Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 14 février 2020, Mme B... veuve A..., représentée par Me C..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes du 8 octobre 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Gard du 3 mai 2019 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Gard de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat, outre les dépens, le versement de la somme de 1 500 euros à Me C... au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier dès lors qu'il n'a visé ni le mémoire ni les pièces complémentaires produites devant le tribunal le 10 septembre 2019 qui ne sont pas reprises dans cette décision ;
- le refus de séjour attaqué méconnaît l'article 6-7 de l'accord franco-algérien, son état de santé nécessitant un suivi médical en France en l'absence de traitement approprié disponible en Algérie ;
- l'obligation de quitter le territoire français est illégale du fait de l'illégalité entachant le refus de séjour ;
- cette décision méconnait l'article L. 511-4 10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans la mesure où elle ne pourra pas bénéficier d'un suivi adapté à sa pathologie en Algérie ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'elle réside en France régulièrement depuis son entrée sur le territoire national et qu'elle vit aux côtés de son fils et de l'épouse de ce dernier ;
- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences du refus de séjour contesté sur sa situation personnelle.
Par un mémoire en défense enregistré le 29 juin 2020, le préfet du Gard conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme B... veuve A... ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 30 juin 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 21 août 2020.
Mme B... veuve A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 novembre 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique, le rapport de Mme D... E..., rapporteure.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... veuve A..., ressortissante algérienne née en 1948, est entrée pour la première fois en France le 17 juin 2016. Elle a sollicité le 9 novembre 2018 le renouvellement de son titre de séjour en qualité d'étranger malade valable du 20 novembre 2017 au 19 novembre 2018. Mme B... veuve A... relève appel du jugement du 8 octobre 2019 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 3 mai 2019 du préfet du Gard lui refusant la délivrance du titre de séjour sollicité et l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de 30 jours en fixant le pays de destination.
Sur la régularité du jugement :
2. Aux termes de l'article R. 741-2 du code de justice administrative : " La décision mentionne que l'audience a été publique, sauf s'il a été fait application des dispositions de l'article L. 731-1. Dans ce dernier cas, il est mentionné que l'audience a eu lieu ou s'est poursuivie hors la présence du public. / Elle contient le nom des parties, l'analyse des conclusions et mémoires ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application. (...) ".
3. Il résulte de l'examen du jugement attaqué que celui-ci a omis de viser le mémoire complémentaire présenté le 10 septembre 2019 par la requérante, en réponse au mémoire présenté le 5 août précédent par le préfet du Gard qui a présenté un mémoire le 13 septembre suivant, et n'y a pas répondu. Par suite, Mme B... veuve A... est fondée à soutenir que le jugement du 8 octobre 2019 du tribunal administratif de Nîmes est entaché d'irrégularité et à en demander l'annulation.
4. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme B... veuve A... devant le tribunal administratif de Nîmes.
Sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté 3 mai 2019 :
En ce qui concerne la décision de refus de séjour :
5. En premier lieu, par un arrêté n° 30-2018-08-27-003 du 27 août 2018, régulièrement publié au recueil des actes administratifs spécial de l'Etat dans ce département n° 30-2018-113 du même jour, le préfet du Gard a donné délégation à M. François Lalanne, secrétaire général de la préfecture, à l'effet de signer tous arrêtés, décisions, circulaires, rapports, correspondances et documents relevant des attributions de l'Etat dans le département du Gard, à l'exception de certaines matières au nombre desquelles ne figurent pas les décisions attaquées. Le moyen tiré de l'incompétence du signataire des décisions en litige doit donc être écarté.
6. En second lieu, en application des stipulations de l'article 6 de l'accord franco-algérien susvisé : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : / (...) / 7. Au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays (...) ". Aux termes de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicable aux ressortissants algériens en l'absence de stipulations particulières de l'accord franco-algérien relatives à l'instruction d'une demande de certificat de résidence pour raisons de santé : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration./ L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé./ Les orientations générales mentionnées à la quatrième phrase du 11° de l'article L. 313-11 sont fixées par arrêté du ministre chargé de la santé. ".
7. Il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un titre de séjour à un ressortissant algérien qui en fait la demande au titre des stipulations du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien précité, de vérifier, au vu de l'avis mentionné à l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précité, que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans son pays d'origine. Lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine. Si de telles possibilités existent mais que l'étranger fait valoir qu'il ne peut pas en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à l'ensemble de la population, eu égard notamment au coût du traitement ou à l'absence de mode de prise en charge adapté, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine.
8. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif saisi de l'affaire, au vu des pièces du dossier et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas bénéficier effectivement d'un traitement approprié, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi et la possibilité d'en bénéficier effectivement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
9. La décision attaquée a été prise après avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) du 2 avril 2019, qui a estimé que l'état de santé de Mme B... veuve A... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais qu'il existe un traitement approprié dans son pays d'origine et que son état de santé lui permet de voyager sans risque. Mme B... veuve A... soutient, en se fondant sur des certificats médicaux en date des 10 juin 2019, 28 juin 2019 et 2 juillet 2019, d'une part, que son état de santé nécessite des contrôles réguliers en France pour une " réintervention ", d'autre part, que la prise en charge de sa pathologie requiert une surveillance spécialisée et, enfin, que le traitement endovasculaire n'est pas possible dans son pays d'origine. Elle verse, en outre, divers comptes rendus d'hospitalisation ou d'actes médicaux datés des 12, 13 et 18 juillet 2016, 3 juillet 2017, 5, 23, 27 et 28 février 2018, 9, 18, 19 et 20 octobre 2018, 19 décembre 2018. Toutefois, ces certificats médicaux se bornent à affirmer que le traitement nécessité par sa pathologie n'est pas disponible en Algérie sans justification ni documentation. D'autre part, si le dernier compte rendu d'hospitalisation établi le 19 décembre 2018 mentionne que l'intéressée a consulté le service des urgences pour le même motif à plusieurs reprises depuis le mois d'octobre 2018, il précise également que les examens alors réalisés, qui n'ont pas permis de relever d'élément particulier, n'ont pas conduit à une modification du traitement précédemment prescrit. Dans ces conditions, les pièces médicales versées aux débats ne sont de nature ni à remettre en cause l'appréciation portée dans l'avis émis par le collège de médecins de l'OFII et par le préfet du Gard, ni à établir qu'elle ne pourra pas bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé dans son pays d'origine. Mme B... veuve A... ne justifie pas non plus être dans l'impossibilité d'accéder aux soins qui lui sont nécessaires en Algérie, où elle n'est pas isolée du fait de la présence de plusieurs de ses enfants, ni ne pas pouvoir bénéficier du système d'assurance sociale. Enfin, l'intéressée n'avance aucun élément permettant de démontrer qu'elle ne serait pas en mesure de supporter un voyage sans risque en Algérie. Dès lors, en refusant de délivrer un titre de séjour à Mme B... veuve A... en qualité d'étranger malade, le préfet du Gard n'a pas méconnu les stipulations précitées du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien. Il n'a pas non plus, pour les mêmes motifs et au vu des mêmes éléments du dossier, entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
10. En premier lieu, il résulte de ce qui vient d'être dit que Mme B... veuve A... ne saurait exciper de l'illégalité du refus de séjour à l'encontre de la mesure d'éloignement qu'elle conteste.
11. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français :/ (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ".
12. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 9 s'agissant de la décision de refus de séjour, Mme B... veuve A... n'est pas fondée à soutenir que la décision attaquée aurait été prise en méconnaissance des dispositions précitées du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
13. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
14. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... veuve A... est entrée en France le 17 juin 2016, à l'âge de 68 ans. Si elle se prévaut de la régularité de son séjour sur le territoire du 1er février 2017 au 19 novembre 2018, elle était cependant présente en France depuis moins de trois ans à la date de la décision attaquée. Si l'intéressée fait état de la présence sur le territoire national de l'un de ses sept enfants, elle ne conteste cependant pas le caractère irrégulier du séjour de celui-ci ainsi que de celui de son épouse. En outre, elle n'établit pas qu'elle serait isolée dans son pays d'origine où elle a vécu jusqu'à l'âge de 68 ans et où vivent ses six autres enfants. Ainsi, le préfet du Gard n'a pas, en l'obligeant à quitter le territoire français, porté une atteinte disproportionnée au droit de Mme B... veuve A... au respect de sa vie privée et familiale. Dès lors, il n'a pas méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Le préfet du Gard n'a pas non plus, pour les mêmes motifs, entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle.
15. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... veuve A... n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 3 mai 2019 du préfet du Gard. Les conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 présentées devant le tribunal administratif doivent, par voie de conséquence, être rejetées. Il n'y a pas davantage lieu de faire droit aux conclusions présentées par Mme B... veuve A... au titre du même article 37 de la loi du 10 juillet 199 devant la cour administrative d'appel de Marseille. La présente instance n'ayant pas donné lieu à des dépens, les conclusions présentées par Mme B... veuve A... sur le fondement de l'article R. 761-1du code de justice administrative doivent être également rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : : Le jugement n° 1902408 du tribunal administratif de Nîmes du 8 octobre 2019 est annulé.
Article 2 : La demande de Mme B... veuve A... présentée devant le tribunal administratif de Nîmes est rejetée.
Article 3 : Le surplus des conclusions d'appel de Mme B... veuve A... est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F... B... veuve A..., au ministre de l'intérieur et à Me C....
Copie en sera adressée au préfet du Gard.
Délibéré après l'audience du 23 novembre 2020, où siégeaient :
- M. Guy Fédou, président,
- Mme D... E..., présidente assesseure,
- M. Philippe Grimaud, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 décembre 2020.
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N° 20MA00692