Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 13 juillet 2017, sous le n° 17MA03001, l'établissement public foncier Provence-Alpes-Côte d'Azur, représenté par MeB..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 24 mai 2017 du tribunal administratif de Nice ;
2°) de rejeter les conclusions de première instance de l'AFASEC ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 400 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- Le tribunal administratif de Nice a commis une erreur de droit en considérant que le seul droit de préemption urbain renforcé pouvait régulièrement permettre la préemption sur le bien de l'AFASEC et en l'excluant, en raison de sa nature, du champ d'application du droit de préemption simple.
Par un mémoire en défense, enregistré le 18 octobre 2017, l'association de formation et d'action sociale des écuries de course, représentée par MeE..., conclut au rejet de la requête au motif que son moyen est infondé et demande à ce que l'établissement public foncier Provence-Alpes-Côte d'Azur soit condamné à lui verser la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un mémoire en intervention volontaire en défense, enregistré le 21 novembre 2017, la société BS INVEST Côte d'Azur, représentée par MeD..., qui a signé une promesse de vente sur le bien préempté avec l'association de formation et d'action sociale des écuries de course, demande le rejet de la requête d'appel de l'établissement public foncier Provence-Alpes-Côte d'Azur au motif qu'elle est irrecevable et que la décision attaquée est entachée d'un vice de compétence.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Marcovici,
- les conclusions de M. Revert, rapporteur public,
- et les observations de M. C...et MmeA..., représentant l'établissement public foncier PACA, et de MeE..., représentant l'AFASEC.
Une note ne délibéré pour l'association de formation et d'action sociale des écuries de course a été enregistrée le 1er mars 2019.
Considérant ce qui suit :
1. L'association de formation et d'action sociale des écuries de course (AFASEC) est propriétaire de vingt-quatre logements à usage d'habitation dans un ensemble immobilier en copropriété dit " Le Moana " situé 11-13 chemin des petits plans à Cagnes-sur-Mer. Le 17 décembre 2015, elle a conclu une promesse de vente pour un montant de 2 950 000 euros avec la société BS INVEST Côte d'Azur. Par une décision du 3 mars 2016, l'établissement public foncier Provence-Alpes-Côte d'Azur (EPF PACA) a décidé d'exercer son droit de préemption sur ce bien pour un montant de 2 600 000 euros. L'EPF PACA fait appel du jugement du 24 mai 2017 par lequel le tribunal administratif de Nice a annulé cette décision.
Sur l'intervention volontaire de la société BS INVEST Côte d'Azur:
2. La Société BS Invest Côte d'Azur a intérêt à ce que les conclusions de l'EPF PACA tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Nice du 24 mai 2017 soient rejetées. Par suite, son intervention doit être admise.
Sur les fins de non-recevoir :
3. Contrairement aux affirmations de la société BS Invest Côte d'Azur, la requête d'appel demande l'annulation du jugement attaqué pour un motif de fond et ne reprend pas exclusivement et intégralement son argumentaire de première instance. Elle est suffisamment motivée. Par ailleurs, cette requête ne peut qu'être regardée comme demandant le rejet des conclusions de première instance de l'AFASEC. Enfin, elle a été signée par la directrice de l'EPF PACA qui est dûment habilitée par l'article 1er de la délibération n° 2015-31 du conseil d'administration de l'EPF PACA en sa séance du 15 juin 2015. La requête d'appel est donc au total recevable.
Sur le motif d'annulation retenus par les premiers juges :
4. Aux termes de l'article L. 211-4 du code de l'urbanisme : "Ce droit de préemption n'est pas applicable : a) A l'aliénation d'un ou plusieurs lots constitués par un seul local à usage d'habitation, à usage professionnel ou à usage professionnel et d'habitation, soit par un tel local et ses locaux accessoires, soit par un ou plusieurs locaux accessoires d'un tel local, compris dans un bâtiment effectivement soumis, à la date du projet d'aliénation, au régime de la copropriété, soit à la suite du partage total ou partiel d'une société d'attribution, soit depuis dix années au moins dans le cas où la mise en copropriété ne résulte pas d'un tel partage, la date de publication du règlement de copropriété au fichier immobilier constituant le point de départ de ce délai (...). Toutefois, par délibération motivée, la commune peut décider d'appliquer ce droit de préemption aux aliénations et cessions mentionnées au présent article sur la totalité ou certaines parties du territoire soumis à ce droit. ".
5. Ces dispositions, introduites par la loi n° 85-729 du 18 juillet 1985 relative à la définition et à la mise en oeuvre de principes d'aménagement, ont pour objectif, comme en attestent les travaux parlementaires, de favoriser la mobilité résidentielle et de restreindre les obstacles à la circulation patrimoniale des locaux au sein d'une même copropriété dans le cadre de la vente d'un seul bien, le plus souvent par un particulier. Les premiers juges ont considéré à tort que le régime de la copropriété est par nature exclusif du droit de préemption urbain. L'exercice du droit de préemption lorsqu'il concerne plusieurs locaux d'une même copropriété n'est pas soumis à l'existence d'une délibération motivée prise préalablement par la commune.
6. Il ressort des pièces du dossier que la déclaration d'intention d'aliéner reçue par l'établissement public foncier PACA porte sur la vente de vingt-quatre appartements formant soixante-quatre lots, dont dix studios, neuf de type 2 et cinq de type 3, avec vingt-quatre places de stationnement, six caves en sous-sol et douze celliers. Par la décision attaquée, l'établissement public foncier a manifesté son intention d'acquérir cet ensemble et non de préempter un ou plusieurs lots constitutifs d'un seul local, comme cela est prohibé par l'article L. 211-4 du code de l'urbanisme. Il en résulte que l'établissement public foncier n'était pas dans l'obligation de mettre en oeuvre un droit de préemption dit renforcé et que la circonstance selon laquelle lesdits biens ne sont pas inclus dans le périmètre de ce droit demeure sans effet sur la légalité de la décision attaquée.
7. Il résulte de ce qui précède, que c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur les dispositions de l'article L. 211-4 précitées pour annuler la décision de l'établissement public foncier PACA du 3 mars 2016.
8. Toutefois, il appartient à la cour administratif d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par l'AFASEC devant le tribunal administratif de Nice et devant la Cour.
Sur la légalité de la décision de préemption de l'établissement public foncier Provence-Alpes-Côte d'Azur du 3 mars 2016 :
9. En premier lieu, et comme il vient d'être dit, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L 211-4 du code de l'urbanisme ne peut qu'être écarté.
10. En second lieu, l'illégalité de l'acte instituant un droit de préemption urbain peut être utilement invoquée par voie d'exception à l'appui de conclusions dirigées contre une décision de préemption. Toutefois, cet acte, qui se borne à rendre applicables dans la zone qu'il délimite les dispositions législatives et réglementaires régissant l'exercice de ce droit, sans comporter lui-même aucune disposition normative nouvelle, ne revêt pas un caractère réglementaire et ne forme pas avec les décisions individuelles de préemption prises dans la zone une opération administrative unique comportant un lien tel qu'un requérant serait encore recevable à invoquer par la voie de l'exception les illégalités qui l'affecteraient, alors qu'il aurait acquis un caractère définitif.
11. Il résulte de ce qui vient d'être dit que l'exception d'illégalité de la délibération du 19 décembre 2011, par laquelle le conseil communautaire de la communauté urbaine de Nice-Côte d'Azur a institué le droit de préemption urbain dans les zones U et AU et le droit de préemption urbain renforcé sur le seul quartier des Hauts-de-Cagne dans la commune de Cagnes-sur-Mer, qui n'a pas été soulevée dans le délai de recours contentieux n'est, en tout état de cause, pas recevable.
12. En troisième lieu, après l'expiration du délai de recours contentieux, une contestation à l'encontre d'un acte qui présente un caractère réglementaire peut être formée par voie d'exception à l'appui de conclusions dirigées contre une décision administrative ultérieure prise pour l'application de l'acte réglementaire ou dont ce dernier constitue la base légale. Si, dans le cadre de ces deux contestations, la légalité des règles fixées par l'acte réglementaire, la compétence de son auteur et l'existence d'un détournement de pouvoir peuvent être utilement critiquées, il n'en va pas de même des conditions d'édiction de cet acte, les vices de forme et de procédure dont il serait entaché ne pouvant être utilement invoqués que dans le cadre du recours pour excès de pouvoir dirigé contre l'acte réglementaire lui-même et introduit avant l'expiration du délai de recours contentieux.
13. Il résulte de ces dispositions que le requérant n'est pas fondé à soulever, après l'expiration du délai de recours contentieux, la méconnaissance des règles de forme et de procédure dont seraient entachées la délibération du 11 avril 2014, par laquelle le conseil métropolitain a décidé de déléguer l'exercice du droit de préemption au président de la métropole, et la décision du 29 février 2016, par laquelle le président de la métropole a délégué l'exercice du droit de préemption à l'établissement public foncier PACA. Au demeurant, la mention de la délibération selon laquelle les conseilleurs métropolitains ont été régulièrement convoqués n'est pas utilement contestée, et le moyen tiré du non-respect du délai de 5 jours francs pour la convocation des conseillers manque en fait. Enfin, la décision du président de la Métropole du 29 février 2016, qui a délégué à l'EPF PACA l'exercice du DPU pour l'acquisition des différents lots de cette copropriété, a été transmise au contrôle de légalité le 2 mars 2016 et affichée au siège de la Métropole à compter du 2 mars jusqu'au 2 mai 2016. La délégation était donc exécutoire au jour de la signature de la décision de préemption.
14. En dernier lieu, aux termes des dispositions de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme : " Les droits de préemption institués par le présent titre sont exercés en vue de la réalisation, dans l'intérêt général, des actions ou opérations répondant aux objets définis à l'article L. 300-1, à l'exception de ceux visant à sauvegarder ou à mettre en valeur les espaces naturels, ou pour constituer des réserves foncières en vue de permettre la réalisation desdites actions ou opérations d'aménagement. (...) Toute décision de préemption doit mentionner l'objet pour lequel ce droit est exercé. Toutefois, lorsque le droit de préemption est exercé à des fins de réserves foncières dans le cadre d'une zone d'aménagement différé, la décision peut se référer aux motivations générales mentionnées dans l'acte créant la zone. Lorsque la commune a délibéré pour définir le cadre des actions qu'elle entend mettre en oeuvre pour mener à bien un programme local de l'habitat ou, en l'absence de programme local de l'habitat, lorsque la commune a délibéré pour définir le cadre des actions qu'elle entend mettre en oeuvre pour mener à bien un programme de construction de logements locatifs sociaux, la décision de préemption peut, sauf lorsqu'il s'agit d'un bien mentionné à l'article L. 211-4, se référer aux dispositions de cette délibération. Il en est de même lorsque la commune a délibéré pour délimiter des périmètres déterminés dans lesquels elle décide d'intervenir pour les aménager et améliorer leur qualité urbaine. ". Il résulte de ces dispositions, que le titulaire du droit de préemption peut régulièrement utiliser son droit si d'une part, il justifie à la date à laquelle il l'exerce, de la réalité d'un projet d'action ou d'opération d'aménagement répondant aux objets mentionnés à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, alors même que les caractéristiques précises de ce projet n'auraient pas été définies à cette date et, d'autre part, s'il fait apparaître la nature de ce projet dans la décision de préemption.
15. Il ressort des pièces du dossier que la décision de préemption attaquée vise les textes, délibérations et décisions sur lesquels elle se fonde et précise les motifs pour lesquels elle est adoptée. Ainsi, l'établissement public foncier PACA a décidé de préempter les biens de l'AFASEC compte tenu du programme local de l'habitat de la métropole qui prévoit un objectif de production sur six années de 1 268 logements sociaux. Or d'une part, le taux de logements sociaux sur la commune de Cagnes-sur-Mer est faible et se trouve en deçà des exigences légales qui imposent qu'il soit désormais au moins égal à 25% des résidences principales, d'autre part, le bien visé est situé dans un tissu urbain et son acquisition favorisera le renouvellement urbain et la gestion économe de l'espace souhaités par la commune. Il s'ensuit que la décision attaquée est suffisamment motivée et qu'elle ne méconnaît pas les dispositions de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme précité.
16. Il résulte de tout ce qui précède que l'EPF PACA est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a annulé sa décision du 3 mars 2016.
Sur les frais liés au litige :
17. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'AFASEC une somme de 1 500 euros à verser à l'EPF PACA sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de rejeter les conclusions de l'AFASEC sur ce même fondement.
D É C I D E :
Article 1er : L'intervention volontaire de la société BS INVEST Côte d'Azur est admise.
Article 2 : Le jugement n° 1602277 du 24 mai 2017 du tribunal administratif de Nice est annulé. Les conclusions de l'association de formation et d'action sociale des écuries de course de première instance et d'appel sont rejetées.
Article 3 : L'association de formation et d'action sociale des écuries de course versera à l'établissement public foncier Provence-Alpes-Côte d'Azur la somme de 1 500 au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'établissement public foncier Provence-Alpes-Côte d'Azur, à l'association de formation et d'action sociale des écuries de course, et à la société BS INVEST Côte d'Azur.
Copie en sera délivrée au préfet des Alpes-Maritimes.
Délibéré après l'audience du 25 février 2019, où siégeaient :
- M. Bocquet, président,
- M. Marcovici, président assesseur,
- M. Pecchioli, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 11 mars 2019.
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N° 17MA03001