Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés le 3 juillet 2018 et le 17 décembre 2018, M. C... A..., agissant en sa qualité de représentant légal de son fils mineur B...A..., représenté par Me Summerfield, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier du 30 mai 2018 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 9 avril 2018 du préfet des Pyrénées-Orientales ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- son fils n'a pu contester utilement l'arrêté devant le tribunal administratif dès lors que le préfet ne lui a pas transmis les documents détenus par l'administration ;
- l'arrêté est insuffisamment motivé ;
- son fils n'a pas été informé de la possibilité de déposer une demande d'asile ;
- le préfet n'est pas compétent pour statuer sur la minorité d'B... ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français ne pouvait être édictée avant la décision de refus de prise en charge prise par le juge judiciaire ou les services de l'aide sociale à l'enfance ;
- le préfet aurait dû abroger l'obligation de quitter le territoire français compte tenu de la décision du juge des libertés et de la détention ;
- l'acte de naissance produit fait foi ;
- le compte-rendu radiologique, qui n'est pas conforme à l'article 388 du code civil faute de préciser une marge d'erreur, ne peut lui être opposé ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- un délai de départ volontaire aurait dû être accordé à son fils ;
- la décision fixant le pays de renvoi est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- des circonstances humanitaires s'opposent à l'édiction de l'interdiction de retour.
Par un mémoire enregistré le 17 août 2018, le préfet des Pyrénées-Orientales conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par l'appelant n'est fondé.
M. B...A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 7 septembre 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'action sociale et des familles ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Duran-Gottschalk, rapporteure, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M.A..., de nationalité sénégalaise, relève appel du jugement du 30 mai 2018 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande de son fils B...A...tendant à l'annulation de l'arrêté du 9 avril 2018 par lequel le préfet des Pyrénées-Orientales a obligé ce dernier à quitter sans délai le territoire français à destination de son pays d'origine et a prononcé une interdiction de retour d'une durée d'un an.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. Aux termes de l'article R. 221-11 du code de l'action sociale et des familles : " I. -Le président du conseil départemental du lieu où se trouve une personne se déclarant mineure et privée temporairement ou définitivement de la protection de sa famille met en place un accueil provisoire d'urgence d'une durée de cinq jours, à compter du premier jour de sa prise en charge, selon les conditions prévues aux deuxième et quatrième alinéas de l'article L. 223-2. II.- Au cours de la période d'accueil provisoire d'urgence, le président du conseil départemental procède aux investigations nécessaires en vue d'évaluer la situation de cette personne au regard notamment de ses déclarations sur son identité, son âge, sa famille d'origine, sa nationalité et son état d'isolement. Cette évaluation s'appuie essentiellement sur : 1° Des entretiens conduits par des professionnels justifiant d'une formation ou d'une expérience définies par un arrêté des ministres mentionnés au III dans le cadre d'une approche pluridisciplinaire et se déroulant dans une langue comprise par l'intéressé ; 2° Le concours du préfet de département sur demande du président du conseil départemental pour vérifier l'authenticité des documents d'identification détenus par la personne ; 3° Le concours de l'autorité judiciaire, s'il y a lieu, dans le cadre du second alinéa de l'article 388 du code civil ". Selon l'article 388 du code civil : " Le mineur est l'individu de l'un ou l'autre sexe qui n'a point encore l'âge de dix-huit ans accomplis. Les examens radiologiques osseux aux fins de détermination de l'âge, en l'absence de documents d'identité valables et lorsque l'âge allégué n'est pas vraisemblable, ne peuvent être réalisés que sur décision de l'autorité judiciaire et après recueil de l'accord de l'intéressé. Les conclusions de ces examens, qui doivent préciser la marge d'erreur, ne peuvent à elles seules permettre de déterminer si l'intéressé est mineur. Le doute profite à l'intéressé ". L'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : 1°) L'étranger mineur de dix-huit ans (...) ". Enfin, selon l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ".
3. Le fils de M. A...a fait l'objet d'une évaluation dans le cadre des dispositions de l'article R. 221-11 du code de l'action sociale et des familles, à l'issue de laquelle l'éducateur a conclu à " de nombreuses absences de repères pouvant amener à objectiver la minorité, une absence d'informations suffisantes concernant son enfance et le rythme de vie de la famille, une absence de document justifiant l'identité et la minorité et une maturité physique qui interroge ", tout en relevant le faible niveau cognitif de l'intéressé. B...A...a ensuite subi un examen osseux, à l'issue duquel le médecin a fixé son âge à 19 ans, sans qu'il résulte de l'instruction qu'il aurait été tenu compte d'une marge d'erreur, laquelle n'est pas mentionnée dans le compte-rendu d'examen, en méconnaissance de l'article 388 du code civil. M. A...produit par ailleurs pour la première fois en appel la copie d'un extrait d'acte de naissance, ainsi qu'une carte nationale d'identité du Sénégal, indiquant qu'B... est né le 23 février 2001. En se bornant à indiquer que la qualité de reproduction permet difficilement la lecture des mentions d'état-civil et que certaines mentions sont illisibles, le préfet ne conteste pas utilement l'authenticité de l'extrait d'acte de naissance et ne démontre pas que les documents produits seraient irréguliers, falsifiés ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondraient pas à la réalité. Dans ces conditions, le doute devant en outre profiter à la personne se déclarant mineure, conformément à l'article 388 du code civil, le préfet n'apporte pas la preuve de la majorité d'B...A.... Il ne pouvait dès lors obliger ce dernier par arrêté du 9 avril 2018 à quitter le territoire français, ni, par voie de conséquence, prononcer une interdiction de retour.
4. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement ni sur les autres moyens de la requête, M. A...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande d'annulation de l'arrêté du préfet des Pyrénées-Orientales. Le jugement du 30 mai 2018 et l'arrêté du préfet du 9 avril 2018 doivent donc être annulés.
Sur les frais liés au litige :
5. B...A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Summerfield, avocat de M.A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Summerfield de la somme de 1 500 euros.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du 30 mai 2018 du tribunal administratif de Montpellier et l'arrêté du 9 avril 2018 du préfet des Pyrénées-Orientales sont annulés.
Article 2 : L'Etat versera à Me Summerfield la somme de 1 500 euros en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Summerfield renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...A..., à M. B...A..., à Me Summerfield et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Pyrénées-Orientales.
Délibéré après l'audience du 25 février 2019, où siégeaient :
- M. Bocquet, président,
- M. Marcovici, président-assesseur,
- Mme Duran-Gottschalk, première conseillère.
Lu en audience publique, le 11 mars 2019.
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N° 18MA03147