Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 16 août 2017 et un mémoire complémentaire du 12 janvier 2018, MmeC..., représentée par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nîmes du 27 avril 2017 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 21 février 2017 du préfet du Gard ;
3°) à titre principal, d'enjoindre au préfet du Gard de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " et ce sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir ;
4°) à titre subsidiaire, d'ordonner le réexamen de sa situation dans un délai de deux mois et ce sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- le préfet ne pouvait pas utiliser la procédure accélérée, dès lors qu'il était saisi d'une demande de titre de séjour, l'obligation de quitter le territoire français relevant alors du 3° de l'article L. 511-1 qui n'est pas visé au L. 512-1 I bis ;
- la procédure irrégulière a privé la requérante des droits de la défense ;
- le tribunal ne pouvait pas instruire ce dossier à juge unique ;
- la décision en litige a été prise par défaut d'examen réel et complet de sa situation, et en méconnaissance des dispositions de l'article L. 743-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; c'est à tort que le juge de première instance a rejeté ce moyen ;
- la décision en litige est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision contestée a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- la décision en litige a été prise en violation des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sont indépendantes du dépôt d'une demande d'admission au séjour sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la fiche CARTIAS versée en annexe 4 par la préfecture du Gard démontre à la page 97 l'incapacité de l'Arménie à prendre en charge les personnes souffrant de troubles mentaux et psychiatriques ;
- la décision fixant le pays de destination a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense, enregistré à la Cour le 12 décembre 2017, et un mémoire complémentaire du 24 janvier 2018, le préfet du Gard conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme C...ne sont pas fondés.
Mme C...a été admise à l'aide juridictionnelle totale par une décision du 10 juillet 2017 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Marseille.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention relative aux droits des enfants ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Pecchioli a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Par un jugement du 27 avril 2017, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté la demande de Mme C...dirigée contre l'arrêté du 21 février 2017 par lequel le préfet du Gard a rejeté sa demande de titre de séjour avec obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixation du pays de destination. Mme C...relève appel de ce jugement.
Sur la légalité des décisions de refus de séjour et portant obligation de quitter le territoire français :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, d'une part : " I. L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application de l'article L. 743-2, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ". Le I bis de l'article L. 512-1 de ce code dispose que " L'étranger qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sur le fondement (du) 6° du I de l'article L. 511-1 et qui dispose du délai de départ volontaire (...) peut, dans un délai de quinze jours (...) demander au président du tribunal administratif l'annulation de cette décision, ainsi que l'annulation de la décision mentionnant le pays de destination (...) ".
3. La décision portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français prise à l'encontre de MmeC..., est fondée sur les dispositions précitées du 6° de l'article L. 511-1, I du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans le champ d'application duquel entre l'intéressée, qui a fait l'objet, le 30 avril 2014 d'une décision de rejet de sa demande d'asile par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), confirmée le 2 février 2015 par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA). Par la suite, sa demande d'asile a fait l'objet d'un réexamen, qui a été rejeté par une décision de l'OFPRA le 24 juin 2015, confirmée le 1er avril 2016 par la CNDA. Dans ces conditions, et alors que l'intéressée entre dans les prévisions du I bis de l'article L. 512-1, elle n'est pas fondée à soutenir que la décision serait intervenue au terme d'une procédure irrégulière et que le magistrat ne pouvait valablement statuer. C'est à bon droit que le juge désigné de première instance a écarté ce moyen.
4. En deuxième lieu, il ressort des termes même de la décision en litige, qui fait état du parcours administratif de Mme C...au titre de l'asile, des conditions de son séjour en France et d'éléments détaillés concernant sa situation familiale, que le préfet du Gard s'est prononcé après avoir procédé à un examen complet de la situation personnelle de Mme C....
5. En troisième lieu, contrairement à ce que soutient Mme C..., les dispositions de l'article L. 743-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui prévoient que " L'étranger auquel la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé ou qui ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application de l'article L. 743-2 et qui ne peut être autorisé à demeurer sur le territoire à un autre titre doit quitter le territoire français " n'ont ni pour objet, ni pour effet d'obliger l'autorité administrative à s'assurer que le demandeur d'asile débouté ne peut bénéficier d'un droit au séjour à un autre titre, en l'absence de demande en ce sens. Il ressort notamment des pièces du dossier, tant en appel qu'en première instance, que la requérante n'a pas fait de demande pour pouvoir être autorisée à demeurer sur le territoire français à un autre titre que l'asile, et ne fait pas état d'éléments nouveaux justifiant une nouvelle procédure. En tout état de cause, le préfet du Gard a vérifié que la situation familiale de Mme C... ne s'opposait pas à une mesure d'éloignement.
6. En quatrième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ", et aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
7. Mme C...a eu deux enfants, nés respectivement le 1er mars 2012 et le 29 avril 2014 d'une précédente union, avec un compatriote albanais. Si le couple est séparé, la requérante soutient que le père de ses enfants a obtenu un titre de séjour temporaire valable du 26 avril 2016 au 24 avril 2017. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le père exercerait effectivement l'autorité parentale et contribuerait à l'entretien et à l'éducation des enfants, notamment par une attestation écrite de la mère, ni par les sept photographies qui ne sont pas datées. La requérante ne fait état d'aucune circonstance sérieuse qui l'empêcherait de retourner en Arménie où elle a vécu jusqu'à l'âge de trente ans. Par ailleurs, Mme C...est prise en charge par l'aide sociale apportée par le département et ne justifie d'aucune intégration en France. Si elle soutient souffrir d'un état anxio-dépressif, cette affection pourra être prise en charge dans son pays d'origine. En tout état de cause, la requérante n'a pas présenté de demande de titre de séjour en qualité d'étranger malade devant la préfecture. Dans ces conditions, les moyens tirés des violations des stipulations précitées et d'une erreur manifeste d'appréciation commise par le préfet du Gard, quant aux conséquences de sa décision sur la situation de la requérante, ne peuvent qu'être écartés.
8. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version en vigueur à la date de la décision contestée : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : [...] 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé... ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence (...) ".
9. Mme C...soutient être suivie pour un état anxio-dépressif par une attestation du médecin en date du 22 mars 2017. Toutefois, elle n'établit aucunement avoir demandé un titre de séjour pour raison de santé ou avoir porté à la connaissance du préfet du Gard le fait qu'elle souffrait des troubles qu'elle évoque. En outre, les certificats médicaux versés au dossier n'établissent pas l'existence d'une pathologie d'une particulière gravité ni que les soins dispensés à Mme C...ne pourraient l'être aussi dans son pays d'origine. Il s'ensuit que la requérante n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté en litige a été pris en méconnaissance des dispositions précitées.
10. En sixième et dernier lieu, aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui fait l'objet d'une mesure d'éloignement est éloigné : 1° À destination du pays dont il a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu le statut de réfugié ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; 2° Ou à destination du pays qui lui a délivré un document de voyage en cours de validité ; 3° Ou à destination d'un autre pays dans lequel il est légalement admissible. Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ". Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ".
11. En première instance comme en appel, Mme C...ne produit aucun élément permettant de justifier l'existence de risques personnels. Les moyens tirés de la violation de ces stipulations et dispositions précitées manquent, dès lors, en fait et doivent être écartés.
12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, le présent arrêt n'appelle aucune mesure d'exécution. Les conclusions aux fins d'injonction, d'astreinte et celles présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme C...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...C..., à Me B...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Gard.
Délibéré après l'audience du 8 avril 2019, où siégeaient :
- M. Bocquet, président,
- M. Marcovici, président assesseur,
- M. Pecchioli, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 29 avril 2019.
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N° 17MA03606