers séjournant irrégulièrement sur le territoire français ". Le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté contesté ne peut qu'être écarté.
4. L'obligation de quitter le territoire français comporte les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde. Elle est par suite suffisamment motivée, conformément à l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
5. M. B... se borne à produire un certificat selon lequel il est atteint d'une " maladie qui nécessite des soins importants ", sans préciser au demeurant sa nature et sa gravité, et deux ordonnances médicales. Ces pièces ne permettent ni de retenir que son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut serait susceptible d'emporter des conséquences d'une exceptionnelle gravité, ni qu'il ne pourrait effectivement bénéficier d'un traitement approprié en Côte-d'Ivoire. L'obligation de quitter le territoire français ne méconnaît donc pas le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
6. M. B..., entré en France le 25 juillet 2017, n'invoque pas d'autres éléments que son état de santé à l'appui du moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle. Ce moyen doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux figurant au point précédent.
7. Dès lors que le délai d'un mois accordé à un étranger pour exécuter une obligation de quitter le territoire français constitue un délai équivalent au délai de droit commun le plus long susceptible d'être accordé en application des dispositions précitées de l'article 7 de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008, l'absence de prolongation de ce délai n'a pas à faire l'objet d'une motivation spécifique, distincte de celle du principe même de ladite obligation, à moins que l'étranger ait expressément demandé le bénéfice d'une telle prolongation ou justifie d'éléments suffisamment précis sur sa situation personnelle, notamment la durée de son séjour en France, l'existence d'enfants scolarisés et d'autres liens familiaux et sociaux sur le territoire français, susceptibles de rendre nécessaire, au sens desdites dispositions de l'article 7, une telle prolongation. En l'espèce, il ne ressort pas des pièces du dossier que le requérant ait demandé au préfet à bénéficier d'une prolongation du délai accordé pour exécuter volontairement l'obligation de quitter le territoire français. Par suite, la décision attaquée est suffisamment motivée quant au délai imparti.
8. En outre, l'état de santé de M. B... ne justifiait pas de lui octroyer un délai de départ supérieur à trente jours. Cette décision n'est donc entachée ni d'erreur de fait, ni d'erreur de droit, ni d'erreur manifeste d'appréciation.
9. Aux termes du III. de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ou lorsque l'étranger n'a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti. /Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée au premier alinéa du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français ".
10. L'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'examen de l'un d'entre eux. La décision d'interdiction de retour doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire puisse à sa seule lecture en connaître les motifs. Si cette motivation doit attester de la prise en compte par l'autorité compétente, au vu de la situation de l'intéressé, de l'ensemble des critères prévus par la loi, aucune règle n'impose que le principe et la durée de l'interdiction de retour fassent l'objet de motivations distinctes, ni que soit indiquée l'importance accordée à chaque critère.
11. L'arrêté contesté est motivé par le fait que le requérant est entré récemment en France et n'établit pas y avoir de liens familiaux. Cette motivation fait ainsi référence à deux des quatre critères énumérés par les dispositions citées au point 10 ce qui est suffisant.
12. La mention selon laquelle le requérant se maintient en situation irrégulière ne constitue pas un élément de cette motivation, mais rappelle le cadre dans lequel s'inscrit la décision préfectorale. Elle n'est en l'occurrence pas constitutive d'une erreur de droit, dès lors que le droit du requérant de se maintenir sur le territoire français a en tout état de cause pris fin consécutivement à la décision de la Cour nationale du droit d'asile.
13. En soutenant qu'il ne présente pas une menace pour l'ordre public, qu'il n'a jamais fait l'objet d'une mesure d'éloignement et qu'il veut rester en France pour être soigné, le requérant n'établit pas que le préfet aurait entaché la décision d'interdiction de retour d'erreur manifeste d'appréciation.
14. Il résulte de ce qui précède que la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Montpellier doit être rejetée.
15. L'Etat, qui n'est pas tenu aux dépens, n'est pas la partie perdante dans la présente instance. Les dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font en conséquence obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées par M. B... sur leur fondement.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du 12 juin 2019 du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Montpellier est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Montpellier et le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B..., à Me Bazin et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée pour information au préfet de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 6 septembre 2021, où siégeaient :
- M. Bocquet, président,
- M. Marcovici, président assesseur,
- M. E..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 septembre 2021.
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No 19MA04590