Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 9 janvier 2015, MmeD..., représentée par MeA..., demande à la Cour :
1°) d'annuler cette ordonnance du président de la 3ème chambre du tribunal administratif de Montpellier ;
2°) d'annuler les décisions susmentionnées du préfet de l'Hérault ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou, à défaut, de réexaminer sa demande en lui délivrant une autorisation provisoire de séjour dans un délai de huit jours ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à Me A...en application des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- l'ordonnance attaquée est entachée d'erreur de droit au regard des conditions de l'article R. 222-1 7° du code de justice administrative, dès lors que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne n'était ni inopérant ni manifestement infondé, et que les moyens tirés de l'erreur de droit du préfet et de l'erreur manifeste d'appréciation quant aux risques de méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme étaient assortis de faits susceptibles de venir à leur soutien ;
- le refus de titre de séjour est motivé de manière stéréotypée ;
- l'obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée en droit à défaut de préciser l'alinéa de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile appliquée en l'espèce ;
- le préfet a commis une erreur de fait, une erreur de droit et a refusé d'exercer sa propre compétence d'examen de sa situation au regard de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en se bornant à renvoyer à la décision de l'office français de protection des réfugiés et apatrides, laquelle se fonde sur les conditions distinctes posées par la convention de Genève relative au statut de réfugié ;
- les décisions en litige sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation eu égard à leurs conséquences sur sa situation personnelle ;
- le préfet a pris la décision fixant le pays de destination sans respecter le principe général résultant de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne en vertu duquel tout individu contre lequel il est envisagé de prendre une décision lui faisant grief a le droit d'être entendu préalablement à la prise de ladite décision, d'autant plus que l'administration a ajouté à la loi en exigeant la production d'un élément nouveau pour examiner le risque de violation de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision fixant le pays de destination est entachée d'erreur de droit dès lors que le préfet n'a pas examiné les risques qu'elle courait personnellement en cas de retour au Nigéria au regard de l'article 3 de la de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3 de la convention relative à la prévention de la torture ;
- cette décision est également entachée d'erreur d'appréciation, alors qu'elle serait exposée à des violences en cas de retour dans son pays d'origine qu'elle a fui pour éviter un mariage forcé et une excision.
Par un mémoire en défense enregistré le 23 décembre 2015, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête de MmeD....
Il soutient que :
- l'ordonnance attaquée n'est entachée d'aucune irrégularité ;
- aucun des moyens invoqués par la requérante contre ses décisions du 7 mai 2014 n'est fondé.
Un courrier du 30 novembre 2015 adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il est envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et a indiqué la date à partir de laquelle l'instruction pourra être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2.
Mme D...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 2 décembre 2014.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants adoptée à New York le 10 décembre 1984 ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la directive 2004/83/CE du 29 avril 2004 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience par un avis d'audience adressé le 5 janvier 2016 portant clôture d'instruction immédiate en application des dispositions de l'article R. 613-2 du code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Hameline a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que Mme C...D..., de nationalité nigériane, relève appel de l'ordonnance du 30 septembre 2014 par laquelle le président de la 3ème chambre du tribunal administratif de Montpellier a rejeté, en se fondant sur le 7° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 7 mai 2014 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination pour l'exécution d'office de cette mesure d'éloignement ;
Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :
2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " Les présidents de tribunal administratif et de cour administrative d'appel, le vice-président du tribunal administratif de Paris et les présidents de formation de jugement des tribunaux et des cours peuvent, par ordonnance : (...) 7° Rejeter, après l'expiration du délai de recours ou, lorsqu'un mémoire complémentaire a été annoncé, après la production de ce mémoire, les requêtes ne comportant que des moyens de légalité externe manifestement infondés, des moyens irrecevables, des moyens inopérants ou des moyens qui ne sont assortis que de faits manifestement insusceptibles de venir à leur soutien ou ne sont manifestement pas assortis des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé. (...) " ;
3. Considérant qu'à l'appui de sa demande présentée devant le tribunal administratif de Montpellier, Mme D...a notamment invoqué l'erreur de droit et l'erreur manifeste d'appréciation du préfet de l'Hérault au regard de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que le moyen tiré de ce qu'en violation des stipulations de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, elle avait été privée de son droit à être entendue avant l'édiction des décisions contestées ; que ces moyens, qui étaient assortis de faits susceptibles de venir à leur soutien et n'étaient pas dépourvus des précisions nécessaires à l'appréciation de leur bien-fondé, n'étaient ni inopérants ni irrecevables ; que, dès lors, il n'appartenait qu'au tribunal administratif statuant en formation collégiale de statuer sur la demande de Mme D...; que le président de la 3ème chambre du tribunal administratif de Montpellier ne pouvait donc rejeter la demande de l'intéressée sur le fondement des dispositions du 7° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, dès lors que les conditions exigées par cet article n'étaient pas réunies ; que, par suite, l'ordonnance attaquée est entachée d'irrégularité et doit être annulée ;
4. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme D...devant le tribunal administratif de Montpellier ;
Sur la légalité des décisions du préfet de l'Hérault du 7 mai 2014 :
En ce qui concerne le refus de titre de séjour :
5. Considérant, en premier lieu, que l'arrêté en litige mentionne les textes applicables, notamment les articles 3, 6 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la demande d'asile déposée par MmeD..., ainsi que la décision de rejet de celle-ci par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 26 novembre 2012 puis par la Cour nationale du droit d'asile le 28 mars 2014 ; qu'il mentionne également l'examen de la situation personnelle de l'intéressée au regard de son droit au séjour, de sa situation familiale et des risques courus en cas de retour dans son pays d'origine ; que le moyen tiré de l'insuffisance et du caractère stéréotypé de la motivation de la décision de refus de séjour en méconnaissance des exigences des articles 1 et 3 de la loi du 11 juillet 1979 doit, par suite, être écarté ;
6. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union. " ; qu'aux termes du paragraphe 2 de ce même article : " Ce droit comporte notamment : le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre ; (...)." ;
7. Considérant que Mme D...a été mise à même, pendant la procédure d'instruction de sa demande de titre de séjour, de présenter si elle l'estimait utile tous éléments d'information ou arguments de nature à influer sur le contenu de la décision concernant son droit au séjour en France ; que, dès lors, la procédure suivie par le préfet de l'Hérault ne portait, en tout état de cause, pas atteinte au principe fondamental du droit d'être entendu tel qu'énoncé par l'article 41 précité de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
8. Considérant, en troisième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de l'Hérault aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en n'admettant pas la requérante au séjour en France, alors que celle-ci ne fait part d'aucun élément particulier relatif aux conditions de son séjour ou à d'éventuelles attaches personnelles ou familiales sur le territoire français, susceptible d'étayer l'existence d'une telle erreur manifeste ;
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
9. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne (...), lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : ( ...) 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger (...). / La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I, sans préjudice , le cas échéant, de l'indication des motifs pour lesquels il est fait application des II et III (...) " ;
10. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que l'obligation de quitter le territoire français est dispensée d'une motivation spécifique lorsqu'elle assortit un refus de titre de séjour ; que, dans ce cas, la motivation de la décision portant obligation de quitter le territoire se confond avec celle du refus de titre de séjour dont elle découle nécessairement et n'implique pas, par conséquent, dès lors que ce refus est lui-même motivé et que les dispositions législatives qui permettent d'assortir ledit refus d'une obligation de quitter le territoire français ont été rappelées, une motivation en fait particulière ; qu'il ressort des pièces du dossier que l'arrêté en litige vise l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile permettant d'assortir ledit refus d'une obligation de quitter le territoire et que le refus de séjour comporte, ainsi qu'il a été dit au point 5, les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement ; que, dès lors, le moyen tiré du défaut de motivation de l'obligation de quitter le territoire doit être écarté ;
11. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit au point 7, la requérante a été mise en mesure, pendant la procédure d'instruction de sa demande de titre de séjour, de présenter tous éléments d'information de nature à influer sur le contenu des décisions administratives concernant non seulement son droit au séjour mais aussi son possible éloignement du territoire français ; qu'au surplus, il résulte des dispositions de l'article L. 512-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que l'autorité administrative ne pouvait procéder d'office à l'exécution d'une mesure d'éloignement avant l'expiration du délai prévu par ces dispositions, ni avant que le tribunal administratif éventuellement saisi n'ait statué, ce qui mettait l'intéressée en mesure de faire valoir son point de vue et présenter, le cas échéant, des pièces nouvelles avant que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français n'ait été susceptible de l'affecter défavorablement par une telle exécution ; qu'ainsi, le moyen tiré de l'atteinte au principe fondamental du droit d'être entendu tel qu'énoncé par l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne doit également être écarté en tant qu'il est invoqué à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français ;
12. Considérant, en outre, qu'il ressort des motifs de la décision en litige, qui précise notamment que l'intéressée ne démontre pas son impossibilité de regagner son pays d'origine, que la situation de Mme D...a fait l'objet d'un examen particulier préalablement à l'édiction de la mesure d'éloignement, contrairement à ce que soutient cette dernière, sans que le préfet de l'Hérault se soit cru lié par la décision prise par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides sur sa demande tendant au bénéfice du statut de réfugié ;
13. Considérant qu'il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que le préfet de l'Hérault aurait entaché sa décision portant obligation de quitter le territoire français d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des conséquences sur la situation personnelle de la requérante ;
14. Considérant, enfin, que les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3 de la convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants sont inopérantes à l'encontre de la mesure d'éloignement en litige, dès lors que cette décision n'a pas pour effet de fixer le pays de destination de l'étranger à qui il est fait obligation de quitter le territoire ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
15. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants : " 1. Aucun Etat partie n'expulsera, ne refoulera, ni n'extradera une personne vers un autre Etat où il y a des motifs sérieux de croire qu'elle risque d'être soumise à la torture./ 2. Pour déterminer s'il y a de tels motifs, les autorités compétentes tiendront compte de toutes les considérations pertinentes, y compris, le cas échéant, de l'existence, dans l'Etat intéressé, d'un ensemble de violations systématiques des droits de l'homme, graves, flagrantes ou massives " ; qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants " et qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l 'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. " ;
16. Considérant que Mme D...soutient être menacée de sévices en cas de retour au Nigeria dès lors qu'elle allègue avoir quitté ce pays en 2012 afin de fuir un mariage forcé souhaité par certains membres de sa famille et une perspective d'excision ; que toutefois, les pièces versées au dossier ne sont pas de nature à démontrer la réalité des raisons avancées de son départ pour la France, ni celle des risques auxquels la requérante dit être exposée en cas de retour dans son pays d'origine ; que, par suite, le préfet de l'Hérault, dont il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il se serait estimé lié par les appréciations portées par l'office français de protection des réfugiés et apatrides, n'a pas méconnu les stipulations et dispositions précitées ; qu'il n'a pas non plus entaché sa décision fixant le pays de destination d'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressée ;
17. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que les conclusions de la demande de Mme D...tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Hérault en date du 7 mai 2014 doivent être rejetées ;
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
18. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par MmeD..., n'implique aucune mesure d'exécution ; qu'il y a lieu, par suite, de rejeter les conclusions présentées par l'intéressée tendant à ce qu'il soit enjoint à l'administration de lui délivrer un titre de séjour ou de réexaminer sa situation ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
19. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de quelque somme que ce soit à MeA..., conseil de MmeD..., au titre des frais exposés et non compris dans les dépens moyennant renonciation au versement de la contribution à l'aide juridictionnelle ;
D É C I D E :
Article 1er : L'ordonnance du président de la 3ème chambre du tribunal administratif de Montpellier n° 1403599 du 30 septembre 2014 est annulée.
Article 2 : La demande présentée par Mme D...devant le tribunal administratif de Montpellier et le surplus des conclusions de sa requête d'appel sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...D..., à Me B...A...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera transmise au préfet de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 1er février 2016, où siégeaient :
- M. Bocquet, président,
- M. Pocheron, président-assesseur,
- Mme Hameline, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 22 février 2016.
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N° 15MA00089