Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 21 octobre 2016 et 12 mai 2017, sous le n° 16MA03927, Mme B..., représentée par Me C... demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 26 septembre 2016 ;
2°) de saisir la juridiction judiciaire d'une question préjudicielle relative à la légalité de l'audition de police du 26 mai 2016 au regard de l'article 66 de la Constitution, de l'article 78-2 du code de procédure pénale et de l'article L. 611-1-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
3°) d'annuler l'arrêté susvisé ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à Me C... en application des dispositions des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- le tribunal a omis de répondre au moyen tiré de ce que le préfet de l'Hérault a commis une erreur de droit en lui opposant les dispositions de l'article L. 621-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;
- le préfet a fait une inexacte application des articles L. 621-1 et L. 511-3-1-1° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il a violé les dispositions de l'article R. 121-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et commis une erreur manifeste d'appréciation ;
- l'arrêté contesté est entaché d'une erreur de fait et d'une erreur manifeste d'appréciation concernant l'abus de droit ;
- il est fondé sur une procédure d'audition illégale qui a violé ses droits fondamentaux et notamment celui d'être assistée par un avocat ;
- cette audition est entachée d'un détournement de pouvoir et viole le principe de séparation des pouvoirs ;
- le préfet a eu recours à un procédé de récolte de preuves déloyal et illégal.
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 avril 2017, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 12 décembre 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Constitution ;
- le code de procédure pénale ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 2012-1560 du 31 décembre 2012 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Marchessaux a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que Mme B... née le 3 juillet 1988, de nationalité roumaine, relève appel du jugement du 26 septembre 2016 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 26 mai 2016 du préfet de l'Hérault qui l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant que les premiers juges n'ont commis aucune irrégularité en ne répondant pas au moyen inopérant tiré de ce que le préfet de l'Hérault a fait une inexacte application de l'article L. 621-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont les dispositions ont été abrogées par l'article 8 de la loi susvisée n° 2012-1560 du 31 décembre 2012 ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés " ;
4. Considérant que le tribunal a suffisamment motivé le jugement attaqué en estimant que les moyens invoqués à l'encontre de la procédure ayant conduit l'autorité administrative à constater que Mme B... était en situation irrégulière sur le territoire français sont sans influence sur la légalité de l'arrêté attaqué ; que, dès lors, ce moyen doit être écarté ;
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
5. Considérant ainsi qu'il a été dit au point n° 2 que la circonstance que l'article 3 de l'arrêté, par lequel le préfet a obligé Mme B... à quitter le territoire français, mentionne que le non respect de la mesure d'éloignement expose l'intéressée aux sanctions pénales prévues par l'article L. 621-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est, par elle-même, sans incidence sur la légalité de l'arrêté critiqué ;
6. Considérant qu'aux termes de l'article 78-2 du code de procédure pénale : " (...) Sur réquisitions écrites du procureur de la République aux fins de recherche et de poursuite d'infractions qu'il précise, l'identité de toute personne peut être également contrôlée, selon les mêmes modalités, dans les lieux et pour une période de temps déterminés par ce magistrat. Le fait que le contrôle d'identité révèle des infractions autres que celles visées dans les réquisitions du procureur de la République ne constitue pas une cause de nullité des procédures incidentes (...) " ; que l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose : " I. - En dehors de tout contrôle d'identité, les personnes de nationalité étrangère doivent être en mesure de présenter les pièces ou documents sous le couvert desquels elles sont autorisées à circuler ou à séjourner en France à toute réquisition des officiers de police judiciaire et, sur l'ordre et sous la responsabilité de ceux-ci, des agents de police judiciaire et agents de police judiciaire adjoints mentionnés aux articles 20 et 21 (1°) du code de procédure pénale./ A l'issue d'un contrôle d'identité effectué en application des articles 78-1, 78-2, 78-2-1 et 78-2-2 du code de procédure pénale, les personnes de nationalité étrangère peuvent être également tenues de présenter les pièces et documents visés à l'alinéa précédent (...) " ; que l'article L. 611-1-1 du même code précise : " I. - Si, à l'occasion d'un contrôle effectué en application de l'article L. 611-1 du présent code, des articles 78-1, 78-2, 78-2-1 et 78-2-2 du code de procédure pénale (...), il apparaît qu'un étranger n'est pas en mesure de justifier de son droit de circuler ou de séjourner en France, il peut être conduit dans un local de police ou de gendarmerie et y être retenu par un officier de police judiciaire de la police nationale ou de la gendarmerie nationale aux fins de vérification de son droit de circulation ou de séjour sur le territoire français. Dans ce cas, l'officier de police judiciaire ou, sous le contrôle de celui-ci, un agent de police judiciaire met l'étranger en mesure de fournir par tout moyen les pièces et documents requis et procède, s'il y a lieu, aux opérations de vérification nécessaires. Le procureur de la République est informé dès le début de la retenue. / L'officier de police judiciaire ou, sous le contrôle de celui-ci, un agent de police judiciaire informe aussitôt l'étranger, dans une langue qu'il comprend ou dont il est raisonnable de supposer qu'il la comprend, des motifs de son placement en retenue et de la durée maximale de la mesure ainsi que du fait qu'il bénéficie : / 1° Du droit d'être assisté par un interprète ; / 2° Du droit d'être assisté par un avocat (...) " ;
7. Considérant que les mesures de contrôle et de retenue que prévoient ces dispositions sont uniquement destinées à la vérification du droit de séjour et de circulation de l'étranger qui en fait l'objet et sont placées sous le contrôle du procureur de la République ; qu'elles sont distinctes des mesures par lesquelles le préfet fait obligation à l'étranger de quitter le territoire ; que, dès lors qu'il n'appartient pas au juge administratif de se prononcer sur la régularité des conditions du contrôle et de la retenue qui ont, le cas échéant, précédé l'intervention de mesures d'éloignement d'un étranger en situation irrégulière, les conditions dans lesquelles Mme B... a été contrôlée en application des dispositions précitées de l'article L. 611-1-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sont sans influence sur la légalité de l'arrêté contesté ; que, par suite, et sans qu'il soit besoin de saisir l'autorité judiciaire d'une question préjudicielle, le moyen tiré d'éventuelles irrégularités entachant la mise en oeuvre de cette mesure doit être écarté ;
8. Considérant qu'il résulte des dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que tout étranger n'étant pas en mesure de justifier de son droit de circuler ou de séjourner en France peut être conduit dans un local de police ou de gendarmerie et y être retenu le temps de la vérification par un officier de police judiciaire de son droit au séjour ou de circulation ; que la circonstance que la vérification du droit au séjour de Mme B... a été effectuée à l'occasion d'une opération de contrôle d'identité ordonnée par le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Montpellier en application des dispositions de l'article 78-2 du code de procédure pénale et visant à rechercher les auteurs d'infractions de vols et de recels n'est pas révélatrice, en elle-même, d'un détournement de pouvoir ; que Mme B... ne peut dès lors, en tout état de cause, se prévaloir des dispositions de l'article 16 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;
9. Considérant que pour les motifs énoncés au point précédent, le préfet ne saurait être regardé comme ayant manqué à son obligation de loyauté ou au principe de séparation des pouvoirs en se fondant, pour prendre l'arrêté contesté, sur les éléments contenus dans le procès-verbal d'audition de Mme B... ;
10. Considérant qu'aux termes de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, tout citoyen de l'Union européenne, tout ressortissant d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse a le droit de séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois s'il satisfait à l'une des conditions suivantes : 1° S'il exerce une activité professionnelle en France ; 2° S'il dispose pour lui et pour les membres de sa famille tels que visés au 4° de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale, ainsi que d'une assurance maladie ; 3° S'il est inscrit dans un établissement fonctionnant conformément aux dispositions législatives et réglementaires en vigueur pour y suivre à titre principal des études ou, dans ce cadre, une formation professionnelle, et garantit disposer d'une assurance maladie ainsi que de ressources suffisantes pour lui et pour les membres de sa famille tels que visés au 5° afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale ; 4° S'il est un descendant direct âgé de moins de vingt et un ans ou à charge, ascendant direct à charge, conjoint, ascendant ou descendant direct à charge du conjoint, accompagnant ou rejoignant un ressortissant qui satisfait aux conditions énoncées aux 1° ou 2° ; 5° S'il est le conjoint ou un enfant à charge accompagnant ou rejoignant un ressortissant qui satisfait aux conditions énoncées au 3°. " ; qu'aux termes de l'article L. 511-3-1 du même code : " L'autorité administrative compétente peut, par décision motivée, obliger un ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse, ou un membre de sa famille à quitter le territoire français lorsqu'elle constate : (...) / 2° ou que son séjour est constitutif d'un abus de droit. Constitue un abus de droit le fait de renouveler des séjours de moins de trois mois dans le but de se maintenir sur le territoire alors que les conditions requises pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois ne sont pas remplies. Constitue également un abus de droit le séjour en France dans le but essentiel de bénéficier du système d'assistance sociale ; (...) " ;
11. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, lors de son audition du 26 mai 2016, Mme B... a déclaré récupérer des objets sur la voie publique pour les vendre aux puces, être entrée en France pour la première fois il y a quatre ou cinq ans et en dernier lieu le 1er mai 2016, et avoir effectué plus de trois allers-retours par an ; que ces circonstances sont de nature à révéler que l'appelante a multiplié les séjours de moins de trois mois dans le but de se maintenir sur le territoire français ; que le préfet de l'Hérault qui, en application des dispositions précitées de l'article L. 511-3-1-2° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, devait vérifier que les conditions requises pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois n'étaient pas remplies a pu légalement opposer à Mme B... l'insuffisance de ses ressources ; que, par suite, son séjour étant constitutif d'un abus de droit, le préfet n'a commis aucune erreur d'appréciation ni erreur de fait en prononçant à son encontre une obligation de quitter le territoire français sur le fondement de ces dispositions ;
12. Considérant qu'aux termes de l'article R. 121-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) / Les ressortissants mentionnés au premier alinéa de l'article L. 121-1 entrés en France pour y rechercher un emploi ne peuvent être éloignés pour un motif tiré de l'irrégularité de leur séjour tant qu'ils sont en mesure de faire la preuve qu'ils continuent à rechercher un emploi et qu'ils ont des chances réelles d'être engagés. " ;
13. Considérant que Mme B... qui ne démontre ni même n'allègue rechercher un emploi ne peut utilement soutenir que son époux a des chances réelles et sérieuses de trouver un travail en se prévalant, au surplus, d'une inscription de ce dernier à Pôle Emploi postérieure à la date de l'arrêté contesté ; que, dès lors, le moyen tiré de la violation des dispositions précitées de l'article R. 121-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté ;
14. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de l'Hérault aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de Mme B... ;
15. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande ;
Sur l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
16. Considérant qu'aux termes de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 susvisée : " (...) En toute matière, l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle partielle ou totale peut demander au juge de condamner la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès, et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, à lui payer une somme au titre des honoraires et frais, non compris dans les dépens, que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide. / Si le juge fait droit à sa demande, l'avocat dispose d'un délai de douze mois à compter du jour où la décision est passée en force de chose jugée pour recouvrer la somme qui lui a été allouée. S'il recouvre cette somme, il renonce à percevoir la part contributive de l'Etat. S'il n'en recouvre qu'une partie, la fraction recouvrée vient en déduction de la part contributive de l'Etat. (...) " ;
17. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, tout ou partie de la somme que le conseil de Mme B... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...B..., à Me C... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 4 septembre 2017, où siégeaient :
- M. Bocquet, président,
- M. Marcovici, président assesseur,
- Mme Marchessaux, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 18 septembre 2017.
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N° 16MA03927