Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 23 avril 2018, M.B..., représenté par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 22 janvier 2018 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 18 novembre 2017 du préfet des Bouches-du-Rhône ;
3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le tribunal administratif n'a pas répondu au moyen tiré de ce que le préfet avait commis une erreur de droit en mentionnant qu'il ne disposait ni de passeport ni de visa alors qu'il est demandeur d'asile ;
- la décision de refus de séjour est insuffisamment motivée et est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;
- le préfet a commis une erreur de fait en mentionnant que sa demande d'asile avait été définitivement rejetée ;
- le préfet a commis une erreur de droit en mentionnant qu'il ne disposait ni de passeport ni de visa alors qu'il est demandeur d'asile ;
- la décision de refus de séjour méconnaît les dispositions de l'article L. 313-11 7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et celles de l'article L. 313-14 du même code ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée et est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;
- elle ne pouvait être édictée dans la mesure où la décision de rejet de sa demande d'asile par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ne lui a jamais été régulièrement notifiée ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision fixant le pays de destination est insuffisamment motivée et est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;
- elle est illégale en raison de l'illégalité du refus de séjour et de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 janvier 2019, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par l'appelant n'est fondé.
M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 26 mars 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Duran-Gottschalk, rapporteure, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M.B..., de nationalité ukrainienne, relève appel du jugement du 22 janvier 2018 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 18 novembre 2017 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de l'admettre au séjour au titre de l'asile et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours à destination de son pays d'origine.
Sur la régularité du jugement :
2. A l'appui de sa demande, M. B...soutenait notamment que le préfet avait commis une erreur de droit en lui reprochant l'absence de passeport ou de visa alors qu'il est demandeur d'asile. Toutefois, le simple constat par le préfet de ce que M. B...ne dispose ni d'un passeport ni d'un visa, qui ne constitue pas un motif de la décision contestée, est sans incidence sur sa légalité. Dans ces conditions, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif n'avait pas à répondre à ce moyen inopérant. Le jugement attaqué n'est ainsi pas entaché d'irrégularité.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne le refus d'admission au séjour au titre de l'asile :
3. En premier lieu, la décision du préfet, qui vise les dispositions législatives et réglementaires applicables à la situation du requérant, mentionne notamment la date de son entrée en France et la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides refusant de lui reconnaître le statut de réfugié. La décision de refus d'admission au séjour au titre de l'asile, dont la lecture révèle que le préfet a procédé à un examen de la situation de l'intéressé, est par suite suffisamment motivée.
4. En deuxième lieu, en mentionnant que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides avait refusé de reconnaître à M. B...le statut de réfugié, le préfet des Bouches-du-Rhône n'a commis aucune erreur de fait.
5. En troisième lieu, le simple constat par le préfet de ce que M. B...ne dispose ni d'un passeport ni d'un visa, qui ne constitue pas un motif de la décision contestée, est sans incidence sur sa légalité.
6. En quatrième et dernier lieu, M. B...n'est pas recevable à invoquer la méconnaissance des dispositions des articles L. 313-11 7 et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'aucune décision de refus d'admission au séjour autre qu'au titre de l'asile n'a été prise par le préfet.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
7. En premier lieu, la décision d'éloignement, qui vise les dispositions législatives et réglementaires applicables à la situation de M.B..., mentionne notamment que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a refusé de lui reconnaître le statut de réfugié, que l'intéressé n'entre dans aucune des hypothèses pour lesquelles un titre de séjour est délivré de plein droit et qu'il n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Cette décision est, par suite, suffisamment motivée. Il ressort en outre de sa lecture que le préfet a procédé à un examen attentif de la situation de l'intéressé avant d'édicter cette mesure d'éloignement.
8. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la notification de la décision de l'office ou, si un recours a été formé, jusqu'à la notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile. L'attestation délivrée en application de l'article L. 741-1, dès lors que la demande d'asile a été introduite auprès de l'office, vaut autorisation provisoire de séjour et est renouvelable jusqu'à ce que l'office et, le cas échéant, la cour statuent ". À la date à laquelle le préfet des Bouches-du-Rhône a édicté la mesure d'éloignement à l'encontre de M.B..., aucun recours auprès de la Cour nationale du droit d'asile n'avait été enregistré pour contester la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides prise le 19 mai 2017, notifiée régulièrement le 25 suivant à l'adresse que le requérant avait indiquée. Le préfet n'a ainsi pas méconnu les dispositions précitées en édictant le 18 novembre 2017 une mesure d'éloignement.
9. En troisième et dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". M. B..., entré récemment en France le 1er avril 2016, accompagné de son épouse, de son oncle et de sa tante, n'est pas dépourvu d'attaches en Ukraine. Sa demande d'asile a été rejetée par décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 19 mai 2017. Compte-tenu des conditions et de la durée de son séjour en France, le préfet n'a pas méconnu les stipulations précitées en l'obligeant à quitter le territoire français.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
10. En premier lieu, la décision fixant le pays de destination, qui vise les dispositions applicables à l'intéressé et mentionne notamment que M. B...n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, est suffisamment motivée. Le préfet a, par ailleurs, procédé à un examen attentif de la situation de l'intéressé avant d'édicter cette décision.
11. En deuxième lieu, la décision de refus d'admission au séjour au titre de l'asile et la mesure d'éloignement n'étant pas entachées des illégalités invoquées, la décision fixant le pays de destination n'est pas dépourvue de base légale.
12. En troisième et dernier lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". M. B...n'établit pas suffisamment, par les pièces qu'il produit, y compris les pièces nouvelles communiquées en appel, constituées notamment par une attestation selon laquelle son père est décédé lors de l'incendie de son habitation, les classements sans suite de plaintes déposées en Ukraine par des membres de sa famille et un certificat de transfert de propriété, encourir des risques pour sa vie ou sa liberté en cas de retour dans son pays d'origine.
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement contesté, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 18 novembre 2017. Ses conclusions aux fins d'injonction et d'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent également qu'être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...B..., à Me A...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 25 février 2019, où siégeaient :
- M. Bocquet, président,
- M. Marcovici, président assesseur,
- Mme Duran-Gottschalk, première conseillère.
Lu en audience publique, le 11 mars 2019.
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N° 18MA01918