Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 21 octobre 2016, sous le n° 16MA03926, Mme B..., représentée par Me C...demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 26 septembre 2016 ;
2°) de saisir la juridiction judiciaire d'une question préjudicielle relative à la légalité de l'audition de police du 26 mai 2016 au regard de l'article 66 de la Constitution, de l'article 78-2 du code de procédure pénale et de l'article L. 611-1-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
3°) d'annuler l'arrêté susvisé ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à Me C... en application des dispositions des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;
- elle a la qualité de membre de famille de citoyen européen au sens des dispositions de l'article L. 121-1-4° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet de l'Hérault s'est estimé lié par l'insuffisance de ressources qui ne saurait justifier à elle seule la mesure d'éloignement contestée ;
- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- elle est fondée sur une procédure d'audition illégale qui a violé ses droits fondamentaux et notamment celui d'être assistée par un avocat ;
- cette audition est entachée d'un détournement de pouvoir et viole le principe de séparation des pouvoirs ;
- le préfet a eu recours à un procédé de récolte de preuves déloyal et illégal.
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 avril 2017, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme B...ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Constitution ;
- le code de procédure pénale ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Marchessaux a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que Mme B...née le 14 septembre 1963, de nationalité roumaine, relève appel du jugement du 26 septembre 2016 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 26 mai 2016 du préfet de l'Hérault qui l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours ;
En ce qui concerne la demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Dans les cas d'urgence (...), l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée soit par le président du bureau ou de la section compétente du bureau d'aide juridictionnelle, soit par la juridiction compétente ou son président " ;
3. Considérant qu'eu égard aux circonstances de l'espèce, il y a lieu de prononcer, en application des dispositions précitées, l'admission provisoire de Mme B...au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés " ;
5. Considérant que le tribunal a suffisamment motivé le jugement attaqué en estimant que les moyens invoqués à l'encontre de la procédure ayant conduit l'autorité administrative à constater que Mme B...était en situation irrégulière sur le territoire français sont sans influence sur la légalité de l'arrêté attaqué ; que dès lors ce moyen doit être écarté ;
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
6. Considérant qu'aux termes de l'article 78-2 du code de procédure pénale : " (...) Sur réquisitions écrites du procureur de la République aux fins de recherche et de poursuite d'infractions qu'il précise, l'identité de toute personne peut être également contrôlée, selon les mêmes modalités, dans les lieux et pour une période de temps déterminés par ce magistrat. Le fait que le contrôle d'identité révèle des infractions autres que celles visées dans les réquisitions du procureur de la République ne constitue pas une cause de nullité des procédures incidentes (...) " ; que l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose : " I. - En dehors de tout contrôle d'identité, les personnes de nationalité étrangère doivent être en mesure de présenter les pièces ou documents sous le couvert desquels elles sont autorisées à circuler ou à séjourner en France à toute réquisition des officiers de police judiciaire et, sur l'ordre et sous la responsabilité de ceux-ci, des agents de police judiciaire et agents de police judiciaire adjoints mentionnés aux articles 20 et 21 (1°) du code de procédure pénale./ A l'issue d'un contrôle d'identité effectué en application des articles 78-1, 78-2, 78-2-1 et 78-2-2 du code de procédure pénale, les personnes de nationalité étrangère peuvent être également tenues de présenter les pièces et documents visés à l'alinéa précédent (...) " ; que l'article L. 611-1-1 du même code précise : " I. - Si, à l'occasion d'un contrôle effectué en application de l'article L. 611-1 du présent code, des articles 78-1, 78-2, 78-2-1 et 78-2-2 du code de procédure pénale (...), il apparaît qu'un étranger n'est pas en mesure de justifier de son droit de circuler ou de séjourner en France, il peut être conduit dans un local de police ou de gendarmerie et y être retenu par un officier de police judiciaire de la police nationale ou de la gendarmerie nationale aux fins de vérification de son droit de circulation ou de séjour sur le territoire français. Dans ce cas, l'officier de police judiciaire ou, sous le contrôle de celui-ci, un agent de police judiciaire met l'étranger en mesure de fournir par tout moyen les pièces et documents requis et procède, s'il y a lieu, aux opérations de vérification nécessaires. Le procureur de la République est informé dès le début de la retenue./ L'officier de police judiciaire ou, sous le contrôle de celui-ci, un agent de police judiciaire informe aussitôt l'étranger, dans une langue qu'il comprend ou dont il est raisonnable de supposer qu'il la comprend, des motifs de son placement en retenue et de la durée maximale de la mesure ainsi que du fait qu'il bénéficie :/ 1° Du droit d'être assisté par un interprète ;/ 2° Du droit d'être assisté par un avocat (...) " ;
7. Considérant que les mesures de contrôle et de retenue que prévoient ces dispositions sont uniquement destinées à la vérification du droit de séjour et de circulation de l'étranger qui en fait l'objet et sont placées sous le contrôle du procureur de la République ; qu'elles sont distinctes des mesures par lesquelles le préfet fait obligation à l'étranger de quitter le territoire ; que, dès lors qu'il n'appartient pas au juge administratif de se prononcer sur la régularité des conditions du contrôle et de la retenue qui ont, le cas échéant, précédé l'intervention de mesures d'éloignement d'un étranger en situation irrégulière, les conditions dans lesquelles Mme B... a été contrôlée en application des dispositions précitées de l'article L. 611-1-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sont sans influence sur la légalité de l'arrêté contesté ; que, par suite, et sans qu'il soit besoin de saisir l'autorité judiciaire d'une question préjudicielle, le moyen tiré d'éventuelles irrégularités entachant la mise en oeuvre de cette mesure doit être écarté ;
8. Considérant qu'il résulte des dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que tout étranger n'étant pas en mesure de justifier de son droit de circuler ou de séjourner en France peut être conduit dans un local de police ou de gendarmerie et y être retenu le temps de la vérification par un officier de police judiciaire de son droit au séjour ou de circulation ; que la circonstance que la vérification du droit au séjour de Mme B... a été effectuée à l'occasion d'une opération de contrôle d'identité ordonnée par le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Montpellier en application des dispositions de l'article 78-2 du code de procédure pénale et visant à rechercher les auteurs d'infractions de vols et de recels n'est pas révélatrice, en elle-même d'un détournement de pouvoir ; que Mme B...ne peut dès lors, en tout état de cause, se prévaloir des dispositions de l'article 16 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;
9. Considérant que pour les motifs énoncés au point précédent, le préfet ne saurait être regardé comme ayant manqué à son obligation de loyauté ou au principe de séparation des pouvoirs en se fondant, pour prendre l'arrêté contesté, sur les éléments contenus dans le procès-verbal d'audition de Mme B...;
10. Considérant qu'aux termes de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, tout citoyen de l'Union européenne, tout ressortissant d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse a le droit de séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois s'il satisfait à l'une des conditions suivantes : 1° S'il exerce une activité professionnelle en France ; 2° S'il dispose pour lui et pour les membres de sa famille tels que visés au 4° de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale, ainsi que d'une assurance maladie ; 3° S'il est inscrit dans un établissement fonctionnant conformément aux dispositions législatives et réglementaires en vigueur pour y suivre à titre principal des études ou, dans ce cadre, une formation professionnelle, et garantit disposer d'une assurance maladie ainsi que de ressources suffisantes pour lui et pour les membres de sa famille tels que visés au 5° afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale ; 4° S'il est un descendant direct âgé de moins de vingt et un ans ou à charge, ascendant direct à charge, conjoint, ascendant ou descendant direct à charge du conjoint, accompagnant ou rejoignant un ressortissant qui satisfait aux conditions énoncées aux 1° ou 2° ; 5° S'il est le conjoint ou un enfant à charge accompagnant ou rejoignant un ressortissant qui satisfait aux conditions énoncées au 3°. " ; et qu'aux termes de l'article L. 511-3-1 du même code : " L'autorité administrative compétente peut, par décision motivée, obliger un ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse, ou un membre de sa famille à quitter le territoire français lorsqu'elle constate : 1° Qu'il ne justifie plus d'aucun droit au séjour tel que prévus par les articles L. 121-1, L. 121-3 ou L. 121-4-1 ; (...) " ;
11. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et plus particulièrement des attestations de l'association AREA que Mme B...vit avec sa fille dans un campement illicite ; que ni la notification d'affiliation au régime social des indépendants du 22 mai 2015 portant mention d'une activité en tant qu'auto-entrepreneur, ni la demande d'inscription à Pôle Emploi du 7 avril 2016 ne sont de nature à établir que sa fille exercerait une activité professionnelle à la date de l'arrêté contesté ; que, dans ces conditions, la requérante ne démontre pas être ascendante directe à charge d'un ressortissant européen exerçant une activité professionnelle en France ; qu'ainsi, ce moyen doit être écarté ;
12. Considérant que, lors de son audition du 26 mai 2016, Mme B...a déclaré n'avoir aucun justificatif de moyens d'existence et qu'elle résidait en France pour se faire soigner ; que, par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que la requérante bénéficierait d'une prise en charge en France par une assurance maladie autre que la couverture maladie universelle ; que dès lors, le préfet de l'Hérault a pu légalement considérer que Mme B... ne justifiait pas disposer de ressources suffisantes ni d'une assurance maladie volontaire afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale au sens des dispositions précitées de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
13. Considérant que contrairement à ce que soutient MmeB..., le préfet de l'Hérault ne s'est pas estimé en lié par l'insuffisance de ressources mais a également examiné sa situation au regard des dispositions l'article L. 121-1-4° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de sa vie privée et familiale ; que par suite, le préfet n'a pas entaché l'arrêté querellé d'une erreur de droit et d'une insuffisance d'examen de la situation personne de la requérante ;
14. Considérant que pour l'ensemble des motifs qui viennent d'être énoncés et alors même que Mme B...souffrirait de troubles épileptiques pour lesquels elle suit un traitement, le préfet de l'Hérault n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle ;
15. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme B...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande ;
Sur l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
16. Considérant qu'aux termes de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 susvisée : " (...) En toute matière, l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle partielle ou totale peut demander au juge de condamner la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès, et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, à lui payer une somme au titre des honoraires et frais, non compris dans les dépens, que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide. / Si le juge fait droit à sa demande, l'avocat dispose d'un délai de douze mois à compter du jour où la décision est passée en force de chose jugée pour recouvrer la somme qui lui a été allouée. S'il recouvre cette somme, il renonce à percevoir la part contributive de l'Etat. S'il n'en recouvre qu'une partie, la fraction recouvrée vient en déduction de la part contributive de l'Etat. (...) " ;
17. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, tout ou partie de la somme que le conseil de Mme B...demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : Mme B...est admise, à titre provisoire, au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Article 2 : La requête de Mme B...est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...B..., à Me C...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 4 septembre 2017, où siégeaient :
- M. Bocquet, président,
- M. Marcovici, président assesseur,
- Mme Marchessaux, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 18 septembre 2017.
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N° 16MA03926