Procédure devant la Cour :
Par une requête, un mémoire, et des pièces, enregistrés le 14 janvier 2015, le 4 août 2015 et le 2 janvier 2016, la SCI " Les Terrasses d'Oletta ", représentée par MeD..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bastia en date du 20 novembre 2014 ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. B...devant le tribunal administratif de Bastia ;
3°) de mettre à la charge de M. B...une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'arrêté du 24 octobre 2013 devant être considéré comme une nouvelle autorisation distincte de celle accordée le 7 août 2013, et ayant fait l'objet d'un affichage régulier, l'arrêté du 7 août 2013 doit être regardé comme ayant été retiré, le recours de M. B...était devenu sans objet, et irrecevable pour tardiveté à l'encontre de l'arrêté du 24 octobre 2013 ;
- la nature du projet, à savoir la construction de deux petits bâtiments en R+3, est tout à fait compatible avec l'état de l'environnement immédiat ;
- le projet est en conformité avec le plan d'occupation des sols (POS) ;
- il est prévu dans la zone U 3 du plan local d'urbanisme (PLU) de la commune une extension du village et une densification des zones s'articulant autour du bourg central, cet espace urbain devant s'inscrire dans les caractéristiques de la trame urbaine du village d'Oletta ;
- cette trame urbaine s'entend d'une trame constituée par des petits bâtiments allant jusqu'à R+4 ;
- le tribunal a confondu compatibilité avec conformité ;
- la maison individuelle n'est pas le principe mais l'accessoire ;
- la commune ayant abrogé son PLU et applique depuis le POS, elle est fondée à invoquer au cas d'espèce l'illégalité des dispositions du PLU qui ont fondé l'annulation du permis de construire ;
- la demande de dommages et intérêts ne repose sur aucun fondement légal et n'est aucunement justifiée.
Par un mémoire en défense enregistré le 24 juin 2015, M.B..., représenté par Me F..., conclut au rejet de la requête, à la condamnation solidaire de la SCI " Les Terrasses d'Oletta " et de M. E...C..., son gérant, à lui verser la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts, et que soit mise à la charge de la SCI " Les Terrasses d'Oletta " la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les deux permis de construire sont identiques, et la fin de non-recevoir doit par suite être écartée ;
- les moyens soulevés par la SCI ne sont pas fondés ;
- la présente instance nuit à sa tranquillité, à son souci de discrétion et donc à son moral, et entraîne des frais importants.
Un courrier du 26 novembre 2015 adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il est envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et a indiqué la date à partir de laquelle l'instruction pourra être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience par un avis d'audience adressé le 6 janvier 2016 portant clôture d'instruction immédiate en application des dispositions de l'article R. 613-2 du code de justice administrative.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pocheron,
- et les conclusions de M. Revert, rapporteur public.
1. Considérant que par arrêté du 17 juin 2011, le maire d'Oletta (Haute-Corse) a délivré à la SCI " Les Terrasses d'Oletta " un permis de construire deux immeubles de vingt-et-un logements au total pour une surface hors oeuvre nette de 1 450,06 m2 sur les parcelles cadastrées E 838, 839 et 843, situées au lieu-dit Lenza Longa ; que par un second arrêté du 29 juillet 2011, le maire a retiré ce permis de construire et en a délivré un nouveau, pour le même projet ; que, par jugement du 12 mars 2013, le tribunal administratif de Bastia a, à la demande de M.B..., propriétaire d'une parcelle voisine, annulé le permis de construire du 29 juillet 2011 au motif qu'il était entaché d'une erreur dans le montant de la participation du raccordement à l'égout ;que, par un arrêté du 7 août 2013, le maire d'Oletta a annulé et remplacé son arrêté du 28 juillet 2013 accordant un permis de construire deux bâtiments à usage collectif comprenant également vingt-et-un logements, mais pour une surface de plancher de 1 141 m2, à la SCI " Les Terrasses d'Oletta " ; que, par un arrêté du 24 octobre 2013, le maire a annulé et remplacé l'arrêté du 7 août 2013 ; que M. B...a introduit un recours devant le tribunal administratif de Bastia en annulation de l'arrêté du 7 août 2013, puis, par un mémoire du 21 mars 2014, il a également sollicité l'annulation de l'arrêté du 24 octobre 2013 ; que, par le jugement attaqué, en date du 20 novembre 2014, dont la SCI " Les Terrasses d'Oletta " relève appel par la présente requête, le tribunal a annulé ces deux arrêtés ;
Sur les conclusions de la SCI " Les Terrasses d'Oletta " à fin de non-lieu à statuer sur les conclusions dirigées contre l'arrêté en date du 7 août 2013 du maire d'Oletta et la fin de non-recevoir opposée par la SCI aux conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté pris par cette même autorité le 24 octobre 2013 :
2. Considérant que si la délivrance d'un nouveau permis de construire au bénéficiaire d'un précédent permis, sur le même terrain, a implicitement mais nécessairement pour effet de rapporter le permis initial, ce retrait est indivisible de la délivrance du nouveau permis ; que, par suite, les conclusions à fin d'annulation du permis initial ne deviennent sans objet du fait de la délivrance d'un nouveau permis qu'à la condition que le retrait qu'il a opéré ait acquis, à la date à laquelle le juge qui en est saisi se prononce, un caractère définitif ; que tel n'est pas le cas lorsque le nouveau permis de construire a fait l'objet d'un recours en annulation, quand bien même aucune conclusion expresse n'aurait été dirigée contre le retrait qu'il opère ;
3. Considérant qu'en l'espèce l'arrêté du 24 octobre 2013 indique expressément qu'il annule et remplace l'arrêté du 7 août 2013 ; que, cependant, cette décision de retrait du 24 octobre 2013 a également été contestée par M.B... ; que si cette contestation est intervenue dans le délai de recours contentieux, l'arrêté du 7 août 2013 n'est pas devenu définitif, et il y a lieu de statuer sur sa légalité ; que la SCI requérante oppose justement une fin de non-recevoir pour tardiveté aux conclusions de M. B...dirigées contre l'arrêté du 24 octobre 2013 ; qu'elle soutient que cet arrêté a été affiché régulièrement et se prévaut de trois constats d'huissier des 30 octobre et 2 décembre 2013, et du 2 janvier 2014, selon lesquels l'arrêté litigieux a bien été affiché du 30 octobre 2013 au 2 janvier 2014, alors que les conclusions de M. B...contre cet arrêté n'ont été présentées que le 21 mars 2014 ;
4. Considérant que, toutefois, lorsque le juge de l'excès de pouvoir est saisi par un tiers d'un recours contre une décision d'autorisation qui est remplacée, en cours d'instance, soit par une décision de portée identique, soit par une décision qui la modifie sans en altérer l'économie générale, le nouvel acte doit être notifié au tiers requérant, le délai pour le contester ne pouvant commencer à courir pour lui en l'absence d'une telle notification ; que, dans le cas d'actes où, pour l'ensemble des tiers, le déclenchement du délai de recours est subordonné à l'accomplissement de formalités de publicité particulières, la forclusion ne peut être opposée au tiers requérant en l'absence de respect de ces formalités, alors même que l'acte lui aurait par ailleurs été notifié en application de la règle qui vient d'être rappelée ;
5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que les modifications intervenues dans le contenu de l'autorisation de construire en cause ne sont relatives qu'à l'implantation des bâtiments par rapport aux limites séparatives, et à leur hauteur, réduite d'un mètre ; qu'ainsi, le nouveau permis de construire doit être regardé comme modifiant l'ancienne autorisation mais sans en altérer l'économie générale ;
6. Considérant que l'affichage de l'arrêté du 24 octobre 2013, même si le déclenchement du délai de recours contre un permis de construire est subordonné à l'accomplissement de la formalité de publicité particulière qu'est cet affichage, ne peut, en l'absence de notification du nouveau permis de construire comme dans le cas de l'espèce, être opposé au tiers requérant ; qu'en conséquence, en l'absence de notification à M.B..., tiers requérant, du nouveau permis de construire, qui, ainsi qu'il a été dit, ne modifiait pas l'économie générale du permis de construire initial, et nonobstant la circonstance que cette nouvelle autorisation a fait l'objet d'un affichage régulier du 30 octobre 2013 au 2 janvier 2014, le recours de M. B...contre l'arrêté du 24 octobre 2013, emportant décision de retrait du permis de construire du 7 août 2013, n'était pas irrecevable pour tardiveté, et le recours dirigé contre le permis de construire du 7 août 2013, qui n'était ainsi pas devenu définitif, n'avait pas perdu son objet ; que, dès lors, les conclusions sus-analysées doivent être rejetées ;
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
7. Considérant que par jugement n° 1300796 en date du 24 juin 2014, le tribunal administratif de Bastia a, sur la demande du préfet de la Haute-Corse, annulé pour excès de pouvoir la délibération du 28 mars 2013 du conseil municipal d'Oletta approuvant le plan local d'urbanisme (PLU) de cette commune en tant qu'il rendait constructibles les zones U3 de Croce et de Casteluccio d'Oletta, de Guallofino, de Guadelle, de Casteluccio d'Oletta au sud du ruisseau de Poggiole, d'Orinajo, de Nunzata, ainsi que les zones AU1 de Croce, de Vitricione et de Campiglione, de Nunzata et la zone UE de Chioso al Vescovo ; que ce jugement, qui n'a pas fait l'objet d'un appel, est ainsi passé en force de chose jugée ; que les parcelles en cause dans la présente affaire étant situées en zone U1, dans la zone " Campello/Fossi ", le PLU de la commune d'Oletta était applicable à la date des arrêtés litigieux ;
8. Considérant qu'aux termes de l'article L. 123-1 du code de l'urbanisme : " Les plans locaux d'urbanisme exposent le diagnostic établi au regard des prévisions économiques et démographiques et précisent les besoins répertoriés en matière de développement économique, d'agriculture, d'aménagement de l'espace, d'environnement, d'équilibre social de l'habitat, de commerce, de transports, d'équipements et de services. (...) Ils peuvent, en outre, comporter des orientations d'aménagement relatives à des quartiers ou à des secteurs à mettre en valeur, réhabiliter, restructurer ou aménager. Ces orientations peuvent, en cohérence avec le projet d'aménagement et de développement durable, prévoir les actions et opérations d'aménagement à mettre en oeuvre, notamment pour mettre en valeur l'environnement, les paysages, les entrées de villes et le patrimoine, lutter contre l'insalubrité, permettre le renouvellement urbain et assurer le développement de la commune. Elles peuvent prendre la forme de schémas d'aménagement et préciser les principales caractéristiques des voies et espaces publics. ", et aux termes de l'article L.123-5 du même code : " Le règlement et ses documents graphiques sont opposables à toute personne publique ou privée pour l'exécution de tous travaux, constructions, plantations, affouillements ou exhaussements des sols, pour la création de lotissements et l'ouverture des installations classées appartenant aux catégories déterminées dans le plan. Ces travaux ou opérations doivent en outre être compatibles, lorsqu'elles existent, avec les orientations d'aménagement mentionnées au troisième alinéa de l'article L. 123-1 et avec leurs documents graphiques " ;
9. Considérant qu'il ressort des orientations particulières d'aménagement du PLU d'Oletta s'agissant de l'" extension Ouest du village " concernée, que le parti d'aménagement envisagé souhaite inscrire cet espace urbain dans les caractéristiques de la trame urbaine du village d'Oletta, l'urbanisation s'effectuant sous la forme de maisons de ville, accessoirement sous la forme de résidences individuelles, un aspect de " village/rue " étant donné aux constructions alignées et groupées en petites unités, en accroche autour des voies existantes ou à créer, et les maisons de ville ouvrant leurs façades principales sur des espaces publics et la constitution d'un front bâti permettant de conforter l'effet de place ;
10. Considérant que le projet querellé consiste en la construction de deux immeubles R+3 à usage collectif d'habitations, comprenant vingt-et-un logements ; qu'il ne s'agit en conséquence pas de maisons de ville ou de constructions individuelles ; qu'en outre, ces deux immeubles, espacés l'un de l'autre ainsi que vis-à-vis de la voirie existante, ne sont pas alignés, et ne constituent pas un front bâti donnant un aspect de " village/rue " ; que le projet en cause n'est par suite pas compatible avec les orientations d'aménagement du PLU, en violation des dispositions précitées de l'article L. 123-5 du code de l'urbanisme ; que le moyen tiré de ce que ledit projet serait conforme au plan d'occupation des sols est inopérant, le PLU ayant été adopté à la date des deux arrêtés contestés ; que les allégations de la SCI " requérante selon lesquelles la trame urbaine dans laquelle s'inscrit le projet s'entend d'une trame constituée y compris pour les maisons de ville, par des petits bâtiments allant jusqu'à R+4 ne sont pas établies au vu des orientations particulières d'aménagement sus-évoquées relatives à l' " extension Ouest du village " ; que si la SCI soutient que le tribunal aurait confondu compatibilité avec conformité, les dispositions du POS venant éclairer le parti pris réel d'aménagement de la zone, ledit POS ainsi qu'il a été dit, n'était plus en vigueur à la date des arrêtés querellés, et le moyen tiré de ce que le tribunal aurait confondu compatibilité avec conformité n'est aucunement établi ; que le moyen tiré de ce que le tribunal aurait jugé que les orientations particulières d'aménagement du PLU prévoient une urbanisation par maison individuelle manque en fait, le jugement attaqué mentionnant justement que l'urbanisation préconisée se traduit sous la forme de maisons de ville ou accessoirement de maisons individuelles ;
11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SCI " Les Terrasses d'Oletta " n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande ;
Sur les dommages et intérêts réclamés par M.B... :
12. Considérant que M. B...demande la condamnation de la SCI " Les Terrasses d'Oletta " à lui verser la somme de 5 000 euros au titre des dommages et intérêts car l' " acharnement " de ladite SCI " nuirait à sa tranquillité ", " à son souci de discrétion " et " donc à son moral ", et qu'il a dû avancer des frais importants pour se défendre ; que ces conclusions doivent être analysées comme des conclusions reconventionnelles tendant à ce que la requérante soit condamnée à lui verser des dommages et intérêts pour procédure abusive ;
13. Considérant qu'en raison de la nature particulière du recours pour excès de pouvoir, des conclusions reconventionnelles tendant à ce que le requérant soit condamné à verser à une personne mise en cause des dommages intérêts pour procédure abusive ne peuvent être utilement présentées dans une instance en annulation pour excès de pouvoir ; que, par suite, les conclusions sus-analysées ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
14. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de la SCI " Les Terrasses d'Oletta " le versement de la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par M. B... et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la SCI " Les Terrasses d'Oletta " est rejetée.
Article 2 : La SCI d'Oletta versera à M. B...une somme de 2 000 (deux mille) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions de M. B...est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI " Les Terrasses d'Oletta " et à M. A... B....
Copie en sera adressée à la commune d'Oletta.
Délibéré après l'audience du 1er février 2016, où siégeaient :
- M. Bocquet, président,
- M. Pocheron, président-assesseur,
- Mme Hameline, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 22 février 2016.
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N° 15MA00147