Par une requête enregistrée le 16 juin 2016, M. B... A..., représenté par Me C..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 24 mai 2016 ;
2°) d'annuler les décisions du préfet de l'Hérault du 13 novembre 2015 ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer un titre de séjour sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir ou, subsidiairement, de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois sous la même astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros à verser à son conseil en cas d'admission à l'aide juridictionnelle en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, ou à lui-même en cas de non admission à l'aide juridictionnelle sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le préfet n'a pas tenu compte de l'ensemble des éléments de son dossier ;
- la persistance de ses problèmes de santé devait conduire au renouvellement de son titre de séjour " étranger malade " ;
- le refus de titre de séjour méconnaît l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;
- il a perdu tout contact avec le Nigéria qu'il a fui après les meurtres commis sur sa famille, a tissé de nombreuses relations en France et s'y est parfaitement intégré ;
- il fait état de circonstances humanitaires au sens de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, tant du fait des évènements survenus dans son pays que de son état de santé ;
- le refus de titre de séjour est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;
- l'obligation de quitter le territoire français méconnaît l'obligation de motivation imposée par l'article 12 de la directive 2008/115/CE ;
- le préfet s'est cru à tort tenu d'assortir le refus de titre de séjour d'une mesure d'éloignement et n'a pas tenu compte de son état de santé à cet égard ;
- les décisions fixant le délai de départ volontaire et le pays de destination sont viciées par l'illégalité des précédentes ;
- son état de santé et l'ensemble des circonstances caractérisant sa situation justifiaient que lui soit accordé un délai de départ volontaire supérieur à trente jours ;
- son retour au Nigéria l'exposerait à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, alors que lui-même a déjà subi des persécutions en raison de sa religion et que son père a été tué pour ce motif en 2010.
Par un mémoire enregistré le 9 mai 2017, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête de M. B... A....
Il soutient qu'aucun des moyens invoqués contre les décisions en litige n'est fondé.
La demande d'aide juridictionnelle de M. B...A...a été rejetée par décision du bureau d'aide juridictionnelle par le tribunal de grande instance de Marseille le 12 septembre 2016.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Hameline a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que M. D... B...A..., de nationalité nigériane, a bénéficié d'autorisations provisoires de séjour délivrées par le préfet de l'Hérault en raison de son état de santé du 21 août 2014 au 20 février 2015, puis du 13 mai au 12 novembre 2015 ; que, par un arrêté du 13 novembre 2015, le préfet de l'Hérault a refusé sa demande de renouvellement de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel cette mesure d'éloignement pouvait être exécutée d'office ; que M. B... A...relève appel du jugement du 24 mai 2016 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;
Sur la légalité de l'arrêté du préfet de l'Hérault du 13 novembre 2015 :
En ce qui concerne le refus de titre de séjour :
2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. (...) " ;
3. Considérant que M. B... A...fait valoir que le droit au séjour qui lui avait été reconnu du 21 août 2014 au 12 novembre 2015 à raison de son état de santé devait être renouvelé ; que, toutefois, il n'établit pas qu'un défaut de prise en charge médicale entraînerait pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, ni d'ailleurs qu'il ne pourrait bénéficier d'un traitement approprié à la pathologie de fibromatose plantaire dont il souffre dans son pays d'origine, contrairement à ce qu'a estimé le médecin de l'agence régionale de santé dans son avis du 2 novembre 2015 au vu duquel le préfet de l'Hérault a pris la décision contestée et que les pièces versées aux débats ne permettent pas de remettre en cause ; qu'en particulier, le nouveau certificat médical produit par le requérant, établi le 1er février 2016 et envisageant un nouveau traitement chirurgical de la voute plantaire, est d'un contenu similaire au précédent certificat du 27 juin 2014 non suivi d'une nouvelle intervention, et n'est pas en toute hypothèse susceptible de démontrer l'exceptionnelle gravité des conséquences d'un défaut de prise en charge médicale à la date de la décision contestée ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance par le préfet des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté ;
4. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : "Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui" ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) " ;
5. Considérant que M. B... A...est arrivé en France selon ses propres déclarations en septembre 2011, soit une durée de séjour de quatre années à la date de la décision en litige, après avoir vécu jusqu'à l'âge de 24 ans au Nigéria ; qu'il est célibataire et sans charge de famille ; que s'il fait valoir qu'il a fui son pays d'origine du fait de menaces, il n'établit pas y être dépourvu de toutes attaches ; qu'il ne démontre pas davantage, en se bornant à faire valoir son apprentissage de la langue française et l'accomplissement de missions de travail temporaire en 2015 alors qu'il bénéficiait d'une autorisation provisoire de séjour, avoir établi en France le centre de ses intérêts privés et familiaux ; que, dans ces conditions, la décision en litige n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que cette décision aurait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté ;
6. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 (...) " ;
7. Considérant que M. B... A...n'établit ni par la teneur de ses écritures, ni par les pièces qu'il produit concernant notamment son état de santé que son admission au séjour à la date du 13 novembre 2015 au titre de la vie privée et familiale répondait à des considérations humanitaires ou se justifiait au regard de motifs exceptionnels, au sens des dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
8. Considérant, en quatrième lieu, que pour les mêmes motifs que ceux indiqués aux points 3 et 5, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de l'Hérault aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision de refus de titre de séjour sur la situation personnelle de M. B... A...;
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
9. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui assure de manière suffisante, contrairement à ce que soutient le requérant, la transposition de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 : " I. L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / ( ...) 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l 'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré. / (...) La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I, sans préjudice, le cas échéant, de l'indication des motifs pour lesquels il est fait application des II et III. (...) " ;
10. Considérant que, lorsqu'une obligation de quitter le territoire français assortit un refus de séjour, la motivation de cette mesure se confond avec celle du refus de titre de séjour dont elle découle nécessairement et n'implique pas, par conséquent, dès lors que ce refus est lui-même motivé, de mention spécifique ; qu'en l'espèce, la décision portant refus de titre de séjour, qui indique qu'elle est assortie d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, comporte, dans ses visas et ses motifs, les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde ; que le moyen tiré par M. B... A...de l'insuffisance de motivation de l'obligation de quitter le territoire français ne peut, dès lors, qu'être écarté ;
11. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort des termes mêmes de la décision en litige que le préfet de l'Hérault a analysé la situation particulière de M. B... A...au regard de la nécessité d'assortir la décision de refus de titre de séjour d'une obligation de quitter le territoire français en l'espèce, tant en ce qui concerne sa vie privée et familiale que la possibilité de regagner son pays d'origine ; que, par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le préfet aurait commis une erreur de droit en s'estimant à tort en situation de compétence liée pour édicter une telle obligation de quitter le territoire français ;
12. Considérant, en troisième lieu, que, pour les mêmes motifs que ceux évoqués au points 3 et 5, la mesure d'éloignement assortissant le refus de titre de séjour opposé à M. B... A... ne porte pas d'atteinte disproportionnée à la vie privée et familiale de ce dernier, et n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle, alors notamment que l'intéressé ne démontre pas être dépourvu d'attaches dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à une période récente ;
En ce qui concerne la décision fixant le délai de départ volontaire à trente jours :
13. Considérant que le délai de trente jours accordé à un étranger pour exécuter une obligation de quitter le territoire français correspond au délai de droit commun le plus long susceptible d'être accordé en application de l'article 7 de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 ; que, dans ces conditions, la fixation à trente jours du délai de départ volontaire accordé à M. B... A...n'avait pas à faire l'objet d'une motivation spécifique, dès lors notamment qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il aurait expressément demandé au préfet de l'Hérault à bénéficier d'une prolongation de ce délai, ni qu'il aurait été empêché de former une telle demande ; qu'enfin, en se bornant à alléguer, sans plus de précision, que la durée de trente jours contestée était insuffisante au regard des circonstances résultant de son état de santé et de la situation au Nigeria, le requérant n'établit pas que le préfet aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en ne lui octroyant pas un délai de départ volontaire plus long ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
14. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants " et qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l 'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 " ;
15. Considérant que M. B... A...fait état de menaces qui pèseraient sur sa vie et sa sécurité en cas de retour dans son village, et plus largement au Nigeria, et allègue avoir quitté ce pays en 2011 afin de fuir un climat de violences interconfessionnelles qui aurait entraîné le meurtre de son père, converti au christianisme, en 2010 ; que toutefois, les pièces versées au dossier ne sont pas de nature à démontrer la réalité des raisons avancées de son départ pour la France, ni celle des risques auxquels il indique être exposé en cas de retour dans son pays d'origine, alors notamment que l'office français de protection des réfugiés et apatrides le 31 août 2012 puis la Cour nationale du droit d'asile le 14 mai 2014 ont rejeté sa demande tendant au bénéfice du statut de réfugié ; que, par suite, le préfet de l'Hérault, n'a pas méconnu les stipulations et dispositions précitées par la décision en litige fixant le pays de destination ; qu'il n'a pas non plus entaché cette décision d'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressée ;
16. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. B... A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 13 novembre 2015 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé le renouvellement de son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné à l'expiration de ce délai ;
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
17. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions présentées par M. B... A...à fin d'annulation de l'arrêté du préfet de l'Hérault n'implique aucune mesure d'exécution ; qu'il y a lieu, par suite, de rejeter les conclusions présentées par l'intéressé tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet sous astreinte de lui délivrer un titre de séjour ou subsidiairement de réexaminer sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
18. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, verse la somme réclamée au titre des frais exposés et non compris dans les dépens par M. B...A..., dont la demande d'aide juridictionnelle a été rejetée par le bureau d'aide juridictionnelle du tribunal de grande instance de Marseille ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... A...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B...A..., et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera transmise au préfet de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 4 septembre 2017, où siégeaient :
- M. Bocquet, président,
- M. Marcovici, président assesseur,
- Mme Hameline, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 18 septembre 2017.
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N° 16MA02394