Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 24 août 2016, Mme B... veuveA..., représentée par Me D..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 12 mai 2016 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Hérault en date du 1er décembre 2015 portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt-dix jours ;
3°) d'enjoindre, à titre principal, au préfet de l'Hérault de lui délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale ", sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir et, à titre subsidiaire, d'ordonner le réexamen de la situation de la requérante au regard du droit au séjour dans un délai de deux mois, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve de la renonciation au bénéfice de l'aide juridictionnelle en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier dès lors que la demande n'était pas vouée à l'échec au seul vu de la requête et devait faire l'objet d'une instruction et notamment de précisions du préfet l'affirmation relative à son absence d'isolement dans son pays d'origine ;
- les décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français ont été prises par une autorité incompétente ;
- le préfet a méconnu les dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- les décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 2 février 2017, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 8 juillet 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-tunisien en matière de séjour et de travail du 17 mars 1988 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 modifié ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Pecchioli a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que Mme B... veuveA..., née le 14 décembre 1940, de nationalité tunisienne, relève appel du jugement rendu le 12 mai 2016 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Hérault en date du 12 mai 2016 portant refus de délivrance d'un titre de séjour et obligation de quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt dix jours ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 611-8 du code de justice administrative : " Lorsqu'il apparaît au vu de la requête que la solution de l'affaire est d'ores et déjà certaine, le président du tribunal administratif ou le président de la formation de jugement ou, à la cour administrative d'appel, le président de la chambre ou, au Conseil d'Etat, le président de la chambre peut décider qu'il n'y a pas lieu à instruction. " ; que, compte tenu des éléments d'appréciation dont disposait le tribunal administratif de Montpellier, celui-ci n'a pas fait une inexacte application des dispositions précitées en estimant que la solution du litige dont il était saisi était d'ores et déjà certaine et qu'il y avait lieu de statuer sans instruction sur cette requête, sans qu'y fassent notamment obstacle l'absence de précision du préfet sur le fait que l'intéressée ne se retrouverait pas isolé dans son pays d'origine ; qu'il suit de là que le jugement attaqué n'est pas entaché de l'irrégularité alléguée ;
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. Considérant, en premier lieu, que l'arrêté attaqué est signé de M. Jacob, secrétaire général de la préfecture de l'Hérault, auquel le préfet de la région Languedoc-Roussillon, préfet de l'Hérault a, par arrêté n° 2015-I-1791 du 7 octobre 2015 régulièrement publié au recueil des actes administratifs du département le même jour, donné délégation à l'effet de signer tous actes, arrêtés, décisions et circulaires relevant des attributions de l'Etat dans le département de l'Hérault et notamment en ce qui concerne les affaires intéressant plusieurs services départementaux des administrations civiles de l'Etat, à l'exception, d'une part, des réquisitions prises en application de la loi du 11 juillet 1938 relative à l'organisation générale de la nation pour temps de guerre, d'autre part de la réquisition des comptables publics régie par le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique ; que les décisions relatives aux attributions de l'Etat dans le département comprennent, sauf s'il en est disposé autrement par l'arrêté portant délégation de signature, les décisions préfectorales en matière de police des étrangers, dont notamment les décisions de refus de séjour, les mesures d'éloignement et de fixation des pays à destination desquels les étrangers doivent être éloignés ; que cette délégation qui n'est pas trop générale, contrairement à ce que soutient le requérant, donnait ainsi compétence à M. Jacob pour signer l'arrêté en litige ; que, par ailleurs, la circonstance que les dispositions du décret du 29 décembre 1962 relatives à la réquisition des comptables publics ont été abrogées par le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique, pour regrettable qu'elle soit, est en tout état de cause sans incidence sur la régularité de la délégation accordée dès lors que la matière concernée, si elle est désormais régie par ce dernier décret, reste exclue de la délégation en litige ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté critiqué ne peut être qu'écarté ;
4. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la
condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. " ; qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;
5. Considérant que Mme B... soutient qu'étant veuve, elle se retrouverait isolée dans son pays d'origine dès lors que ses quatre enfants qui lui apportent l'assistance que son état de santé requiert, résident désormais régulièrement en France, ayant chacun successivement quitté la Tunisie ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que Mme B... est entrée régulièrement sur le territoire le 2 décembre 2010 munie d'un visa Schengen de 30 jours à entrées multiples et délivré à Tunis le 24 novembre 2010 ; qu'elle a toujours vécu en Tunisie avec son époux et y est demeurée après le décès de ce dernier survenu en 1998 ; qu'elle n'établit pas par les pièces produites avoir établi le centre de ses intérêts privés et familiaux en France n'ayant justifié ni le nombre total de ses enfants par la production d'un livret de famille ou d'un document similaire, ni la date à laquelle ses quatre enfants sont entrées en France, ni même son isolement dans un pays où elle a vécu jusqu'à l'âge de 70 ans ; que, si l'attestation d'un médecin généraliste qu'elle produit fait état d'une altération débutante de ses fonctions cognitives, il ne ressort pas des pièces du dossier, peu circonstanciées notamment quant à son degré de perte d'autonomie, que son état de santé exigeait qu'elle demeurât en France à la date de l'arrêté en litige, ni qu'elle aurait besoin d'une assistance que seuls ses enfants résidant en France pourraient lui apporter ; qu'ainsi le préfet n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de la requérante de mener une vie privée et familiale normale ; que le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être par suite écarté ; que pour les mêmes raisons, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste quant à l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée .
6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme B... veuve A...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :
7. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions tendant à l'annulation de la décision litigieuse, n'implique aucune mesure particulière d'exécution ; que, par suite, les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte présentées par Mme B... veuve A...ne peuvent être accueillies ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Considérant qu'il résulte des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative que l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle peut demander au juge de condamner la partie perdante à lui verser la somme correspondant à celle qu'il aurait réclamée à son client, si ce dernier n'avait pas eu l'aide juridictionnelle, à charge pour l'avocat qui poursuit, en cas de condamnation, le recouvrement de la somme qui lui a été allouée par le juge, de renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d' aide juridictionnelle qui lui a été confiée ;
9. Considérant que les dispositions précitées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance soit condamné à verser une quelconque somme à Mme B... veuve A...ou à son conseil, au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme B... veuve A...est rejetée.
Article 2 : Le présent jugement sera notifié à Mme C... B...veuve A...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 6 mars 2017, où siégeaient :
- M. Bocquet, président,
- M. Marcovici, président assesseur,
- M. Pecchioli, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 3 avril 2017.
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N° 16MA03430