Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 20 mai 2015, M. B..., représenté par Me D..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes du 21 avril 2015 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les décisions du 17 avril 2015 portant obligation de quitter le territoire français, fixation du pays de destination et assignation à résidence ;
3°) d'enjoindre au préfet de Vaucluse de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve de la renonciation au bénéfice de l'aide juridictionnelle en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- les premiers juges ne se sont pas prononcés sur le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait illégale en raison de la rupture de tout lien avec sa famille restée au Maroc, puisque précisément il n'est jamais retourné au Maroc depuis au moins mars 2005 ;
- il a soutenu implicitement en première instance la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales à l'encontre de la décision portant fixation du pays de destination ;
- le tribunal a considéré à tort que seule la violation de stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales pouvait être invoquée à l'encontre de cette décision ;
- la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français a été prise à l'issue d'une procédure ne permettant pas le respect du contradictoire et du droit d'être entendu, protégé par le droit de l'Union européenne, ce qui l'a privé de faire valoir une situation personnelle qui aurait pu conduire le préfet à ne pas prendre immédiatement une obligation de quitter le territoire français ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il n'a plus de liens avec sa mère, ses soeurs et son frère restés au Maroc ;
- la décision lui refusant un délai de départ volontaire est entachée d'une erreur de fait et de droit, dès lors qu'il ne s'est jamais soustrait à l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français de décembre 2013, que le préfet a admis que le risque de fuite n'existait pas et qu'il s'est estimé en compétence lié par le seul constat de l'absence d'exécution volontaire de la précédente mesure d'éloignement sans examiner s'il existait des circonstances particulières ;
- l'arrêté portant assignation à résidence du 17 avril 2015 est irrégulier en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire.
Un courrier du 13 août 2015 adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il est envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et a indiqué la date à partir de laquelle l'instruction pourra être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 24 septembre 2015.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-marocain en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 modifié ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience par un avis d'audience adressé le 4 novembre 2015 portant clôture d'instruction immédiate en application de l'article R. 613-2 du code de justice administrative.
Le rapport de M. Pecchioli a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que, par jugement du 21 avril 2015, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté la demande de M. B..., de nationalité marocaine, né le 20 décembre 1991, tendant à l'annulation de l'arrêté du 17 avril 2015 par lequel le préfet de Vaucluse l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de destination ainsi que l'arrêté du même jour portant assignation à résidence pour une durée de 45 jours ; que M. B... relève appel de ce jugement ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant, en premier lieu, que si M. B... soutient que les premiers juges ne se sont pas prononcés sur le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait illégale en raison de la rupture de tout lien avec sa famille restée au Maroc, puisque précisément il n'est jamais retourné au Maroc depuis au moins mars 2005, il ressort du jugement attaqué que le tribunal qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments du requérant, a suffisamment répondu à ce moyen en retenant que sa mère, son frère et ses trois soeurs résidaient au Maroc ; que, par suite, ce moyen ne saurait être accueilli ;
3. Considérant, en second lieu, que M. B...affirme avoir soutenu implicitement la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales à l'encontre de la décision portant fixation du pays de destination et que le tribunal a considéré à tort que seule la violation de stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales pouvait être invoquée à l'encontre de cette décision ; que toutefois, comme l'a jugé à bon droit le tribunal, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant à l'encontre de la décision fixant le pays de destination ; que ce moyen doit donc être également écarté ;
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
4. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne (...), lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; / 2° Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n' est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée sur le territoire sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré (...) / la décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée (...) L'obligation de quitter le territoire français fixe le pays à destination duquel l'étranger est renvoyé en cas d'exécution d'office " ; que le II de cet article prévoit que le ressortissant étranger dispose, en principe, d'un délai de trente jours pour satisfaire à l'obligation qui lui est faite de quitter le territoire, ce délai pouvant toutefois être supprimé par décision de l'autorité administrative dans des cas limitativement énumérés ou être exceptionnellement prorogé eu égard à la situation personnelle de l'étranger ; qu'aux termes du second alinéa de l'article L. 512-3 de ce code : " L'obligation de quitter le territoire français ne peut faire l'objet d'une exécution d'office ni avant l'expiration du délai de départ volontaire ou, si aucun délai n'a été accordé, avant l'expiration d'un délai de quarante-huit heures suivant sa notification par voie administrative, ni avant que le tribunal administratif n'ait statué s'il a été saisi. L'étranger en est informé par la notification écrite de l'obligation de quitter le territoire français " ; qu'aux termes de l'article L. 551-1 du même code : " A moins qu'il ne soit assigné à résidence en application de l'article L. 561-2, l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français peut être placé en rétention par l'autorité administrative dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de cinq jours, lorsque cet étranger : (...) 6° Fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n'a pas été accordé (...) " ;
5. Considérant que ces dispositions, applicables au présent litige, sont issues des dispositions de la loi du 16 juin 2011, relative à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité, qui ont procédé à la transposition, dans l'ordre juridique interne, des objectifs de la directive du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants des pays tiers en séjour irrégulier ; que la directive du 16 décembre 2008 encadre de manière détaillée les garanties accordées aux ressortissants des Etats tiers concernés par les décisions d'éloignement ou de rétention, sans toutefois préciser si et dans quelles conditions doit être assuré le respect du droit de ces ressortissants d'être entendus, qui relève des droits de la défense figurant au nombre des droits fondamentaux faisant partie intégrante de l'ordre juridique de l'Union européenne ; que si l'obligation de respecter les droits de la défense pèse en principe sur les administrations des Etats membres lorsqu'elles prennent des mesures entrant dans le champ d'application du droit de l'Union, il appartient aux Etats membres, dans le cadre de leur autonomie procédurale, de déterminer les conditions dans lesquelles doit être assuré, pour les ressortissants des Etats tiers en situation irrégulière, le respect du droit d'être entendu ;
6. Considérant, ainsi que la Cour de justice de l'Union européenne l'a jugé dans ses arrêts C-166/13 et C-249/13 des 5 novembre et 11 décembre 2014, que le droit d'être entendu préalablement à l'adoption d'une décision de retour implique que l'autorité administrative mette le ressortissant étranger en situation irrégulière à même de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur l'irrégularité du séjour et les motifs qui seraient susceptibles de justifier que l'autorité s'abstienne de prendre à son égard une décision de retour ; qu'il n'implique toutefois pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français ou sur la décision le plaçant en rétention dans l'attente de l'exécution de la mesure d'éloignement, dès lors qu'il a pu être entendu sur l'irrégularité du séjour ou la perspective d'éloignement ;
7. Considérant que l'appelant, qui relève que n'ayant pas fait l'objet d'une décision de refus de titre de séjour, soutient que la décision contestée lui faisant obligation de quitter le territoire français a été édictée à son encontre sans qu'il eût été mis en mesure de présenter ses observations, en méconnaissance de son droit d'être entendu ;
8. Considérant toutefois, que l'obligation contestée de quitter le territoire français sans délai du 17 avril 2015 a succédé à un arrêté en date du 12 décembre 2013 portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire dans le délai d'un mois, lequel n'a fait l'objet d'aucune contestation ; que M. B...n'a pas exécuté l'obligation qui lui était ainsi faite de quitter le territoire ; que si M. B...a été interpellé le 17 février 2014, il ne s'est pas manifesté auprès du préfet de Vaucluse dans les mois qui ont précédé l'arrêté en date du 17 avril 2015 litigieux ; que s'il soutient qu'un exposé de sa situation personnelle lui aurait permis de convaincre la préfecture d'éviter la décision d'éloignement, il n'apporte dans sa requête aucun élément nouveau par rapport à ceux dont disposait déjà la préfecture ; qu'il ne fait pas davantage valoir qu'il disposait d'informations pertinentes qui auraient pu influer sur le sens et le contenu de l'arrêté litigieux si elles avaient été communiquées en temps utile ; que, dès lors, dans les circonstances de l'espèce, le moyen tiré de la méconnaissance du droit à être entendu doit être écarté ;
9. Considérant en second lieu, que M.B..., célibataire et sans charge de famille, ne justifie ni de la date alléguée d'entrée sur le territoire national le 22 mars 2005, ni d'une intégration particulière, ne disposant ni d'un logement, ni de ressource propre ; que si son père réside régulièrement en France, comme l'ont relevé à juste titre les premiers juges, il ressort des pièces du dossier que celui-ci s'est plaint du comportement violent de son fils et de son activité illégale de vente de stupéfiants qui lui ont valu deux condamnations pénales ; qu'il n'établit pas, par ailleurs, ne plus avoir de contact avec sa mère, son frère et ses trois soeurs qui résident au Maroc ; que, dans les circonstances de l'espèce et nonobstant la durée du séjour en France du requérant, le préfet de Vaucluse n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressé ;
En ce qui concerne la décision portant refus de délai de départ volontaire :
10. Considérant qu'aux termes des dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification et peut solliciter, à cet effet, un dispositif d'aide au retour dans son pays d'origine. (...). Eu égard à la situation personnelle de l'étranger, l'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours. Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : 1° Si le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public ; 2° Si l'étranger s'est vu refuser la délivrance ou le renouvellement de son titre de séjour, de son récépissé de demande de carte de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour au motif que sa demande était ou manifestement infondée ou frauduleuse ; 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque est regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement (...) "
11. Considérant que l'appelant soutient que la décision lui refusant un délai de départ volontaire est entachée d'une erreur de fait et de droit, dès lors qu'il ne s'est jamais soustrait à l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français de décembre 2013, que le préfet a admis que le risque de fuite n'existait pas et qu'il s'est estimé en compétence liée par le seul constat de l'absence d'exécution volontaire de la précédente mesure d'éloignement sans examiner s'il existait des circonstances particulières ;
12. Considérant que pour prendre à l'encontre de M. B... la mesure d'éloignement en litige, le préfet de Vaucluse s'est fondé, sur le fait qu'il était entré et s'était maintenu irrégulièrement sur le territoire national, n'avait effectivement pas, contrairement à ses dires, exécuté le précédent arrêt du 12 décembre 2013 portant refus de titre de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français ; que le préfet relevait également les condamnations dont il avait fait l'objet en 2011 et 2014 par le tribunal correctionnel d'Avignon pour " détention non autorisée de stupéfiants, récidive et offre ou cession non autorisée de stupéfiants, récidive " en vertu desquelles il avait été condamné pour la seconde fois à purger une peine de treize mois d'emprisonnement ; qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que, nonobstant l'annulation du placement en rétention par le tribunal administratif de Marseille le 21 février 2014, le risque que l'intéressé se soustraie à la mesure d'éloignement envisagé était bien réel ; que le préfet se trouvait ainsi dans le cas où, en application des dispositions précitées du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il pouvait obliger un étranger à quitter le territoire français sans délai ;
En ce qui concerne la décision portant assignation à résidence :
13. Considérant, ainsi qu'il a été jugé précédemment, que la décision portant refus de délai de départ volontaire opposé à M. B...n'est pas entachée d'illégalité ; que, dès lors, l'exception d'illégalité de cette décision soulevée par l'intéressé à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision portant assignation à résidence ne peut être qu'écartée ;
14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :
15. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions tendant à l'annulation de la décision litigieuse, n'implique aucune mesure particulière d'exécution ; que, par suite, les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte présentées par M. B...ne peuvent être accueillies ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
16. Considérant qu'il résulte des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative que l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle peut demander au juge de condamner la partie perdante à lui verser la somme correspondant à celle qu'il aurait réclamée à son client, si ce dernier n'avait pas eu l'aide juridictionnelle, à charge pour l'avocat qui poursuit, en cas de condamnation, le recouvrement de la somme qui lui a été allouée par le juge, de renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée ;
17. Considérant que les dispositions précitées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance soit condamné à verser une quelconque somme à M. B...ou à son conseil, au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de Vaucluse.
Délibéré après l'audience du 14 décembre 2015, où siégeaient :
- M. Bocquet, président,
- M. Pocheron, président-assesseur,
- M. Pecchioli, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 8 février 2016.
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N° 1502019