Procédure devant la Cour :
I. Par une requête, enregistrée le 15 décembre 2016, sous le n° 16MA04685, M.B..., représenté par Me A...demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 8 novembre 2016 ;
2°) d'annuler l'arrêté en date du 4 novembre 2016 susvisé ;
3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, à verser à son conseil, sous réserve de sa renonciation au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
- le tribunal aurait dû motiver le fait que les autorités bulgares et italiennes s'équivalent;
- les circonstances qu'il ne soit resté que cinq jours en Italie et que son enregistrement au fichier Eurodac par les autorités italiennes est daté du 27 mai 2014 auraient dû être prises en compte ;
- le fait qu'il ne soit systématiquement tenu compte que de la version des détenteurs du fichier Eurodac implique une violation des droits de la défense ;
- sa remise aux autorités italiennes pourrait entraîner son retour en Afghanistan où il encourt des risques ;
- un examen approfondi de son dossier n'a pas été réalisé.
M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 10 février 2017.
Par un mémoire en défense, enregistré le 12 janvier 2017, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. B...ne sont pas fondés.
II. Par une requête enregistrée le 20 décembre 2016 sous le n° 16MA04741, M.B..., représenté par MeA..., demande à la Cour :
1°) d'ordonner le sursis à exécution du jugement du 8 novembre 2016 du tribunal administratif de Marseille ;
2°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, dans un délai d'une semaine à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de réexaminer sa situation au regard de sa demande d'asile en France ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 500 euros à verser à son conseil au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la mise à exécution du jugement de première instance risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables ;
- l'absence de motivation du jugement, la possibilité d'un retour en Afghanistan en cas de remise aux autorités italiennes et le défaut d'examen approfondi de son dossier constituent des moyens sérieux.
Par un mémoire en défense, enregistré le 12 janvier 2017, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. B...ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le règlement (UE) n° 604-2013 du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Marchessaux a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que M.B..., ressortissant afghan né le 2 février 1980, entré irrégulièrement en France au mois d'août 2016 en provenance de l'Italie, a déposé une demande d'asile, le 7 septembre 2016 ; que la consultation du fichier Eurodac a révélé que ses empreintes avaient déjà été enregistrées en dernier lieu en Italie le 27 mai 2014 ; que par arrêtés du 4 novembre 2016, le préfet des Bouches-du-Rhône a, d'une part, décidé sa remise aux autorités italiennes en vue du traitement par cet Etat de sa demande d'asile, et d'autre part, prononcé son assignation à résidence ; que par sa requête enregistrée sous le n° 16MA04685, M. B...relève appel du jugement du 8 novembre 2016 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté décidant de sa remise aux autorités italiennes ; que, par sa requête enregistrée sous le n° 16MA04741, il demande le sursis à exécution de ce même jugement ;
2. Considérant que ces deux requêtes étant dirigées contre un même jugement, il y a lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par un seul arrêt ;
Sur les conclusions de la requête n° 16MA04685 :
En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :
3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. " ;
4. Considérant que le tribunal n'a pas insuffisamment motivé le jugement attaqué en relevant que la mention portée dans l'arrêté du 4 novembre 2016 et relative à la responsabilité des autorités bulgares de la demande d'asile de M. B...était sans incidence sur la légalité de cet arrêté ; qu'en effet, contrairement à ce que soutient l'appelant, le premier juge n'avait pas à justifier le fait que les autorités bulgares et italiennes s'équivalaient dès lors que la mention des autorités bulgares dans l'arrêté non contesté portant assignation à résidence constitue une simple erreur matérielle ;
5. Considérant que M. B...ne peut sérieusement soutenir qu'en retenant systématiquement la version des détenteurs du fichier Eurodac sans accorder de considération aux dires du demandeur d'asile, le préfet des Bouches-du-Rhône aurait méconnu le principe des droits de la défense, alors surtout qu'il ressort des pièces du dossier qu'il a été mis à même de formuler ses observations sur l'éventualité de sa remise aux autorités italiennes et ne précise pas quelles informations il aurait données au préfet ;
6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa version issue de la loi n° 2015-925 du 29 juillet 2015 : " Tout étranger présent sur le territoire français et souhaitant demander l'asile se présente en personne à l'autorité administrative compétente, qui enregistre sa demande et procède à la détermination de l'Etat responsable en application du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, ou en application d'engagements identiques à ceux prévus par le même règlement, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat " ; que le paragraphe 2 de l'article 7 du règlement (CE) n° 604/2013 du Conseil du 26 juin 2013 prévoit que : " La détermination de l'État membre responsable en application des critères énoncés dans le présent chapitre se fait sur la base de la situation qui existait au moment où le demandeur a introduit sa demande de protection internationale pour la première fois auprès d'un État membre " ; qu'aux termes de l'article 13 du règlement : " 1. Lorsqu'il est établi, sur la base de preuves ou d'indices (...), que le demandeur a franchi irrégulièrement, par voie terrestre, maritime ou aérienne, la frontière d'un État membre dans lequel il est entré en venant d'un État tiers, cet État membre est responsable de l'examen de la demande de protection internationale. Cette responsabilité prend fin douze mois après la date du franchissement irrégulier de la frontière. (...) " ; qu'aux termes de l'article 20 dudit règlement: " 1. Le processus de détermination de l'État membre responsable commence dès qu'une demande de protection internationale est introduite pour la première fois auprès d'un État membre. (...) " ; qu'aux termes de l'article 21 du règlement précité : " 1. L'État membre auprès duquel une demande de protection internationale a été introduite et qui estime qu'un autre État membre est responsable de l'examen de cette demande peut, dans les plus brefs délais et, en tout état de cause, dans un délai de trois mois à compter de la date de l'introduction de la demande au sens de l'article 20, paragraphe 2, requérir cet autre État membre aux fins de prise en charge du demandeur. (...) " ; qu'aux termes de l'article 22 du règlement précité : " 1. L'État membre requis procède aux vérifications nécessaires et statue sur la requête aux fins de prise en charge d'un demandeur dans un délai de deux mois à compter de la réception de la requête. (...) 7. L'absence de réponse à l'expiration du délai de deux mois mentionné au paragraphe 1 (...) équivaut à l'acceptation de la requête et entraîne l'obligation de prendre en charge la personne concernée, y compris l'obligation d'assurer une bonne organisation de son arrivée. " ; qu'aux termes de l'article 23 du même règlement: " 1. Lorsqu'un État membre auprès duquel une personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point b), c) ou d), a introduit une nouvelle demande de protection internationale estime qu'un autre État membre est responsable conformément à l'article 20, paragraphe 5, et à l'article 18, paragraphe 1, point b), c) ou d), il peut requérir cet autre État membre aux fins de reprise en charge de cette personne. " ; qu'aux termes de l'article 25 du même règlement : " 1. L'État membre requis procède aux vérifications nécessaires et statue sur la requête aux fins de reprise en charge de la personne concernée aussi rapidement que possible et en tout état de cause dans un délai n'excédant pas un mois à compter de la date de réception de la requête. Lorsque la requête est fondée sur des données obtenues par le système Eurodac, ce délai est réduit à deux semaines. / 2. L'absence de réponse à l'expiration du délai d'un mois ou du délai de deux semaines mentionnés au paragraphe 1 équivaut à l'acceptation de la requête, et entraîne l'obligation de reprendre en charge la personne concernée, y compris l'obligation d'assurer une bonne organisation de son arrivée. " ;
7. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. B...est entré irrégulièrement en France le 27 août 2016 en provenance de l'Italie et a déposé une demande d'asile, le 7 septembre suivant ; que la consultation du fichier Eurodac a révélé que ses empreintes avaient déjà été enregistrées, le 9 décembre 2009, au Danemark où il avait déposé une première demande d'asile qui a été rejetée le 22 février 2011, le 29 septembre 2011 en Suède, le 13 avril suivant en Allemagne et, en dernier lieu, le 27 mai 2014 en Italie ; que les 22 septembre 2016, les services de la préfecture ont saisi les autorités suédoises, allemandes et italiennes d'un requête de prise en charge de M.B... ; que, par décisions des 22 et 26 septembre 2016, la Suède et l'Allemagne ont refusé cette prise en charge ; qu'en revanche, le 7 octobre 2016, les autorités italiennes ont donné leur accord tacite à la réadmission du requérant ; qu'il suit de là et alors même que le requérant n'aurait passé que cinq jours en Italie et que son enregistrement par les autorités italiennes au fichier Eurodac daterait du 27 mai 2014, qu'en application du règlement du 26 juin 2013, l'Italie était, en principe, l'Etat responsable de l'examen de sa demande de protection internationale, ainsi d'ailleurs que l'ont reconnu implicitement les autorités italiennes ;
8. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ;
9. Considérant que le premier juge a estimé à juste titre que l'arrêté contesté n'impliquait pas, par lui-même, un retour en Afghanistan ; que si M. B...soutient qu'il convient de prendre en compte la possibilité que la décision de remise aux autorités italiennes entraîne son retour dans son pays d'origine avec les conséquences fatales qui en résulteraient pour lui, il n'établit nullement y encourir des risques en se bornant à soutenir qu'ancien militaire, il a été menacé à plusieurs reprises par les talibans ; qu'ainsi, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet des Bouches-du-Rhône n'aurait pas procédé à un examen complet de la situation de M. B...et des conséquences de sa réadmission en Italie au regard des garanties exigées par le respect du droit d'asile ; que, dès lors, ces moyens doivent être écartés ;
10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
11. Considérant que le présent arrêt qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par M. B...n'implique aucune mesure d'exécution ; qu'il y a lieu, par suite, de rejeter les conclusions susvisées ;
Sur les conclusions de la requête n° 16MA04741 :
12. Considérant que le présent arrêt statue sur la requête à fin d'annulation du jugement du tribunal administratif de Marseille du 8 novembre 2016 ; que, dès lors, la requête de M. B... tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement est devenue sans objet ; que, par suite, il n'y a pas lieu d'y statuer ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
13. Considérant qu'aux termes de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 susvisée : " (...) En toute matière, l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle partielle ou totale peut demander au juge de condamner la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès, et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, à lui payer une somme au titre des honoraires et frais, non compris dans les dépens, que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide. / Si le juge fait droit à sa demande, l'avocat dispose d'un délai de douze mois à compter du jour où la décision est passée en force de chose jugée pour recouvrer la somme qui lui a été allouée. S'il recouvre cette somme, il renonce à percevoir la part contributive de l'Etat. S'il n'en recouvre qu'une partie, la fraction recouvrée vient en déduction de la part contributive de l'Etat. (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ;
14. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, tout ou partie de la somme que le conseil de M. B...demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 16MA04741 tendant au sursis à l'exécution du jugement du tribunal administratif de Marseille.
Article 2 : La requête n°16MA04685 de M. B...est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...B..., à Me A...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 20 mars 2017, où siégeaient :
- M. Bocquet, président,
- M. Marcovici, président assesseur,
- Mme Marchessaux, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 3 avril 2017.
6
N° 16MA04685, 16MA04741