Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 12 mai 2016, M. A..., représenté par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes du 5 avril 2016 ;
2°) d'annuler les décisions du préfet du Gard du 23 novembre 2015 ;
3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le refus de titre de séjour méconnaît l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il établit son séjour continu en France depuis 2007 ;
- il a épousé le 20 juin 2014 une compatriote bénéficiant d'un titre de séjour et n'ayant plus d'attaches au Maroc, dont il a eu un enfant en août 2015 ;
- deux de ses frères séjournent régulièrement en France, dont l'un peut l'embaucher dans son entreprise ;
- la décision du préfet est contraire à l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et entachée d'erreur d'appréciation ;
- son éloignement du territoire français méconnaîtrait l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant en le séparant de sa fille.
Un courrier du 25 avril 2017 adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il est envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et a indiqué la date à partir de laquelle l'instruction pourra être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience par un avis d'audience adressé le 12 juin 2017 portant clôture d'instruction immédiate en application des dispositions de l'article R. 613-2 du code de justice administrative.
Le préfet du Gard a présenté un mémoire en défense, enregistré le 23 juin 2017 après clôture de l'instruction, qui n'a pas été communiqué.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 mai 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Hameline a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que M. A..., de nationalité marocaine, a demandé le 12 mars 2015 au préfet du Gard son admission exceptionnelle au séjour ; que, par un arrêté du 23 novembre 2015 se substituant à la décision implicite de rejet née du silence de l'administration à l'issue d'un délai de quatre mois, le préfet du Gard a opposé un refus à la demande de titre de séjour de l'intéressé et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours ; que le tribunal administratif de Nîmes a rejeté la demande de M. A... tendant à l'annulation de cet arrêté par un jugement du 5 avril 2016, dont il relève appel ;
Sur le bien-fondé du jugement contesté :
2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile: " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. (...) " ; que ces dispositions définissent, pour les personnes qui ne satisfont pas aux conditions fixées par le code pour la délivrance des cartes de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " sur le fondement de l'article L. 313-11 et qui sollicitent leur régularisation, un régime d'admission exceptionnelle au séjour en France ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée " ;
4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A... a épousé le 20 juin 2014 une compatriote résidant sur le territoire français depuis plusieurs années et titulaire d'une carte de séjour temporaire ; que lorsque la décision lui refusant un titre de séjour a été prise, l'intéressé, en sa qualité de conjoint d'un ressortissant étranger résidant régulièrement en France, entrait dans une catégorie ouvrant droit au regroupement familial ; que le requérant, qui a au demeurant formé sa demande d'admission exceptionnelle au séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ne peut, dès lors, valablement invoquer la violation par la décision en litige des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 de ce code, dont il ne remplissait pas les conditions ;
5. Considérant que les circonstances invoquées par M. A..., à savoir son mariage en 2014 avec une ressortissante marocaine et la naissance de leur enfant en 2015, ainsi que l'obtention d'une promesse d'embauche établie par son frère, ne constituent pas, au cas d'espèce, des motifs exceptionnels ou des considérations humanitaires au sens de l'article L. 313-14 du code précité qui permettraient de regarder le préfet du Gard comme ayant commis une erreur manifeste d'appréciation en refusant la régularisation de sa situation administrative à titre exceptionnel sur le fondement de la vie privée et familiale ;
6. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;
7. Considérant que M. A... ne démontre pas avoir séjourné de manière continue en France, ainsi qu'il le soutient, depuis l'expiration de son contrat de travail saisonnier en 2007, les pièces produites tant devant les premiers juges qu'en appel prouvant tout au plus une présence ponctuelle de l'intéressé en 2010 et sa résidence habituelle à partir du courant de l'année 2013 soit une période de deux années à la date de l'arrêté en litige ; qu'il n'établit ni même n'allègue être dépourvu d'attaches familiales au Maroc où il a vécu jusqu'à l'âge adulte ; que si, ainsi qu'il a été dit au point 5, il menait une vie commune avec une compatriote titulaire d'une carte de séjour temporaire d'une durée de validité d'un an qu'il a épousée le 20 juin 2014 et dont il a eu un enfant le 19 août 2015, cette communauté de vie datait seulement d'un peu plus d'un an à la date de la décision en litige ; qu'il ne ressort des pièces du dossier ni que M. A... serait dans l'impossibilité de revenir en France par la procédure du regroupement familial, ni que la vie de la cellule familiale serait insusceptible de se poursuivre au Maroc, pays où son épouse a également vécu, et où il n'est pas soutenu qu'elle serait dépourvue d'attaches alors même que ses parents et deux membres de sa fratrie résident en France ; que M. A... ne fait état d'aucune insertion sociale ou professionnelle particulière sur le territoire français en se bornant à produire des promesses d'embauche successives établies par l'un de ses deux frères qui y résident ; que, dans ces conditions, M. A... n'est pas fondé à soutenir qu'en lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et en l'obligeant à quitter le territoire français, le préfet aurait porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de la vie privée et familiale en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
8. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, (...), l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. " ; qu'il résulte de ces dispositions que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ; qu'elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation ;
9. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit au point 7, M. A... ne fait état d'aucun obstacle à ce que sa vie familiale avec son épouse et son enfant en bas âge se poursuive au Maroc, pays dont les deux époux ont la nationalité et où il a lui-même vécu jusqu'à une date récente ; que, par suite, et en l'absence de tout élément nouveau produit devant la Cour sur ce point, il n'établit pas que l'obligation de quitter le territoire français assortissant le refus de titre de séjour le contraindrait à se séparer de son enfant en méconnaissant l'intérêt supérieur de celui-ci ; que, dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées par la mesure d'éloignement ne peut être accueilli ;
10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
11. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par M. A..., n'implique aucune mesure d'exécution ; qu'il y a lieu, par suite, de rejeter les conclusions présentées par l'intéressé tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de lui délivrer un titre de séjour ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
12. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font en tout état de cause obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, verse la somme réclamée au titre des frais exposés et non compris dans les dépens au conseil de M. A..., bénéficiaire de l'aide juridictionnelle totale ; que les conclusions présentées par celui-ci sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 au bénéfice de son conseil Me B... ne peuvent, dès lors, qu'être rejetées ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A..., à Me C... B... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera transmise au préfet du Gard.
Délibéré après l'audience du 4 septembre 2017, où siégeaient :
- M. Bocquet, président,
- M. Marcovici, président assesseur,
- Mme Hameline, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 18 septembre 2017.
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N° 16MA01887