Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 7 août 2014, Mme C...B..., représentée par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bastia du 10 juin 2014 ;
2°) de rejeter la demande du préfet de la Corse-du-Sud tendant à l'annulation du permis de construire ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros à lui verser en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le tribunal administratif a estimé à tort qu'elle était tenue de joindre à sa demande de permis l'attestation prévue par l'article R. 111-20-1 du code de l'urbanisme, qui n'est exigible que pour les bâtiments ou parties de bâtiments neufs alors qu'elle envisageait la réhabilitation d'une bergerie en conservant l'implantation et le volume existants ;
- les premiers juges ont commis une erreur de droit en estimant que le dossier était incomplet alors qu'aucune demande de pièce manquante ne lui a été adressée par l'administration dans le mois suivant sa demande en application des articles R. 423- 38 et R. 423-22 du code de l'urbanisme ;
- le dossier de demande fait état du raccordement du terrain au réseau d'eau potable, de l'existence d'une fosse septique avec zone d'épandage, et il ressort de l'avis favorable du maire qu'il peut être raccordé au réseau d'électricité ;
- le motif du jugement tiré de la violation de l'article L. 111-3 du code de l'urbanisme à défaut d'invocation de l'intérêt patrimonial du bâtiment restauré est entaché d'erreur de droit ;
- l'intérêt architectural des " caseddu " qui font partie du patrimoine rural du Valinco, explique l'avis favorable du maire ;
- les premiers juges ont implicitement reconnu que le projet constituait la restauration d'un bâtiment existant dont il restait l'essentiel des murs porteurs, en respectant les principales caractéristiques de ce bâtiment ;
- le projet de réhabilitation de la construction dans les mêmes volumes et les mêmes matériaux de parement que ceux d'origine respectait l'article ND 1 du plan d'occupation des sols de Sartène, la démolition de l'ancien bâtiment étant sans influence à cet égard ;
- la réhabilitation ou remise en état d'un bâtiment à l'état de ruine constitue une reconstruction pour laquelle un permis de régularisation peut valablement être sollicité en cours de travaux ;
- les premiers juges ont écarté à tort comme inopérante l'invocation de l'article L. 111-12 du code de l'urbanisme, alors que la prescription décennale doit s'appliquer en l'espèce à la construction réalisée avant l'intervention de la loi du 15 juin 1943 instituant les autorisations d'urbanisme.
Par un mémoire en défense enregistré le 10 février 2015, le préfet de la Corse-du-Sud conclut au rejet de la requête de Mme B....
Il soutient que :
- il maintient les moyens de forme et de fond déjà invoqués devant le tribunal administratif ;
- les arguments de la requérante en appel n'apportent pas plus d'éléments permettant de regarder le permis de construire comme légal.
Un courrier du 23 décembre 2015 adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il est envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et a indiqué la date à partir de laquelle l'instruction pourra être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la construction et de l'habitation ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience par un avis d'audience adressé le 26 janvier 2016 portant clôture d'instruction immédiate en application des dispositions de l'article R. 613-2 du code de justice administrative.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Hameline,
- les conclusions de M. Revert, rapporteur public,
- et les observations de Me D..., représentant Mme B....
1. Considérant que Mme C...B...a acquis le 22 octobre 2001 un terrain cadastré C n° 1100 et n° 1101 au lieu-dit Zivia sur le territoire de la commune de Sartène supportant les restes d'une ancienne bergerie, et y a réalisé sans autorisation des travaux de démolition et reconstruction ; que, le préfet de la Corse-du-Sud ayant édicté à son encontre un arrêté interruptif de travaux le 15 mai 2013 après la constatation des faits par ses services, Mme B... a déposé une demande de permis de construire à titre de régularisation auprès de la mairie de Sartène le 25 juin 2013 ; qu'une décision de permis de construire tacite est ainsi née du silence du maire sur sa demande le 25 août 2013 ; que, sur déféré formé par le préfet de la Corse-du-Sud en application de l'article L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales, le tribunal administratif de Bastia a annulé ce permis de construire tacite par jugement du 10 juin 2014 ; que Mme B... interjette appel dudit jugement ;
Sur le bien-fondé du jugement contesté :
En ce qui concerne le motif d'annulation tiré du caractère incomplet de la demande de permis de construire au regard de l'article R. 431-16 du code de l'urbanisme :
2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article R. 423-19 du code de l'urbanisme : " Le délai d'instruction court à compter de la réception en mairie d'un dossier complet. " ; et qu'aux termes de l'article R. 423-22 du même code : " Pour l'application de la présente section, le dossier est réputé complet si l'autorité compétente n'a pas, dans le délai d'un mois à compter du dépôt du dossier en mairie, notifié au demandeur ou au déclarant la liste des pièces manquantes dans les conditions prévues par les articles R. 423-38 et R. 423-41. " ;
3. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article R. 431-16 du code de l'urbanisme : " Le dossier joint à la demande de permis de construire comprend en outre, selon les cas : (...) i) Lorsque le projet est tenu de respecter les dispositions mentionnées à l'article R. 111-20 du code de la construction et de l'habitation, un document établi par le maître d'ouvrage attestant la prise en compte de la réglementation thermique, en application de l'article R. 111-20-1 de ce code (...). " ;
4. Considérant qu'il est constant que le maire de la commune de Sartène n'a effectué aucune demande de pièces à Mme B... visant à compléter le dossier de demande de permis de construire reçu en mairie le 25 juin 2013 dans les conditions prévues par le code de l'urbanisme ; que son dossier devait, dès lors, être réputé complet au sens de l'article R. 423-19 précité de ce code ; que toutefois cette circonstance, si elle permettait la naissance d'un permis de construire tacite dans le silence de la commune à l'issue du délai d'instruction, et s'opposait à ce que le maire refuse le permis en raison du caractère incomplet du dossier, n'a pas en revanche pour effet d'empêcher les tiers d'invoquer, à l'appui d'un recours contentieux contre le permis tacite obtenu, le caractère incomplet de la demande n'ayant pas mis en mesure l'autorité compétente d'apprécier la conformité du projet de construction aux règles applicables à celui-ci ; qu'ainsi, contrairement à ce que soutient l'appelante, c'est sans erreur de droit que les premiers juges ont examiné comme opérants les moyens invoqués par le préfet de la Corse-du-Sud dans son déféré contre l'autorisation de construire tacite née le 25 août 2013, tirés de la violation des dispositions du code de l'urbanisme relatives à la composition du dossier de demande ;
5. Considérant que les dispositions des articles R. 111-20 et R. 111-20-1 du code de la construction et de l'habitation relatives aux caractéristiques thermiques des bâtiments, auxquelles renvoie l'article R. 431-16 du code de l'urbanisme, imposent la production par le pétitionnaire à l'appui de sa demande de permis de construire d'un document attestant de la prise en compte de la réglementation thermique selon les formes prévues par arrêté ministériel du 11 octobre 2011 ; qu'elles sont applicables à tous les projets de construction de bâtiments nouveaux à usage d'habitation ou de parties nouvelles de tels bâtiments faisant l'objet d'une demande de permis de construire ou d'une déclaration préalable à compter du 1er janvier 2013 ; que la demande de permis de construire présentée par Mme B... le 25 juin 2013 qui portait, au vu de son contenu, sur la construction d'un nouveau bâtiment à usage d'habitation au sens de ces dispositions après démolition totale des restes de la bergerie ancienne, et non sur la simple réhabilitation d'un bâtiment existant en dépit de l'intitulé du projet, devait dès lors être accompagnée de la présentation du document établi par le maître de l'ouvrage attestant la prise en compte de la réglementation thermique, prévu à l'article R. 111-20-1 du code de la construction et de l'habitation ; qu'ainsi que l'ont relevé les premiers juges, aucune autre pièce du dossier ne permettait au service instructeur de vérifier la prise en compte par le pétitionnaire de la réglementation thermique applicable aux nouvelles constructions ; que c'est, par suite, à bon droit que le tribunal administratif a retenu le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du i) de l'article R. 431-16 du code de l'urbanisme par le permis de construire en litige ;
En ce qui concerne le motif d'annulation tiré de la méconnaissance du règlement de la zone ND du plan d'occupation des sols de Sartène :
6. Considérant que l'article ND1-2 du règlement du plan d'occupation des sols de la commune de Sartène en vigueur à la date de la décision en litige prévoit que, dans cette zone de protection des sites et espaces naturels ou soumis à risques, ne sont admis que " la remise en état des bâtiments existants dans le même volume et les mêmes matériaux que d'origine " et " les travaux d'aménagement ou d'amélioration des constructions existantes " ;
7. Considérant que ces dispositions, qui ne permettent que la remise en état, sous conditions, des constructions existantes dans le secteur géographique où est situé le terrain d'assiette, font obstacle à ce que soit autorisé le projet consistant ainsi qu'il a été dit ci-dessus à construire un nouveau bâtiment d'habitation sur le lieu d'implantation d'une ancienne bergerie en ruine après démolition totale de cette dernière, alors même que la nouvelle construction en reprendrait certaines des caractéristiques architecturales ; que la circonstance, invoquée par Mme B..., que celle-ci ait déposé sa demande de permis de construire en vue de régulariser des travaux déjà réalisés demeure sans influence sur l'applicabilité au projet de ces prescriptions réglementaires ; que l'appelante n'est donc pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont estimé que le permis de construire qui lui a été tacitement délivré le 25 août 2013 méconnaissait les dispositions précitées de l'article 1 du règlement de la zone ND du plan d'occupation des sols de Sartène ;
En ce qui concerne le motif d'annulation tiré de la méconnaissance de l'article L. 111-3 du code de l'urbanisme :
8. Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 111-3 du code de l'urbanisme dans sa rédaction applicable à la date de la décision en litige : " (...) Peut également être autorisée, sauf dispositions contraires des documents d'urbanisme et sous réserve des dispositions de l'article L. 421-5, la restauration d'un bâtiment dont il reste l'essentiel des murs porteurs lorsque son intérêt architectural ou patrimonial en justifie le maintien et sous réserve de respecter les principales caractéristiques de ce bâtiment. " ; que, par ailleurs, il résulte de l'article ND1 précité du plan d'occupation des sols de Sartène et des autres dispositions du règlement de la zone ND que les auteurs du plan d'occupation des sols n'ont pas entendu exclure la possibilité prévue par ces dispositions du code de l'urbanisme de restaurer un bâtiment d'intérêt architectural ou patrimonial dont il reste l'essentiel des murs porteurs ;
9. Considérant toutefois qu'il ressort des pièces du dossier, ainsi qu'il a été dit aux points 5 et 7, que les travaux entrepris sans autorisation par Mme B... sur la parcelle C n° 1100, constatés en avril 2013 par les services de l'Etat et que le permis de construire litigieux a pour objet de régulariser, ont consisté à démolir entièrement les ruines d'une ancienne bergerie ou " caseddu ", dont l'état exact avant sa destruction par la pétitionnaire n'est au demeurant pas démontré, avant d'édifier une maison d'habitation à murs de briques d'une surface au sol similaire sur le lieu d'implantation de la ruine, en réutilisant certaines des pierres de celle-ci pour réaliser le parement extérieur des murs neufs ; que dans ces conditions, compte tenu de la démolition totale du bâtiment ancien, et alors que la requérante ne peut utilement se prévaloir de son existence théorique sur un plan cadastral pour l'application des dispositions précitées du code de l'urbanisme, les travaux envisagés dans la demande de permis de construire, quoique présentés comme tendant à une " réhabilitation ", visaient en réalité à l'édification d'une construction nouvelle à usage d'habitation, et ne pouvaient dès lors, en tout état de cause, constituer la restauration d'un bâtiment dont l'intérêt justifiait le maintien et qui avait conservé l'essentiel de ses murs porteurs au sens des dispositions précitées ;
10. Considérant, par suite, qu'à supposer même que Mme B... ait entendu fonder sa demande de permis de construire, sans au demeurant le mentionner explicitement dans le dossier de demande, sur les dispositions dérogatoires du deuxième alinéa de l'article L. 111-3 du code de l'urbanisme, elle n'établit pas en tout état de cause que l'autorisation litigieuse pouvait légalement lui être délivrée sur le fondement de ces dernières ;
11. Considérant, enfin, que la requérante ne démontre pas davantage que son projet remplissait les conditions fixées par le premier alinéa du même article L. 111-3, qui autorise la reconstruction à l'identique des bâtiments détruits ou démolis depuis moins de dix ans ; qu'en toute hypothèse, elle n'a pas présenté sa demande sur ce fondement juridique, qui ne saurait faire l'objet d'une demande de substitution de base légale eu égard à la portée de ces dispositions et au pouvoir d'appréciation dont dispose l'administration pour leur application ;
En ce qui concerne l'invocation par la requérante de l'article L. 111-12 du code de l'urbanisme :
12. Considérant qu'aux termes de l'article L. 111-12 du code de l'urbanisme : " Lorsqu'une construction est achevée depuis plus de dix ans, le refus de permis de construire ou de déclaration de travaux ne peut être fondé sur l'irrégularité de la construction initiale au regard du droit de l'urbanisme. " ;
13. Considérant que Mme B... ne peut, en tout état de cause, invoquer utilement ces dispositions encadrant les conditions de refus de permis de construire par l'administration lorsque le projet présenté modifie une construction existante, dans le présent litige qui ne porte pas sur la légalité d'un refus de permis, mais sur celle du permis de construire qui lui a été délivré, alors d'ailleurs que les motifs d'annulation du permis mentionnés ci-dessus ne sont aucunement fondés sur l'irrégularité de la construction initiale au sens de ce texte ;
14. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a annulé, sur déféré du préfet de la Corse-du-Sud, le permis de construire qui lui a été tacitement délivré par le maire de Sartène le 25 août 2013 ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
15. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font, en toute hypothèse, obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, voit mis à sa charge une quelconque somme au titre des frais exposés par Mme B... et non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B...et au préfet de la Corse-du-Sud.
Copie en sera adressée au maire de Sartène.
Délibéré après l'audience du 22 février 2016, où siégeaient :
- M. Bocquet, président,
- M. Pocheron, président-assesseur,
- Mme Hameline, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 14 mars 2016.
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N° 14MA03540