Par un jugement n° 1500072 du 8 juillet 2016, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande de la SCEA.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 7 septembre 2016, la SCEA Château Salvagnac, représenté par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 8 juillet 2016.
2°) d'annuler le titre exécutoire n° 49 émis à son encontre le 8 décembre 2014 par le maire de la commune de Saint Laurent de la Cabrerisse pour un montant de 3 291,43 euros au titre de sa participation aux travaux d'extension du réseau d'eau potable ;
3°) d'annuler le contrat du 22 septembre 2010 portant convention pour l'extension du réseau d'eau potable conclu avec ladite commune ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le titre exécutoire en litige a été pris par une autorité incompétente, dès lors que la délégation de signature n'a pas été publiée, est imprécise, ne permettait pas de recouvrer les sommes éventuellement dues et ne mentionnait pas les nom, prénom et qualité de l'émetteur ;
- il n'a été précédé d'aucune procédure contradictoire préalable, dès lors notamment que les bases de liquidation de la créance ne lui ont pas été préalablement communiquées ;
- il méconnaît les dispositions de l'article 4 de la loi du 12 avril 2000 ;
- les bases de la liquidation ne sont pas indiquées ;
- il est dépourvu de base légale compte tenu de l'illégalité du contrat du 22 septembre 2010 sur lequel il se fonde qui est entaché d'un vice de consentement ;
- aucun appel d'offres ni aucune mesure de publicité n'ont précédé l'exécution des travaux.
- la commune a bénéficié d'un enrichissement sans cause ;
Par des mémoires en défense, enregistrés respectivement les 24 janvier 2017 et 28 février 2018, la commune de Saint Laurent de la Cabrerisse conclut :
1) à titre principal, au rejet de la requête ;
2) à titre subsidiaire, à la condamnation de la SCEA Château Salvagnac au paiement de la somme de 33 306,88 euros au titre de l'enrichissement sans cause ;
3) à ce qu'il soit mis à la charge de la SCEA Château Salvagnac la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête est irrecevable ;
- les moyens soulevés par la société appelante ne sont pas fondés.
- elle s'est appauvrie ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pecchioli,
- les conclusions de M. Revert, rapporteur public,
- et les observations de Me B..., représentant la commune de Saint-Laurent de la Cabrerisse.
Une note en délibéré présentée par la commune de Saint-Laurent de la Cabrerisse. a été enregistrée le 3 mai 2018.
1. Considérant que, par jugement du 8 juillet 2016, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande de la SCEA Château Salvagnac ; que la SCEA Château Salvagnac relève appel de ce jugement ;
Sur la fin de non-recevoir opposée à la requête :
2. Considérant que, contrairement à ce que soutient la commune de Saint-Laurent de la Cabrerisse en défense, la requête de la SCEA Château Salvagnac, laquelle était en droit de reprendre ses moyens de première instance, comporte à la fois des conclusions et moyens précis et une critique du jugement de première instance ; que, dans ces conditions, la fin de non-recevoir opposée en défense par la commune, sur le fondement de l'article R 411-1 du code de justice administrative, doit être écartée.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. Considérant que, lorsque les parties soumettent au juge un litige relatif à l'exécution du contrat qui les lie, il incombe en principe à celui-ci, eu égard à l'exigence de loyauté des relations contractuelles, de faire application du contrat ; que, toutefois, dans le cas seulement où il constate une irrégularité invoquée par une partie ou relevée d'office par lui, tenant au caractère illicite du contenu du contrat ou à un vice d'une particulière gravité relatif notamment aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement, il doit écarter le contrat et ne peut régler le litige sur le terrain contractuel ;
4. Considérant que par la convention du 22 septembre 2010 la commune de Saint-Laurent de la Cabrerisse, à la fois maîtres d'oeuvre et d'ouvrage, a autorisé le raccordement au réseau communal d'adduction d'eau potable des parcelles cadastrées C 378 et C 424 appartenant à la SCEA Château Salvagnac, à la suite de l'obtention par cette dernière d'un permis de construire du 26 novembre 2007 ; que la convention prévoyait que le bénéficiaire devait supporter la totalité du coût des travaux, exception faite de la participation de la commune plafonnée suivant délibération du 29 juin 2010 à la somme de 21 780 euros TTC, quelque soit le coût total de l'opération envisagée, les options techniques retenues et les aléas rencontrés au cours des travaux ; que toutefois, le dernier alinéa de l'article 6 du contrat, traitant du prix, disposait en caractère gras que " par annexe le bénéficiaire approuvera le coût total des travaux et donc participation " ; qu'en l'espèce il ne ressort d'aucune pièce du dossier que la commune contractante ait soumis pour acceptation le coût total des travaux à réaliser à la SCEA Chateau Salvagnac, comme elle en avait l'obligation et alors même qu'il s'agissait d'un élément substantiel du contrat ; qu'en effet cette irrégularité tient au caractère illicite du contenu du contrat dès lors qu'elle a trait aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement et revêt par ailleurs une gravité particulière, dès lors qu'elle constituait le seul moyen pour le cocontractant de maîtriser la somme qu'il devait payer au final ; que ce défaut de consentement sur le prix à payer justifie ainsi l'annulation du contrat et, par voie de conséquence, le titre exécutoire pris sur son fondement ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que la SCEA Château Salvagnac est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande ; qu'elle est, dès lors, fondée à demander l'annulation du jugement attaqué et des actes en litige ;
Sur l'enrichissement sans cause :
6. Considérant, d'une part, que si une personne publique peut prétendre, dans l'hypothèse de la nullité d'un contrat, sur le terrain quasi contractuel au remboursement de celles de ses dépenses qui l'ont indûment appauvrie et qui ont été source d'un enrichissement sans cause pour les sociétés avec lesquelles elle avait contracté, c'est à la condition de démontrer que les versements dont elle demande le remboursement ont indûment enrichi les sociétés contractantes ; que, d'autre part, aux termes de l'article L. 332-6-1 du code de l'urbanisme dans sa rédaction alors en vigueur : " Les contributions aux dépenses d'équipements publics prévus au 2° de l'article L. 332-6 sont les suivantes : (...) d) La participation pour voirie et réseaux prévue à l'article L. 332-11-1 " ; que l'article L. 332-28 du même code précise que " Les contributions mentionnées ou prévues au 2° de l'article L. 332-6-1 et à l'article L. 332-9 sont prescrites, selon le cas, par le permis de construire, le permis d'aménager, les prescriptions faites par l'autorité compétente à l'occasion d'une déclaration préalable ou l'acte approuvant un plan de remembrement. Ces actes en constituent le fait générateur. Ils en fixent le montant, la superficie s'il s'agit d'un apport de terrains ou les caractéristiques générales s'il s'agit des travaux mentionnés au premier alinéa de l'article L. 332-10 " ; qu'il s'ensuit qu'aucune contribution ne peut être imposée ultérieurement à la délivrance d'une autorisation qui n'en prévoyait pas le versement ;
7. Considérant que dès lors qu'il ne ressort pas des pièces produites que la demande de raccordement au réseau était antérieure à la délivrance du permis de construire, seule l'autorisation de construire pouvait légalement mettre à la charge de la SCEA Château Salvagnac une participation au financement des réseaux réalisés pour permettre l'implantation de nouvelles constructions ; que le permis de construire en date du 26 novembre 2007, en dépit d'un mention intimant la SCEA Château Salvagnac de se rapprocher des services municipaux ou du gestionnaire du réseaux, ne mentionnait pas que les frais d'extension du réseau public d'eau potable étaient à la charge de la société ; qu'enfin la commune, en dépit de deux demandes successives, n'a pas produit la délibération du 29 juin 2010 qui fixe le montant de la participation visée par l'article 5 de la convention en litige ; que dans ces conditions la commune n'établit pas que la SCEA Château Salvagnac se serait enrichie sans cause de la somme de 33 306, 88 euros ; que, par ailleurs et en tout état de cause, il est constant que la commune demeure propriétaire du réseau existant et de son extension ; qu'il n'y pas non plus, de ce point de vue, de véritable appauvrissement de sa part par la réalisation de tels travaux et la souscription à cette fin d'un emprunt d'un montant de 33 306, 88 euros, ce alors qu'il ne résulte pas de l'instruction que d'autres propriétés que celle de la requérante ne pourraient pas se raccorder audit réseau ainsi étendu ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ;
9. Considérant qu'il y a lieu en application des dispositions susmentionnées de mettre à la charge de la commune de Saint-Laurent de la Cabrisse la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la SCEA Château Salvagnac et non compris dans les dépens ;
10. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la SCEA Château Salvagnac, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement d'une quelconque somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que les conclusions présentées la commune de Saint-Laurent de la Cabrisse au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent dès lors qu'être rejetées ;
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1500072 du 8 juillet 2016 du tribunal administratif de Montpellier, le titre exécutoire n° 49 émis à l'encontre de la SCEA Château Salvagnac le 8 décembre 2014 par le maire de la commune de Saint-Laurent de la Cabrerisse pour un montant de 3 291,43 euros au titre de sa participation aux travaux d'extension du réseau d'eau potable et le contrat du 22 septembre 2010 portant convention pour l'extension du réseau d'eau potable conclu avec ladite commune sont annulés.
Article 2 : les conclusions reconventionnelles de la commune de Saint-Laurent de la Cabrerisse sont rejetées.
Article 3 : La commune de Saint-Laurent de la Cabrerisse versera une somme de 2 000 euros à la SCEA Château Salvagnac en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice adminsitrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à à la SCEA Château Salvagnac et à la commune de Saint Laurent de la Cabrerisse.
Délibéré après l'audience du 23 avril 2018, où siégeaient :
- M. Bocquet, président,
- M. Marcovici, président assesseur,
- M. Pecchioli, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 14 mai 2018.
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N° 16MA03561