Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 3 mai 2016, Mme B... épouseE..., représentée par Me D..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 1er avril 2016 ;
2°) d'annuler les décisions du préfet des Pyrénées-Orientales du 17 novembre 2015 ;
3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour en qualité de membre de famille d'un citoyen de l'Union européenne dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- son époux a le statut de travailleur européen au sens de la directive du 29 avril 2004, de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne appliquant le principe de libre circulation, et de l'article R. 121-6 1° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ce qui lui donne droit au séjour en qualité de membre de famille ;
- le préfet a commis une erreur de droit en se fondant sur la faiblesse des revenus de son époux en 2015 et le caractère temporaire de ses emplois salariés pour écarter l'application de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile assurant la transposition de la directive ;
- elle peut se prévaloir utilement du contrat de travail à durée indéterminée conclu par son époux postérieurement à la décision en litige ;
- son conjoint est en outre susceptible d'avoir acquis un droit au séjour permanent du fait de sa résidence en France depuis plus de cinq ans ;
- l'article 7 de la directive prévoit que la personne frappée par une incapacité de travail temporaire conserve le statut de travailleur salarié ;
- le préfet a méconnu les dispositions de l'article 10 du règlement n° 2011/492 du 5 avril 2011 tel qu'interprété par la Cour de justice de l'Union européenne qui permet le séjour sans condition de ressources du parent qui assure la garde d'enfants mineurs d'un travailleur migrant poursuivant des études en France ;
- tous ses enfants sont scolarisés en France, dont les aînés au collège et au lycée ;
- le préfet a méconnu les dispositions de l'article 20 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne qui reconnaît, selon la Cour de justice de l'Union européenne, le droit au séjour de l'ascendant d'un enfant mineur ayant la nationalité d'un Etat membre ;
- le refus de séjour porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale contrairement à l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et méconnaît l'intérêt supérieur de ses enfants mineurs en violation de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- l'obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée en droit en ne visant pas la directive 2004/38/CE et en citant à tort comme base légale l'article L. 511-3-1-3° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'article L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut légalement lui être appliqué en raison du droit au séjour permanent acquis par son conjoint, du fait que ce dernier remplit les conditions de l'article L. 121-1, et en raison de son propre droit de se maintenir en France du fait de la scolarisation de ses enfants ;
- l'article L. 511-3-1 constitue une transposition non conforme de la directive 2004/38 laquelle interdit l'éloignement d'un citoyen de l'Union pour des raisons économiques sans limiter cette interdiction aux personnes ayant déjà bénéficié d'un droit au séjour reconnu par l'Etat membre.
Par un mémoire en défense, enregistré le 1er août 2016, le préfet des Pyrénées-Orientales conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens invoqués contre les décisions en litige n'est fondé.
Mme B... épouse E...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 20 juin 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale des droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
- le règlement 2011/492 du Parlement européen et du Conseil du 5 avril 2011 ;
- la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 ;
- les arrêts de la Cour de justice de l'Union Européenne C-413/99 du 17 septembre 2002, C-200/02 du 19 octobre 2004, C-34/09 du 8 mars 2011, C-86/12 du 10 octobre 2013, C-480/08 du 23 février 2010, C 310/08 du 23 février 2010, C-456/1212 du 12 mars 2014 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Hameline,
- et les conclusions de M. Revert, rapporteur public.
1. Considérant que, par un arrêté du 17 novembre 2015, le préfet des Pyrénées-Orientales a refusé la demande de titre de séjour formée par Mme B... épouse E..., ressortissante marocaine, en qualité de membre de famille d'un ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, et a fait obligation à celle-ci de quitter le territoire français dans un délai de trente jours ; que Mme B... épouse E...relève appel du jugement du 1er avril 2016 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;
Sur la légalité de l'arrêté du préfet des Pyrénées-Orientales du 17 novembre 2015 :
En ce qui concerne le refus de titre de séjour :
2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 20 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, d'une part : " 2. Les citoyens de l'Union jouissent des droits et sont soumis aux devoirs prévus par les traités. Ils ont, entre autres:/ a) le droit de circuler et de séjourner librement sur le territoire des Etats membres ; (...) Ces droits s'exercent dans les conditions et limites définies par les traités et par les mesures adoptées en application de ceux-ci. (...) " ; qu'aux termes de l'article 21 du même traité : " 1. Tout citoyen de l'Union a le droit de circuler et de séjourner librement sur le territoire des Etats membres, sous réserve des limitations et conditions prévues par les traités et par les dispositions prises pour son application. (...) " ; que l'article 7 de la directive 2004/38/CE du 29 avril 2004 prévoit, au titre de ces limitations : " 1. Tout citoyen de l'Union a le droit de séjourner sur le territoire d'un autre État membre pour une durée de plus de trois mois : a) s'il est un travailleur salarié ou non salarié dans l'État membre d'accueil, ou b) s'il dispose, pour lui et pour les membres de sa famille, de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale de l'État membre d'accueil au cours de son séjour, et d'une assurance maladie complète dans l'État membre d'accueil (...) / 2. Le droit de séjour prévu au paragraphe 1 s'étend aux membres de la famille n'ayant pas la nationalité d'un État membre lorsqu'ils accompagnent ou rejoignent dans l'État membre d'accueil le citoyen de l'Union, pour autant que ce dernier satisfasse aux conditions énoncées au paragraphe 1, points a), b) ou c) (...) " ;
3. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, pris pour la transposition de l'article 7 de la directive du 29 avril 2004 : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, tout citoyen de l'Union européenne, tout ressortissant d'un autre Etat partie à l'accord sur l'espace économique européen ou de la confédération suisse a le droit de séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois s'il satisfait à l'une des conditions suivantes : / 1° S'il exerce une activité professionnelle en France ; / 2° S'il dispose pour lui et pour les membres de sa famille tels que visés au 4° de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale, ainsi que d'une assurance maladie ; (...) / 4° S'il est (...) conjoint (...) accompagnant ou rejoignant un ressortissant qui satisfait aux conditions énoncées aux 1° ou 2° ; " ; que l'article L. 121-3 du même code dispose que : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le membre de famille visé aux 4° ou 5° de l'article L. 121-1 selon la situation de la personne qu'il accompagne ou rejoint, ressortissant d'un Etat tiers, a le droit de séjourner sur l'ensemble du territoire français pour une durée supérieure à trois mois. (...) " ; que selon l'article R. 121-4 de ce code : " Les membres de famille ressortissants d'un Etat tiers mentionnés à l'article L. 121-3 présentent dans les trois mois de leur entrée en France leur demande de titre de séjour avec leur passeport en cours de validité ainsi que les justificatifs établissant leur lien familial et garantissant le droit au séjour du ressortissant accompagné ou rejoint./ Lorsque le ressortissant qu'ils accompagnent ou rejoignent n'exerce pas d'activité professionnelle, ils justifient en outre des moyens dont celui-ci dispose pour assurer leur prise en charge financière et d'une assurance offrant les prestations mentionnées aux articles L. 321-1 et L. 331-2 du code de la sécurité sociale./ Ils reçoivent un titre de séjour portant la mention " Carte de séjour de membre de la famille d'un citoyen de l'Union " (...) " ;
4. Considérant que les dispositions précitées des articles L. 121-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, issues de la loi n° 2006-911 du 24 juillet 2006, doivent être interprétées conformément aux objectifs de la directive du 29 avril 2004, dont elles assurent la transposition et qui visent à la reconnaissance d'un droit au séjour en France des citoyens de l'Union européenne remplissant certaines conditions, dont celle d'exercer une activité professionnelle en France ou de disposer de ressources suffisantes pour ne pas être à la charge du système d'assistance sociale de l'État, ainsi qu'à uniformiser la définition de la notion d'activité professionnelle prise en compte à cette fin ; qu'il résulte, à cet égard, de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que si le travail à temps partiel n'est pas exclu du champ d'application des règles relatives à la libre circulation des travailleurs même s'il procure des revenus inférieurs au minimum d'existence tel qu'il est entendu par l'Etat membre, celles-ci ne couvrent que l'exercice d'activités réelles et effectives, à l'exclusion d'activités tellement réduites qu'elles se présentent comme purement marginales et accessoires ; que les dispositions de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives à l'exercice d'une activité professionnelle en France doivent, dès lors, être interprétées comme excluant la prise en compte d'une activité professionnelle marginale et accessoire ;
5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'époux de la requérante de nationalité espagnole, après avoir travaillé de manière très ponctuelle durant des périodes inférieures à trois mois sur le territoire français entre 2007 à 2011, n'a exercé aucune activité professionnelle en France en 2012, 2013 et 2014 et n'a travaillé comme ouvrier agricole que du 2 juin au 30 septembre 2015 pour un salaire mensuel compris entre 548,94 et 736,46 euros ; que par suite, à la date du 17 novembre 2015 à laquelle le préfet a statué sur la demande de Mme B... épouseE..., l'activité de son époux présentait un caractère trop marginal pour être regardée comme une activité professionnelle effective en France au sens des dispositions précitées lui ouvrant droit au séjour pour une durée de plus de trois mois ; que la circonstance, postérieure à la décision en litige, que M. E... ait conclu un contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel le 17 décembre 2015 demeure à cet égard sans influence, ainsi que l'ont relevé les premiers juges ; que, par ailleurs, dès lors qu'il n'est pas établi que l'époux de la requérante bénéficiait d'un droit au séjour en qualité de travailleur européen, celle-ci ne saurait invoquer utilement les dispositions du I de l'article R. 121-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, prises pour la transposition de l'article 7 de la directive du 29 avril 2004, relatives à la conservation d'un tel droit au séjour en cas d'incapacité temporaire de travail ; qu'enfin, la requérante n'établit ni même ne soutient que durant la période en litige son époux disposait pour lui ainsi que pour les membres de sa famille de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale ; que, dès lors, le préfet des Pyrénées-Orientales a pu légalement relever que Mme B... épouse E... ne remplissait pas les conditions prévues pour la délivrance d'un titre de séjour en qualité de membre de la famille d'un citoyen de l'Union européenne ; que si l'arrêté en litige mentionne en outre dans ses motifs que le revenu moyen de l'époux de la requérante en 2015 se trouvait " inférieur au revenu de référence (revenu de solidarité) qui s'élève à 1729,73 euros mensuels pour un couple avec 5 enfants ", il ressort des pièces du dossier que le préfet aurait pris la même décision au regard de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile s'il ne s'était fondé que sur le caractère marginal de l'activité professionnelle de l'intéressé en 2015 et l'absence de toute activité en 2014, ainsi que sur l'absence de ressources suffisantes de la famille au sens du 2° de cet article ; que l'erreur de droit invoquée à raison de l'examen des revenus professionnels de l'époux de la requérante au regard du montant du revenu de solidarité active demeure, dès lors, sans influence sur la légalité de la décision en litige ;
6. Considérant, en deuxième lieu, que la requérante ne justifie pas que son époux ait bénéficié d'un droit au séjour pour une durée supérieure à trois mois sur le territoire français en application de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni qu'il ait répondu aux conditions prévues par ces dispositions ; que, dès lors, elle ne peut, en tout état de cause, valablement soutenir que son époux devait se voir reconnaître à la date de la décision en litige le droit au séjour permanent prévu par l'article L. 122-1 du même code, lequel est institué au profit des ressortissants de l'Union européenne visés à l'article L. 121-1 qui ont résidé de manière légale et ininterrompue en France pendant les cinq années précédentes ; que le moyen, à le supposer invoqué devant la Cour, tiré de ce que Mme B... épouse E... devait de ce fait elle-même être admise au séjour en tant que membre de la famille d'un ressortissant de l'Union européenne doit, par suite, être écarté ;
7. Considérant, en troisième lieu, que Mme B... épouse E...invoque à nouveau devant la Cour la méconnaissance par le préfet des Pyrénées-Orientales de l'article 20 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne qui fait obstacle à ce que soit refusé à un ressortissant d'un État tiers qui assume la charge de ses enfants en bas âge, citoyens de l'Union, le séjour dans l'État membre de résidence de ces derniers et dont ils ont la nationalité ; que ce moyen doit être écarté par adoption des motifs retenus à juste titre par le tribunal administratif, et qui ne sont pas utilement critiqués en appel ;
8. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 10 du règlement (UE) n° 492/2011 du Parlement européen et du Conseil du 5 avril 2011 relatif à la libre circulation des travailleurs à l'intérieur de l'Union, dont les dispositions se sont substituées à celles de l'article 12 du règlement (CEE) n° 1612/68 du Conseil du 15 octobre 1968 : " Les enfants d'un ressortissant d'un État membre qui est ou a été employé sur le territoire d'un autre État membre sont admis aux cours d'enseignement général, d'apprentissage et de formation professionnelle dans les mêmes conditions que les ressortissants de cet État, si ces enfants résident sur son territoire. / Les États membres encouragent les initiatives permettant à ces enfants de suivre les cours précités dans les meilleures conditions." ; qu'il résulte de ces dispositions, telles qu'interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne à la lumière de l'exigence du respect de la vie familiale prévu à l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dans les deux arrêts de sa Grande chambre du 23 février 2010, C-310/08 Ibrahim et C-480/08 Texeira, que les enfants d'un citoyen de l'Union européenne qui se sont installés dans un Etat membre alors que leur parent exerçait des droits de séjour en tant que travailleur migrant dans cet État membre sont en droit d'y séjourner afin d'y poursuivre des cours d'enseignement général et que le parent qui a effectivement la garde de ces enfants, quelle que soit sa nationalité, est en droit de séjourner avec eux de manière à faciliter l'exercice dudit droit, sans que ce droit soit soumis à la condition qu'ils disposent de ressources suffisantes et d'une assurance maladie complète dans cet Etat ;
9. Considérant que Mme B...épouse E...fait valoir que cinq de ses six enfants de nationalité espagnole nés entre 2000 et 2012 sont scolarisés à Perpignan à la date de la décision en litige, pour les aînés au lycée et au collège ; que, toutefois, alors même qu'elle a la garde d'enfants suivant des cours d'enseignement général en France à la date de la décision en litige, cette seule circonstance ne saurait suffire à lui faire bénéficier d'un droit au séjour sur le fondement de l'article 10 du règlement n° 4920/2011, dès lors qu'elle ne justifie pas qu'elle-même ou son époux aient bénéficié d'un droit au séjour sur le territoire français en raison de l'exercice d'une activité professionnelle, ainsi qu'il a été dit au points 5 et 6 ci-dessus ; que, par suite, la requérante ne remplissant pas les conditions prévues par les dispositions dont elle revendique l'application, n'est pas fondée à soutenir que le préfet des Pyrénées-Orientales aurait méconnu celles-ci en lui opposant le refus de titre de séjour en litige ;
10. Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. /2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ;
11. Considérant que, si Mme B... épouse E...fait valoir qu'elle réside en France depuis 2007, elle ne l'établit pas, alors notamment que l'un de ses enfants est né en Espagne en janvier 2008, que son passeport établi au Maroc le 10 août 2011 mentionne une entrée en Espagne le 19 août 2011 et qu'elle a obtenu des autorités espagnoles un titre de séjour de longue durée valable jusqu'au 17 août 2019 mentionnant un domicile dans ce pays ; que la requérante ne se prévaut d'aucune insertion sociale ou professionnelle particulière sur le territoire français ; que la scolarisation en France de ses enfants mineurs de nationalité espagnole ne saurait à elle seule être regardée comme une circonstance faisant obstacle à la reconstitution de la cellule familiale hors de France, alors notamment que son époux, ressortissant espagnol, ne disposait pas à la date de la décision en litige d'un droit au séjour en qualité de travailleur en France, et qu'elle est elle-même titulaire en Espagne d'un titre de séjour ; que dans ces circonstances, compte tenu notamment des conditions et de la durée démontrée de son séjour en France, la décision refusant à Mme B... épouse E...la délivrance d'un titre de séjour n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que cette décision aurait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ; que, pour les mêmes motifs, il ne ressort pas des pièces du dossier que le refus de séjour, qui n'a en tout état de cause ni pour objet ni pour effet de séparer les enfants de la requérante de l'un de leurs parents, méconnaîtrait leur intérêt supérieur au sens de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
12. Considérant, en premier lieu, que l'arrêté en litige vise les dispositions de l'article L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sur lesquelles le préfet des Pyrénées-Orientales a entendu se fonder pour édicter une obligation de quitter le territoire français à l'encontre de Mme B... épouseE..., épouse d'un ressortissant de l'Union européenne ; que la circonstance que le préfet n'ait pas fait référence dans les visas à la directive 2004/38/CE n'entache par elle-même l'obligation de quitter le territoire français d'aucune insuffisance de motivation en droit ; que, dès lors, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de cette décision doit être écarté ;
13. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative compétente peut, par décision motivée, obliger un ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne (...) ou un membre de sa famille à quitter le territoire français lorsqu'elle constate : 1° Qu'il ne justifie plus d'aucun droit au séjour tel que prévu par les articles L. 121-1, L. 121-3 ou L. 121-4-1 ; (...) 3° Ou que, pendant la période de trois mois à compter de son entrée en France, son comportement personnel constitue une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société française. L'autorité administrative compétente tient compte de l'ensemble des circonstances relatives à sa situation, notamment la durée du séjour de l'intéressé en France, son âge, son état de santé, sa situation familiale et économique, son intégration sociale et culturelle en France, et de l'intensité de ses liens avec son pays d'origine (...) " ;
14. Considérant que, si le préfet a visé par une erreur de plume dans l'arrêté le 3° de l'article L. 511-3-1 et non le 1° du même article, ainsi qu'il le relève lui-même en défense, Mme B... épouse E...ne critique pas valablement la substitution de base légale opérée sur ce point par les premiers juges, qui ont relevé à juste titre que le préfet venait de constater que l'intéressée ne justifiait plus d'aucun droit au séjour tel que prévu par les articles L. 121-1 ou L. 121-3, et aurait pris la même décision en se fondant sur les dispositions du 1° de l'article L. 511-3-1 ; qu'en effet, pour les motifs qui ont été indiqués aux points 2 à 9 ci-dessus, la requérante ne justifie pas que son conjoint espagnol aurait acquis un droit au séjour en France en application de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni qu'il bénéficierait d'un droit au séjour permanent en vertu de l'article L. 122-1 du même code, et elle n'établit pas davantage qu'elle justifierait d'un droit propre au séjour à raison de la présence en France de ses enfants mineurs y poursuivant leur scolarité ; que, par suite, la mesure d'obligation de quitter le territoire français en litige pouvait légalement être prise à son égard en application des dispositions précitées du 1° de l'article L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
15. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 27 de la directive 2004/38/CE : " 1. Sous réserve des dispositions du présent chapitre, les États membres peuvent restreindre la liberté de circulation et de séjour d'un citoyen de l'Union ou d'un membre de sa famille, quelle que soit sa nationalité, pour des raisons d'ordre public, de sécurité publique ou de santé publique. Ces raisons ne peuvent être invoquées à des fins économiques. (...) " ; que Mme B... épouse E...ne peut, en tout état de cause, utilement soutenir que les dispositions précitées de l'article L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile seraient incompatibles avec ces dispositions de la directive en ce qu'elles permettent l'éloignement d'un ressortissant de l'Union et de sa famille pour des motifs économiques, dès lors que l'article 27 trouve à s'appliquer lorsque l'Etat membre envisage d'éloigner des ressortissants de l'Union européenne auxquels il a reconnu antérieurement un droit au séjour sur son territoire, ce qui n'est pas en l'espèce le cas de la requérante ni de son conjoint, alors que Mme B... épouse E...s'est précisément vu opposer le même jour un refus de titre de séjour par le préfet des Pyrénées-Orientales ;
16. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que Mme B... épouse E... n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du préfet des Pyrénées-Orientales du 17 novembre 2015 portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
17. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions présentées par Mme B... épouse E...à fin d'annulation de l'arrêté du préfet des Pyrénées-Orientales, n'implique aucune mesure d'exécution ; qu'il y a lieu, par suite, de rejeter les conclusions présentées par l'intéressée tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de lui délivrer un titre de séjour en tant que membre de famille d'un ressortissant de l'Union européenne ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
18. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font en tout état de cause obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, verse la somme réclamée au titre des frais exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens au conseil de Mme B... épouseE..., bénéficiaire de l'aide juridictionnelle totale ; que les conclusions présentées en ce sens par Me D... sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent, dès lors, qu'être rejetées ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme B... épouse E...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B...épouseE..., à Me C... D...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera transmise au préfet des Pyrénées-Orientales.
Délibéré après l'audience du 4 septembre 2017, où siégeaient :
- M. Bocquet, président,
- M. Marcovici, président assesseur,
- Mme Hameline, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 18 septembre 2017.
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N° 16MA01765