Par un jugement n° 1801444,1803309 du 4 juin 2019, le tribunal administratif de Nice a annulé la décision du 10 janvier 2018 du recteur de l'académie de Nice et rejeté le surplus des demandes de Mme D....
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés le 6 août 2019 et le 28 août 2020, Mme D..., représentée par Me C..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 4 juin 2019 en tant qu'il a rejeté la demande d'annulation de la décision du 15 mai 2018 ;
2°) de faire droit à ses demandes en annulant la décision d'exclusion du 15 mai 2018, en ordonnant l'effacement de la sanction contestée du dossier de son fils et en condamnant l'Etat à lui verser une somme de 1 000 euros en réparation du préjudice qu'elle a subi du fait de l'illégalité de cette sanction et la même somme en sa qualité de représentante légale de son fils en réparation du préjudice subi par ce dernier du fait de cette même sanction.
3°) de mettre à la charge de l'Etat, outre les dépens, le versement de la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision contestée du 15 mai 2018 ne pouvait être prise sans que les parties ne soient convoquées à une nouvelle commission d'appel ;
- cette décision méconnaît l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'irrégularité entachant la composition de la commission d'appel, le quorum de six personnes prévu à l'article D. 511-51 du code de l'éducation n'étant pas atteint, a entaché d'irrégularité la décision du 15 mai 2018 ;
- la procédure contradictoire et le principe du droit à un procès équitable ont été méconnus dans la mesure où la commission d'appel n'a pas pris en compte les pièces qu'elle a produites en dépit de ses demandes formulées aux cours des débats ;
- la commission n'a pas tenu compte de certains éléments produits et avec son fils, ils n'ont pas été mis en mesure de prendre précisément connaissance de l'ensemble des éléments du dossier en rapport avec les griefs formulés ;
- la sanction prise par la décision du 15 mai 2018 repose sur des faits qui n'ont été constatés ni par la coordinatrice des sections sportives ni par le professeur d'éducation physique et sportive ;
- les faits de violences reprochés à son fils, en l'occurrence les " calbotes ", ne sont ni datés ni localisés et aucune menace n'a été proférée par son fils envers son entraîneur ;
- aucun des parents d'élèves concernés par ces faits n'a déposé de plainte à l'encontre de son fils ;
- l'entraîneur des U15 a admis n'avoir jamais remarqué l'existence de faits de harcèlement ou d'extorsion de la part de son fils dans son groupe ;
- son fils n'a jamais reconnu les faits de violences qui lui sont reprochés, insuffisamment caractérisés par les pièces du dossier ;
- la décision a été prise au vu de 15 témoignages défavorables sur les 45 recueillis ;
- les éléments du dossier, notamment son bulletin scolaire, démontrent que son fils n'avait pas un comportement déplacé ;
- ainsi que l'a jugé le tribunal, le grief tiré de l'atteinte à la dignité de la personne humaine envers une personne en charge de l'autorité n'est pas caractérisé ;
- la sanction infligée est disproportionnée ;
- la décision d'exclusion exécutée est à l'origine d'un préjudice moral, pour elle-même et son fils, ainsi que de troubles dans les conditions d'existence, tant pour elle-même que pour son fils justifiant l'octroi, à chacun, d'une somme de 1 000 euros.
Par un mémoire en défense enregistré le 22 juin 2020, le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- les conclusions indemnitaires de Mme D... sont irrecevables ;
- la convocation des parties à une nouvelle commission ne s'imposait pas dans la mesure où la décision contestée du 15 mai 2018 concernait la même procédure de sanction infligée le 10 janvier 2018 ;
- l'article D. 511-51 du code de l'éducation n'a pas été méconnu dès lors que la commission a émis son avis à la majorité des membres présents ;
- le principe du contradictoire a été respecté dans la mesure où les pièces produites par la requérante ont été insérées au dossier disciplinaire et où la commission académique d'appel a émis son avis après avoir entendu Mme D... ainsi que son fils ;
- les pièces 4 à 22 jointes au mémoire en défense du recteur de l'académie de Nice produit devant le tribunal administratif attestent de la gravité et de la répétition des faits reprochés justifiant la sanction d'exclusion définitive prise à l'encontre du fils de Mme D....
Par une décision en date du 25 octobre 2019 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Marseille, la demande d'aide juridictionnelle de Mme D... présentée le 26 août 2019 a été déclarée caduque.
Par ordonnance du 31 août 2020, la clôture de l'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 8 octobre 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'éducation ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme G... H..., rapporteure,
- et les conclusions de M. F... Thielé, rapporteur public.
1. E... B..., né en 2003, fils de Mme D..., a fait l'objet d'une sanction d'exclusion définitive du collège du collège du parc impérial à Nice par une décision du conseil de discipline de cet établissement du 30 novembre 2017. A la suite du recours administratif préalable obligatoire exercé par Mme D... en vertu de l'article R. 511-49 du code de l'éducation, le recteur de l'académie de Nice a, postérieurement à la séance de la commission académique d'appel qui s'est tenue le 9 janvier 2018, annulé cette décision et pris à l'encontre de l'intéressé la même sanction d'exclusion définitive du collège après avoir requalifié les faits par une décision en date du 10 janvier 2018. Par une seconde décision en date du 15 mai 2018, le recteur de l'académie de Nice a annulé sa décision du 10 janvier précédent et pris à l'encontre de l'intéressé une nouvelle sanction d'exclusion définitive du collège. Mme D... qui, en sa qualité de représentante de son fils mineur, avait saisi le tribunal administratif de demandes tendant à l'annulation des décisions en date des 10 janvier 2018 et 15 mai 2018 du recteur de l'académie de Nice et à ce qu'il soit enjoint à l'administration d'effacer la sanction en cause du dossier de l'intéressé ainsi qu'à la condamnation de l'Etat à réparer leurs préjudices respectifs subis, relève appel du jugement en tant qu'il n'a pas fait droit à sa demande d'annulation de la décision du 15 mai 2018 et d'injonction ainsi qu'à ses conclusions indemnitaires.
2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 511-49 du code de l'éducation : " Toute décision du conseil de discipline de l'établissement ou du conseil de discipline départemental peut être déférée au recteur de l'académie, dans un délai de huit jours à compter de sa notification écrite, soit par le représentant légal de l'élève, ou par ce dernier s'il est majeur, soit par le chef d'établissement. / Le recteur d'académie décide après avis d'une commission académique. ". Selon l'article D. 511-51 de ce code : " La commission académique est présidée par le recteur ou son représentant. / Elle comprend en outre cinq membres : / 1° Un directeur académique des services de l'éducation nationale agissant sur délégation du recteur d'académie ; / 2° Un chef d'établissement ; / 3° Un professeur ; / 4° Deux représentants des parents d'élèves. / Les membres autres que le président sont nommés pour deux ans par le recteur ou son représentant. / Un suppléant est nommé dans les mêmes conditions pour chacun des membres de la commission, à l'exception de son président. / Pour la désignation des représentants des parents d'élèves, le recteur recueille les propositions des associations représentées au conseil académique de l'éducation nationale ". Le deuxième alinéa de l'article D. 511-52 dispose que : " La commission émet son avis à la majorité de ses membres ". Enfin, selon l'article L. 243-4 du code des relations entre le public et l'administration : " Par dérogation à l'article L. 243-3, une mesure à caractère de sanction infligée par l'administration peut toujours être retirée. ".
3. D'une part, contrairement à ce qui est soutenu, la décision de sanction d'exclusion définitive du 15 mai 2018, qui vise l'avis de la commission académique d'appel qui s'est réunie le 9 janvier 2018, n'avait pas à être précédée de la tenue d'une nouvelle séance de la commission académique d'appel alors même que la décision du 15 mai 2018 annule celle du 10 janvier 2018, dès lors que les faits relevés et mentionnés dans ces décisions des 15 mai et 10 janvier 2018 concernent la même procédure de sanction diligentée à l'encontre du même élève sur lesquels la commission académique d'appel s'est prononcée dans sa séance du 9 janvier 2018. En outre, et en vertu des dispositions de l'article L. 243-4 du code des relations entre le public et l'administration citées au point 2, il est toujours loisible à l'administration de retirer un acte administratif infligeant une sanction. Ainsi, et contrairement à ce qui est soutenu, le recteur de l'académie de Nice pouvait, par une seconde décision en date du 15 mai 2018, annuler sa décision du 10 janvier précédent et prendre à l'encontre du jeune E... B... une nouvelle sanction d'exclusion définitive du collège.
4. D'autre part, Mme D... soutient que la composition de la commission académique d'appel, qui s'est réunie le 9 janvier 2018 à la suite de son recours administratif préalable obligatoire formé à l'encontre de la décision du 30 novembre 2017 du conseil de discipline du collège du parc impérial à Nice, était irrégulière dans la mesure où les six membres de ladite commission n'étaient pas présents. A supposer ce moyen opérant à l'encontre de la décision du 15 mai 2018, cette circonstance ne saurait toutefois constituer un vice susceptible d'entacher la régularité de la procédure suivie devant cette commission, dès lors que les dispositions du code de l'éducation, citées au point 2, ne prévoient aucun quorum et qu'il ressort des mentions du compte-rendu de séance que la commission a émis son avis à la majorité de ses quatre membres présents sur les six convoqués.
5. En deuxième lieu, si la requérante soutient que le principe du contradictoire n'aurait pas été respecté devant la commission académique d'appel et que la procédure devant cette instance aurait méconnu les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ces moyens, en tout état de cause, manquent en fait dans la mesure où, d'une part, il ressort des termes du procès-verbal de séance de ladite commission que tant son fils qu'elle-même, personnellement et par l'intermédiaire de leur conseil, ont pu faire valoir les observations orales qu'ils estimaient utiles et qu'ils ont chacun pris la parole avant la clôture des débats et, d'autre part, il ne ressort ni de ce compte-rendu, ni d'aucune autre pièce du dossier que les intéressés auraient été empêchés de faire valoir de nouveaux éléments ou de produire des documents, contrairement à ce qui est allégué. Enfin, si Mme D... soutient que la commission n'aurait pas tenu compte de certains éléments produits et qu'avec son fils, ils n'ont pas été mis en mesure de prendre précisément connaissance de l'ensemble des éléments du dossier en rapport avec les griefs formulés à l'encontre de ce dernier, elle n'assortit pas ces moyens de précisions suffisantes permettant au juge d'en apprécier le bien-fondé.
6. En troisième lieu, la décision d'exclusion définitive prononcée le 15 mai 2018 à l'encontre du fils de Mme D... était fondée sur le fait, d'une part, qu'en prononçant à l'encontre de l'entraîneur de la section sportive U15 de l'OGC Nice et professeur au collège du parc impérial les propos " j'espère qu'il meurt ", il avait tenu " des propos portant atteinte à la dignité de la personne humaine envers une personne en charge de l'autorité " et, d'autre part, que l'intéressé avait, en donnant " des claques à certains de ses camarades à plusieurs reprises au cours du premier trimestre de l'année scolaire 2017-2018 ", en proférant " des moqueries et insultes à leur encontre " ainsi qu'en exerçant " des pressions visant à leur soutirer de l'argent ", commis des faits de " violence envers des camarades de la section sportive du collège ".
7. Sont ainsi notamment reprochés à l'élève B... " des claques à certains de ses camarades à plusieurs reprises au cours du premier trimestre de l'année scolaire 2017-2018 ", " des moqueries et insultes à leur encontre " ainsi que " des pressions visant à leur soutirer de l'argent ". Il ressort de la décision contestée et des pièces du dossier que ces faits s'appuient sur quinze témoignages écrits concordants d'élèves victimes pour certains de ces agissements et témoins de ces mêmes agissements pour d'autres qui, s'il est vrai, sont rédigés de manière anonyme, sont cependant corroborés par la teneur d'une plainte déposée le 17 novembre 2017 par un professeur de ce collège et entraîneur au sein de la section U 15 de l'OGC Nice ainsi que par des témoignages du personnel enseignant ou encadrant, tels ceux datés et signés de la coordinatrice de sections sportives du collège, du professeur d'éducation physique et sportive dudit collège et directeur du centre de formation de l'OGC Nice, du responsable de la section sportive Elite dont faisait partie l'intéressé et aussi du responsable de la catégorie U15 de l'OGC Nice versés aux débats faisant état de faits de harcèlement physique et d'extorsion et, de manière plus générale, du comportement inapproprié, menaçant et parfois physiquement violent du jeune E... B... envers ses camarades collégiens. Il ressort également du procès-verbal du conseil de discipline que le jeune E..., même s'il n'était pas le seul de sa classe, a admis infliger des " calbotes " et proférer des insultes envers ses camarades de classe. Dans ce même procès-verbal, il a été rappelé qu'il avait été vu par un adulte encadrant en train d'agresser un élève à coups de pieds dans les toilettes du collège et qu'il avait alors reconnu les faits devant la conseillère principale d'orientation, ces faits non pris en compte dans le cadre de cette procédure ayant au demeurant donné lieu à sanction d'une journée d'exclusion-inclusion. Il ressort, en outre, du compte rendu de la commission académique d'appel que, s'agissant de " l'échange d'argent ", E... a admis ne pas rendre l'argent que ses camarades lui " donnaient " si on ne lui demandait pas. Si Mme D... allègue que le comportement de son fils n'a pas entraîné de poursuites pénales, cette circonstance est cependant sans incidence sur la légalité de la mesure contestée de sanction d'exclusion définitive du collège, de même que celle qu'aucun autre parent n'a déposé de plainte. Par suite, les agissements répétés du jeune E... B... dénoncés dans près d'une vingtaine de témoignages écrits concordants et dans le dépôt d'une plainte, établis, présentaient un degré de gravité suffisant pour justifier, ainsi que l'a jugé le tribunal, de la part du recteur de l'académie de Nice, la décision litigieuse d'exclusion définitive du collège du parc impérial à Nice alors même que ses bulletins scolaires ne faisaient pas état d'un comportement déplacé ou violent en classe. Il suit de là que le recteur de l'académie de Nice a pu, sans commettre d'erreur d'appréciation, eu égard au prononcé de la sanction précédente, aux conséquences de ces agissements pour les victimes et à l'atteinte portée à la discipline collective au sein du collège, décider pour ce motif qu'il convenait de confirmer la sanction prononcée initialement à l'encontre de l'intéressé par le conseil de discipline du collège sans même retenir l'autre motif tiré des propos qui lui sont imputés qui auraient été tenus à l'issue de la séance d'entraînement avec le groupe d'excellence le 10 novembre 2017 à l'encontre de son entraîneur de la section sportive U15 de l'OGC Nice et professeur au collège du parc impérial et rapportés à ce dernier par son propre fils.
8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... n'est ni fondée à demander l'annulation du jugement du tribunal administratif de Nice du 4 juin 2019 en tant qu'il a rejeté ses conclusions dirigées contre la décision du 15 mai 2018 par laquelle le recteur de l'académie de Nice a prononcé l'exclusion définitive de son fils de l'établissement, ni fondée à demander l'annulation de cette décision du 15 mai 2018. Par suite, ses conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au recteur de l'académie de Nice d'effacer ladite sanction d'exclusion du dossier de son fils doivent être également rejetées de même que celles tendant à la réparation de son préjudice moral et des troubles dans ses conditions d'existence, ainsi que celles tendant à la réparation du préjudice subi et des troubles dans ses conditions d'existence subis par son fils, lesquelles, en tout état de cause, étaient irrecevables faute d'avoir été précédées d'une demande préalable ainsi que l'a jugé le tribunal.
Sur les dépens :
9. Aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. / Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties. (...) ".
10. La présente instance n'ayant pas donné lieu à des dépens, les conclusions présentées à ce titre par Mme D... ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".
12. Ces dispositions font obstacle à ce qu'une quelconque somme soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante à la présente instance. Par suite, les conclusions présentées à ce titre par Mme D... doivent être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... D... et au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports.
Copie en sera adressée au recteur de l'académie de Nice.
Délibéré après l'audience du 23 novembre 2020, où siégeaient :
- M. Guy Fédou, président,
- Mme G... H..., présidente assesseure,
- M. Philippe Grimaud, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 décembre 2020.
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N° 19MA03714