Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 19 mars 2018, M.A..., représenté par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille du 9 novembre 2017;
2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 5 octobre 2016 portant refus de délivrance d'un titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixation du pays de destination de la mesure d'éloignement.
3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me B... de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve de la renonciation au bénéfice de l'aide juridictionnelle en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'arrêté en litige n'est pas motivé ;
- le préfet des Bouches-du-Rhône n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation personnelle ;
- l'arrêté litigieux méconnait les dispositions de l'article L. 313-11, 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté litigieux a également méconnu les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de cet article.
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 juin 2018, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
La demande d'aide juridictionnelle de M. A...a été rejetée par une décision du 19 février 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pecchioli,
- les conclusions de M. Revert, rapporteur public,
- et les observations de MeB..., représentant M.A....
Considérant ce qui suit :
1. Par jugement du 9 novembre 2017, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande de M.A..., de nationalité arménienne, tendant à l'annulation de l'arrêté portant refus de lui délivrer un titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixation du pays de destination de la mesure d'éloignement. M. A...relève appel de ce jugement.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. En premier lieu, le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté la demande de titre de séjour présentée par M.A..., de nationalité arménienne, né le 27 juin 1963, au motif tiré que son état de santé, dès lors qu'il pouvait bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine, que le défaut de prise en charge ne pouvait entraîner de conséquence d'une exceptionnelle gravité et qu'il pouvait voyager sans risque à destination de l'Arménie, ne nécessitait pas la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 en rappelant notamment les conditions d'entrée et de séjour de l'intéressé, l'avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé du 14 septembre 2016 et le fait que sa conjointe et compatriote avait fait également l'objet d'une obligation de quitter le territoire français le 25 mars 2014. Il ressort de la motivation de cet arrêté, qui n'est pas stéréotypée, que le préfet a procédé à un examen particulier de la situation personnelle de M. A.... Ainsi, et alors que le préfet n'avait pas à rappeler l'ensemble de la situation de l'intéressé, le moyen tiré du défaut motivation de l'arrêté litigieux manque en fait et doit être écarté.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction en vigueur à la date de l'arrêté attaqué : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence, ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police. Le médecin de l'agence régionale de santé ou, à Paris, le chef du service médical de la préfecture de police peut convoquer le demandeur pour une consultation médicale devant une commission médicale régionale dont la composition est fixée par décret en Conseil d'Etat. ". Aux termes de l'article R. 313-22 du même code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé compétente au regard du lieu de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général. Par dérogation, à Paris, ce médecin est désigné par le préfet de police. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un médecin praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur l'existence d'un traitement dans le pays d'origine de l'intéressé. Quand la commission médicale régionale a été saisie dans les conditions prévues à l'article R. 313-26, l'avis mentionne cette saisine. / Le préfet peut, après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, prendre en considération une circonstance humanitaire exceptionnelle pour délivrer la carte de séjour temporaire même s'il existe un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé... ".
4. M. A..., souffrant d'une scoliose dégénérative lombaire, a bénéficié en décembre 2012 puis en 2014 d'interventions chirurgicales. En dépit des opérations, il dit souffrir de douleurs lombaires persistantes ainsi que d'une névralgie cervico-brachiale et présente également un état anxiodépressif sévère consécutif de ces pathologies.
5. Les pièces médicales du dossier produites en première instance et en appel, qui établissent notamment que M. A... souffre des pathologies invalidantes susmentionnées depuis plus de quinze ans, bien avant son arrivée en France, ne permettent toutefois pas de remettre en cause utilement l'appréciation portée par le médecin de l'agence régionale de santé (ARS) Provence-Alpes-Côte d'Azur qui estime que l'état de santé de l'intéressé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité, tant physique que psychologique, et qu'il existe un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. Si le requérant produit des informations du gouvernement de la République d'Arménie concernant " le service et les soins médicaux avec les conditions avantageuses et gratuites, garantis par l'état " pour prouver qu'il n'entre pas dans l'une des catégories de personnes ayant droit à un accès aux soins gratuits ou à des conditions avantageuses, celles-ci n'infirment pas l'avis du médecin de l'ARS, alors que par ailleurs M. A... ne produit aucun justificatif médical récent venant contredire ledit avis, ni n'établit l'impossibilité notamment financière pour lui d'un accès en Arménie aux soins de kinésithérapie. Il s'ensuit que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le préfet des Bouches-du-Rhône a estimé qu'il ne remplit pas toutes les conditions pour pouvoir prétendre à la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de ce que le refus de séjour attaqué aurait été pris en méconnaissance de ces dispositions doit donc être écarté.
6. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. / L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans. (...) ".
7. M. A...fait valoir, à l'appui de sa demande d'admission au séjour, qu'à la date de l'arrêté en litige, il résidait en France de façon habituelle depuis 2011 et que, souffrant ainsi qu'il a été dit ci-dessus d'une scoliose dégénérative et de lombalgies, les médecins français lui ont redonné espoir dans le traitement de sa pathologie et lui ont notamment permis de continuer à marcher. Il ajoute qu'il ne peut bénéficier des séances de kinésithérapie et de physiothérapie en Arménie dès lors que ces soins ne sont pas couverts par la sécurité sociale ; il précise enfin qu'il est suivi en France depuis six ans par un psychiatre. Toutefois, eu égard à ce qui a été dit sur la dispense de soins en Arménie au point 5, aucun de ces motifs ne constitue un motif exceptionnel d'admission au séjour ou une considération humanitaire au sens de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'erreur manifeste d'appréciation doit être écarté.
8. Il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :
9. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions tendant à l'annulation de la décision litigieuse, n'implique aucune mesure particulière d'exécution. Par suite, les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte présentées par M. A...ne peuvent être accueillies.
Sur les frais de l'instance :
10. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ".
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement d'une quelconque somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les conclusions présentées par M. A...au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent dès lors qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 17 septembre 2018, où siégeaient :
- M. Bocquet, président de chambre,
- M. Marcovici, président assesseur,
- M. Pecchioli, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 1er octobre 2018.
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N° 18MA01272