Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 17 décembre 2020, M. B..., représenté par Me D..., demande à la Cour :
1°) d'annuler cette ordonnance de la présidente de la 7ème chambre du tribunal administratif de Marseille ;
2°) d'annuler l'arrêté du 3 septembre 2020 du préfet des Bouches-du-Rhône ;
3°) à titre principal, d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard sur le fondement des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative ;
4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de procéder à un nouvel examen de sa demande dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir sur le fondement des dispositions de l'article L. 911-2 du code de justice administrative et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour valable le temps de ce réexamen ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros au titre de article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision de refus de séjour est entachée de vice de procédure car la commission du titre de séjour n'a pas été saisie ;
- cette décision méconnaît les stipulations du 1° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- cette décision méconnaît les stipulations du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- cette décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- l'obligation de quitter le territoire français est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;
- l'interdiction de retour sur le territoire français est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;
- cette décision est entachée d'erreur d'appréciation.
La requête de M. B... a été communiquée au préfet des Bouches-du-Rhône, qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. C... Grimaud, rapporteur, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Entré en France en 1992 selon ses déclarations, M. B..., né le 8 janvier 1964 et de nationalité algérienne, a demandé, le 28 juin 2019, l'octroi d'un certificat de résidence d'un an sur le fondement des stipulations du 1° et du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Le 3 septembre 2020, le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté cette demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée d'un an. M. B... ayant demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler cet arrêté, la présidente de la 7ème chambre de cette juridiction a rejeté cette demande par une ordonnance du 17 novembre 2020, rendue sur le fondement des dispositions du 7° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative.
Sur le bien-fondé de l'ordonnance attaquée :
En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, aux termes des stipulations de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : / 1) au ressortissant algérien, qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans ou plus de quinze ans si, au cours de cette période, il a séjourné en qualité d'étudiant (...).".
3. M. B... produit, pour chacune des années 2010 à 2013 incluses, d'une part, une attestation établie par le Dr Belmondo plusieurs années après les faits et énumérant des rendez-vous médicaux dont aucune autre pièce ne vient corroborer la réalité et, d'autre part, quelques certificats médicaux et ordonnances émanant d'autres praticiens. Par ailleurs, si le requérant fait état d'attestations établies par des professionnels de santé ou des collègues affirmant qu'il résidait en France entre 2008 et 2013 et assistait sa mère au cours de cette période, ces dernières pièces sont insusceptibles, eu égard à l'imprécision de leurs termes et à leur faible valeur probante, de pallier le caractère lacunaire des autres pièces produites par M. B..., qui permettent seulement de regarder sa présence en France comme établie de manière ponctuelle au cours de ces années. Dès lors, en estimant que M. B... ne pouvait se prévaloir des stipulations du 1° de l'article 6 de l'accord francoalgérien du 27 décembre 1968, le préfet n'a pas méconnu ces stipulations.
4. En deuxième lieu, aux termes du paragraphe 5 de l'article 6 de l'accord francoalgérien du 27 décembre 1968 : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / (...) 5°) Au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familiale, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée
au regard des motifs du refus. ". Aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bienêtre économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
5. Si M. B... fait valoir qu'il réside en France depuis 1992 et qu'il y dispose d'attaches, il ressort toutefois des pièces du dossier qu'il n'a quitté l'Algérie qu'à l'âge de vingt-huit ans au plus tôt, après avoir y avoir vécu toute son existence, et y dispose nécessairement d'attaches sociales, alors qu'il ne démontre l'existence d'aucun lien familial proche en France. Par ailleurs, ainsi qu'il vient d'être dit, le requérant n'établit pas le caractère continu de son séjour en France avant l'année 2014. M. B... ne justifie pas davantage d'une insertion professionnelle ou sociale significative en France. Dans ces conditions, le préfet des BouchesduRhône n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels l'arrêté contesté a été pris. Les moyens tirés de la violation des stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de celles du 5° de l'article 6 de l'accord francoalgérien doivent, par suite, être écartés ainsi que, pour les mêmes motifs, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation.
6. En dernier lieu, en vertu de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la commission du titre de séjour " est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12 (...). ". Aux termes de l'article L. 31314 de ce code : " L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 3121 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans. ".
7. D'une part, il résulte des dispositions de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le préfet est tenu de saisir la commission du cas des seuls étrangers qui, indépendamment de la condition de résidence de dix ans évoquée par l'article L. 313-14 de ce code, remplissent effectivement les conditions pour se voir délivrer le titre de séjour sollicité et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent de ces dispositions. Il résulte de ce qui a été précédemment exposé que, M. B... n'étant pas au nombre des étrangers pouvant obtenir de plein droit un titre de séjour en application des dispositions qu'il invoque, le préfet n'était pas tenu, en application de l'article L. 312-2 précité, de soumettre son cas à la commission du titre de séjour avant de rejeter sa demande.
8. D'autre part, M. B... ne justifiant pas résider en France habituellement depuis plus de dix ans, le préfet n'était pas davantage tenu de saisir la commission du titre de séjour pour ce motif avant de lui refuser la délivrance d'un certificat de résidence.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
9. Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que la décision de refus de séjour opposée à M. B... n'est pas entachée des illégalités qu'il allègue. Dès lors, il n'est pas fondé à invoquer son illégalité par voie d'exception à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français.
En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français :
10. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que l'obligation de quitter le territoire français édictée à l'encontre de M. B... n'est pas entachée des illégalités qu'il allègue. Dès lors, il n'est pas fondé à invoquer son illégalité par voie d'exception à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'interdiction de retour sur le territoire français.
11. En deuxième lieu, aux termes des dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. / (...) Lorsqu'elle ne se trouve pas en présence du cas prévu au premier alinéa du présent III, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée maximale de deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français.".
12. Ainsi qu'il a été dit ci-dessus, il ressort des pièces du dossier que M. B... résidait en France de manière habituelle depuis sept ans environ à la date de la décision. Toutefois, il n'y a tissé que des liens limités et, notamment, il n'y a aucune attache familiale. Par ailleurs, l'intéressé a été l'objet de deux obligations de quitter le territoire français les 1er décembre 2014 et 15 mai 2017, qu'il n'a pas exécutées. Dans ces conditions, M. B... n'est pas fondé à soutenir que le préfet des Bouches-du-Rhône a méconnu les dispositions précitées ou en a fait une inexacte application en lui interdisant le retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que la présidente de la 7ème chambre du tribunal administratif de Marseille a, par son ordonnance, rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 3 septembre 2020. Sa requête doit dès lors être rejetée.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
14. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par M. B..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent qu'être également rejetées.
Sur les frais liés au litige :
15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative s'opposent à ce que la somme réclamée par M. B... sur leur fondement soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 15 mars 2021, où siégeaient :
- M. Guy Fédou, président,
- Mme Christine Massé-Degois, présidente assesseure,
- M. C... Grimaud, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 29 mars 2021.
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N° 20MA04691
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