Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 17 février et 28 septembre 2020, M. B... A..., représenté par Me E..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 19 septembre 2019 en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation des décisions du 8 mars 2019 par lesquelles le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et lui a accordé un délai de départ volontaire de trente jours ;
2°) d'annuler ces trois décisions du 8 mars 2019 ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à venir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, subsidiairement, de procéder au réexamen de sa demande dans le même délai et sous la même astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement, à son conseil, de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la décision de refus de titre de séjour et la mesure d'éloignement auraient dû être précédées de la consultation de la commission du titre de séjour en application de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- ces décisions méconnaissent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et le préfet a commis une erreur de fait en ce qui concerne la réalité de sa vie commune avec sa concubine ;
- elles sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît le 2° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- compte tenu de la naissance de sa fille, l'exécution de cette mesure d'éloignement méconnaîtrait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que le paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
Par un mémoire en défense enregistré le 11 mai 2020, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.
Il indique s'en remettre à son mémoire de première instance.
M. B... A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 novembre 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. D...,
- et les observations de Me E..., représentant M. B... A....
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A..., ressortissant comorien né en 1994, est entré régulièrement en France métropolitaine au cours du mois de novembre 2015 afin d'y poursuivre des études supérieures. Il a sollicité, le 11 décembre 2018, la délivrance d'un titre de séjour. Par un arrêté du 8 mars 2019, le préfet de l'Hérault a rejeté sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français, lui a accordé un délai de départ volontaire de trente jours et a fixé le pays de destination. Par un jugement du 19 septembre 2019, le tribunal administratif de Montpellier a annulé cet arrêté en tant uniquement qu'il désigne Mayotte comme territoire à destination duquel il pourra être éloigné d'office. M. B... A... relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation des décisions du 8 mars 2019 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français et lui accordant un délai de départ volontaire de trente jours.
2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) ".
3. Il ressort des pièces du dossier que M. B... A... est arrivé en 2002 à Mayotte où il a effectué l'ensemble de sa scolarité primaire et secondaire. L'intéressé, qui est entré régulièrement en France métropolitaine au cours du mois de novembre 2015 et a bénéficié d'une carte de séjour temporaire portant la mention " étudiant " dont il n'a pas sollicité le renouvellement, a noué, au cours de l'année 2017, une relation avec une ressortissante française résidant dans le département de l'Hérault. Un enfant, issu de leur union, est d'ailleurs né postérieurement à la décision attaquée. Il ne ressort pas des pièces versées aux débats que M. B... A..., dont le père et les membres de la fratrie résident à Mayotte, aurait conservé des liens privés et familiaux intenses dans son pays d'origine qu'il a quitté très jeune. Dans les circonstances particulières de l'espèce, compte tenu en particulier de la durée du séjour de M. B... A... tant à Mayotte qu'en métropole ainsi que des attaches privées et familiales dont il dispose sur le territoire français, la décision de refus de titre de séjour en litige a porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels elle a été prise et a ainsi méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il suit de là que l'appelant est fondé à demander l'annulation de cette décision de refus de titre de séjour ainsi que, par voie de conséquence, celle des décisions, également contenues dans l'arrêté du préfet de l'Hérault du 8 mars 2019, lui faisant obligation de quitter le territoire français et lui accordant un délai de départ volontaire de trente jours.
4. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, M. B... A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'article 2 du jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté le surplus de ses conclusions.
5. Eu égard au motif d'annulation retenu, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement qu'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " soit délivrée à l'intéressé. Il y a lieu d'enjoindre au préfet de l'Hérault de délivrer ce titre de séjour à M. B... A... dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. En revanche, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
6. M. B... A... ayant été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me E..., avocat de M. B... A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à cet avocat de la somme de 1 500 euros.
D É C I D E :
Article 1er : L'article 2 du jugement du tribunal administratif de Montpellier du 19 septembre 2019 est annulé.
Article 2 : Les décisions du 8 mars 2019 par lesquelles le préfet de l'Hérault a refusé de délivrer un titre de séjour à M. B... A..., lui a fait obligation de quitter le territoire français et lui a accordé un délai de départ volontaire de trente jours sont annulées.
Article 3 : Il est enjoint au préfet de l'Hérault de délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " à M. B... A... dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à Me E... la somme de 1 500 euros en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cet avocat renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... A... est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... B... A..., au ministre de l'intérieur et à Me E....
Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault et au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Montpellier.
Délibéré après l'audience du 24 novembre 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Chazan, président,
- Mme C..., présidente assesseure,
- M. D..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 décembre 2020.
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N° 20MA00819