Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 17 juin 2016, Mme C..., représentée par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler cette ordonnance du président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Montpellier du 25 mars 2015 ;
2°) d'annuler les décisions du préfet de l'Hérault du 28 novembre 2014 ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale " ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois à compter de la décision à intervenir et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de huit jours ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à son conseil en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- le premier juge ne pouvait lui appliquer l'article R. 222-1 7° du code de justice administrative alors qu'elle invoquait des moyens opérants et assortis de fait suffisamment précis ;
- le rejet de sa demande sans débat contradictoire porte atteinte à son droit à un recours effectif protégé par l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le refus de titre de séjour est insuffisamment motivé en fait ;
- le préfet a commis une erreur de droit en exigeant la production d'un visa de long séjour pour l'obtention d'un titre de séjour en application de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le refus de titre de séjour méconnaît l'article L. 313-11 7° et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;
- divorcée et sans soutien de sa famille au Maroc, elle a rejoint sa fille qui la prend en charge et la famille de cette dernière en France ;
- le refus de titre de séjour et l'obligation de quitter le territoire français sont entachés d'erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation personnelle ;
- les décisions fixant le délai de départ volontaire et le pays de destination sont viciées par l'illégalité des précédentes.
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 juin 2017, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- le recours contentieux enregistré plus de dix mois après que la décision d'admission à l'aide juridictionnelle a été adressée à Mme C... est tardif et, par suite, irrecevable ;
- le tribunal administratif a régulièrement statué par ordonnance en application de l'article R. 222-1 7° du code de justice administrative et sans méconnaître le principe du contradictoire ;
- aucun des moyens invoqués contre les décisions en litige n'est fondé.
Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 9 juillet 2015.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Hameline a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que, par un arrêté du 28 novembre 2014, le préfet l'Hérault a refusé la demande de titre de séjour de Mme C..., ressortissante marocaine, a fait obligation à celle-ci de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel cette mesure d'éloignement pouvait être exécutée d'office ; que Mme C... relève appel de l'ordonnance du 25 mars 2015 par laquelle le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Montpellier a rejeté, en se fondant sur le 7° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;
Sur la recevabilité de la requête d'appel :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 39 du décret du 19 décembre 1991 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Lorsqu'une demande d'aide juridictionnelle en vue de se pourvoir en matière civile devant la Cour de cassation est adressée au bureau d'aide juridictionnelle établi près cette juridiction avant l'expiration du délai imparti pour le dépôt du pourvoi ou des mémoires, ce délai est interrompu. Un nouveau délai court à compter du jour de la réception par l'intéressé de la notification de la décision du bureau d'aide juridictionnelle ou, si elle est plus tardive, de la date à laquelle un auxiliaire de justice a été désigné. Ce dernier délai est interrompu lorsque le recours prévu à l'article 23 de la loi du 10 juillet 1991 est régulièrement formé par l'intéressé. (...) / Les délais de recours sont interrompus dans les mêmes conditions lorsque l'aide juridictionnelle est sollicitée à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat ou une juridiction administrative statuant à charge de recours devant le Conseil d'Etat. " ;
3. Considérant que Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par le bureau d'aide juridictionnelle le 9 juillet 2015 pour interjeter appel de l'ordonnance du 25 mars 2015, après avoir formé une demande en ce sens dans le délai d'appel ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que cette décision du bureau d'aide juridictionnelle lui ait été notifiée antérieurement au 18 mai 2016, date à laquelle son conseil en a reçu un exemplaire sur sa demande ; que, par suite, le nouveau délai de recours contentieux ouvert à la requérante en application des dispositions précitées doit être regardé comme courant à compter de cette dernière date ; que, par suite, la requête introduite par Mme C... devant la Cour le 17 juin 2016 ne peut être regardée comme tardive ; que la fin de non recevoir opposée sur ce point par le préfet de l'Hérault doit, dès lors, être écartée ;
Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :
4. Considérant qu'aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " Les présidents de tribunal administratif (...) et les présidents de formation de jugement des tribunaux et des cours peuvent, par ordonnance : (...) 7° Rejeter, après l'expiration du délai de recours ou, lorsqu'un mémoire complémentaire a été annoncé, après la production de ce mémoire, les requêtes ne comportant que des moyens de légalité externe manifestement infondés, des moyens irrecevables, des moyens inopérants ou des moyens qui ne sont assortis que de faits manifestement insusceptibles de venir à leur soutien ou ne sont manifestement pas assortis des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé (...)." ;
5. Considérant qu'à l'appui de sa demande présentée devant le tribunal administratif de Montpellier, Mme C... a notamment soulevé à l'encontre du refus de titre de séjour les moyens tirés de la violation de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et de l'erreur manifeste d'appréciation ; qu'elle a également invoqué la méconnaissance de ces mêmes stipulations à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français ; que ces moyens étaient, contrairement à ce qu'a estimé le premier juge, assortis d'éléments susceptibles de venir à leur soutien et notamment de pièces produites ou annoncées ; que ces moyens n'étaient, par ailleurs, ni inopérants ni irrecevables ; que, dès lors, il n'appartenait qu'au tribunal administratif statuant en formation collégiale de statuer sur la demande de Mme C... ; que le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Montpellier ne pouvait, par suite, rejeter la demande de l'intéressée en application des dispositions du 7° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, dès lors que les conditions exigées par cet article n'étaient pas réunies ; que, par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen invoqué quant à la régularité de l'ordonnance attaquée, celle-ci est entachée d'irrégularité et doit être annulée ;
6. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme C... devant le tribunal administratif de Montpellier ;
Sur la légalité de l'arrêté du préfet de l'Hérault du 28 novembre 2014 :
En ce qui concerne la compétence de l'auteur de l'arrêté :
7. Considérant que l'arrêté attaqué est signé par M. Olivier Jacob, secrétaire général de la préfecture de l'Hérault auquel le préfet a donné délégation par arrêté du 31 juillet 2014, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture, à l'effet de signer tous actes, arrêtés, décisions et circulaires relevant des attributions de l'Etat dans le département et notamment en ce qui concerne les affaires intéressant plusieurs services départementaux des administrations civiles de l'Etat, à l'exception, d'une part, des réquisitions prises en application de la loi du 11 juillet 1938 relative à l'organisation générale de la nation pour temps de guerre, d'autre part, de la réquisition des comptables publics régie par le décret du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique ; que cette délégation donnait compétence à M. A... pour signer l'arrêté en litige ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur des décisions contestées faute de délégation régulière doit être écarté comme manquant en fait ;
En ce qui concerne le refus de titre de séjour :
8. Considérant, en premier lieu, que l'arrêté en litige comporte une analyse de la situation personnelle de Mme C... au regard de son droit au séjour et de sa situation familiale ; que le moyen tiré de l'insuffisante motivation en fait de la décision de refus de séjour en méconnaissance des exigences des articles 1 et 3 de la loi du 11 juillet 1979 doit, par suite, être écarté ;
9. Considérant, en deuxième lieu, que le fait que l'arrêté vise notamment les stipulations de l'article 9 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987, qui régit le séjour des ressortissants marocains en qualité de salarié, ne saurait par lui-même démontrer que le préfet de l'Hérault a commis une erreur de droit sur la nature de la demande présentée par Mme C..., qu'il a bien examinée sur le fondement de la vie privée et familiale ;
10. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui" ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) " ;
11. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme C... est arrivée en France en novembre 2013 soit une année seulement avant la décision en litige, après avoir vécu jusqu'à l'âge de cinquante-six ans au Maroc ; qu'elle ne justifie pas d'une insertion socio-économique particulière sur le territoire national ; que la circonstance qu'elle vive chez sa fille titulaire d'une carte de résident et la famille de cette dernière, et qu'elle participe à des activités associatives ne sont pas, à elles seules, de nature à établir l'illégalité du refus de son admission au séjour alors qu'elle ne démontre pas être privée d'attaches personnelles et familiales dans son pays d'origine où elle a vécu avant comme après son divorce d'avec son époux ; que, dans ces conditions et eu égard à la faible durée du séjour de l'intéressée en France, la décision en litige n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que cette décision aurait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté ;
12. Considérant, en quatrième lieu, que l'arrêté en litige rappelle les dispositions de l'article L. 311-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile exigeant, sauf dispositions contraires expresses, un visa de long séjour de tout étranger qui sollicite un droit au séjour en France, et indique que " l'article L. 313-11-7 ne déroge pas à ces dispositions " pour obtenir un titre de séjour " vie privée et familiale ", avant de constater que Mme C... n'est pas en possession d'un tel visa ; qu'ainsi que le soutient la requérante, ce motif est entaché d'une erreur de droit dès lors que le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, cité au point 10 ci-dessus, prévoit précisément que l'exigence de visa de long séjour ne s'applique pas dans le cas d'une telle demande fondée sur l'intensité des liens personnels et familiaux du demandeur sur le territoire français ; que, toutefois, il ressort des pièces du dossier que le préfet, qui a par ailleurs estimé après analyse que la requérante ne remplissait pas les conditions de fond prévues par l'article L. 313-11 7°, aurait pris la même décision s'il n'avait pas, en outre, fondé son refus sur le motif tiré du défaut de visa de long séjour ; que, par suite, l'erreur de droit dont est entachée l'arrêté sur ce point demeure sans incidence sur la légalité du refus de titre de séjour opposé à Mme C... ;
13. Considérant, en cinquième et dernier lieu, qu'alors même que la requérante soutient être prise en charge financièrement par sa fille résidant en France après avoir été aidée temporairement par celle-ci au Maroc, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de l'Hérault aurait commis une erreur manifeste d'appréciation de la situation de l'intéressée en refusant de l'admettre au séjour ;
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
14. Considérant que, pour les mêmes motifs que ceux évoqués au point 11, il ne ressort pas des pièces du dossier que la mesure d'éloignement dont est assorti le refus de titre de séjour opposé à Mme C... porterait une atteinte disproportionnée à la vie privée et familiale de cette dernière eu égard en particulier à la faible durée de son séjour en France ; que l'obligation de quitter le territoire français ne méconnaît donc pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que la requérante n'établit pas davantage que cette mesure serait entachée d'erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
En ce qui concerne les décisions fixant le délai de départ volontaire et le pays de destination :
15. Considérant qu'il suit de ce qui a été dit ci-dessus concernant les décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français que Mme C... n'est pas fondée à exciper de leur illégalité au soutien de ses conclusions tendant à l'annulation de la décision fixant un délai de départ volontaire de trente jours et fixant le pays à destination duquel la mesure d'éloignement peut être exécutée d'office ;
16. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Hérault du 28 novembre 2014 ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
17. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions présentées par Mme C... à fin d'annulation de l'arrêté du préfet de l'Hérault, n'implique aucune mesure d'exécution ; qu'il y a lieu, par suite, de rejeter les conclusions présentées par l'intéressée tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de lui délivrer un titre de séjour ou, subsidiairement, de réexaminer sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
18. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font, en tout état de cause, obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, verse la somme réclamée au titre des frais exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens au conseil de Mme C..., bénéficiaire de l'aide juridictionnelle totale ; que les conclusions présentées en ce sens par Me B...sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent, dès lors, qu'être rejetées ;
D É C I D E :
Article 1er : L'ordonnance du président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Montpellier n° 1500444 du 25 mars 2015 est annulée.
Article 2 : La demande présentée par Mme C... devant le tribunal administratif de Montpellier et le surplus des conclusions de sa requête d'appel sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E...C..., à Me D... B...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera transmise au préfet de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 4 septembre 2017, où siégeaient :
- M. Bocquet, président,
- M. Marcovici, président assesseur,
- Mme Hameline, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 18 septembre 2017.
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N° 16MA02443