Procédure devant la cour :
Par une requête et deux mémoires, enregistrés le 4 février, le 13 février et le 26 mai 2014, Mme E... et M. E..., représentés par Me C..., demandent à la cour, dans le dernier état de leurs écritures :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 12 décembre 2013 ;
2°) d'annuler la décision du ministre de l'éducation nationale du 1er février 2011 rejetant leur demande indemnitaire ;
3°) de condamner l'Etat (ministère de l'éducation nationale) à leur verser chacun la somme de 25 000 euros en réparation de leur préjudice moral ;
4°) de mettre la somme de 3 000 euros à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- lors d'une sortie scolaire le 29 mars 2007, leur frère a été frappé par la foudre ;
- la responsabilité de l'Etat est engagée pour faute du fait du choix d'un site notoirement exposé à la foudre ;
- les organisateurs, qui étaient informés de l'existence de ce risque, ont manqué à leur obligation de précaution et de surveillance en demandant à leur frère d'aller ramasser du bois à l'extérieur alors qu'une averse s'était déclenchée ;
- les fautes ainsi commises ont un lien de causalité directe avec les préjudices qu'ils subissent ;
- ils justifient d'un préjudice moral du fait du lourd handicap dont souffre leur frère.
Par un mémoire en défense, enregistré le 30 janvier 2015, le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- la juridiction administrative est incompétente pour statuer sur le présent litige, s'agissant d'un accident survenu lors d'une sortie organisée par l'association sportive de l'établissement ;
- les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.
La procédure a été communiquée le 12 mai 2015 à la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône.
Par courrier du 20 octobre 2015, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, de la date ou de la période à laquelle il est envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et de la date à partir de laquelle l'instruction pourra être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2.
Une mise en demeure de produire ses observations a été adressée le 17 septembre 2015 à la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'éducation nationale ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative.
Le président de la cour a désigné M. Laurent Marcovici, président assesseur, pour présider les formations de jugement en cas d'absence ou d'empêchement de M. Moussaron, président de la 6e chambre en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Héry,
- les conclusions de M. Thiele, rapporteur public,
- et les observations de Me C..., représentant les requérants.
1. Considérant que le 29 mars 2007, alors qu'il participait à une sortie en VTT organisée par l'association sportive de son collège, le jeune A...E..., âgé de 13 ans, a été frappé par la foudre ; que Mme D... E...et M. B... E..., ses soeur et frère, relèvent appel du jugement du 12 décembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande tendant à voir reconnaître la responsabilité de l'Etat dans la survenance de cet accident et l'indemnisation de leur préjudice moral ;
Sur la compétence de la juridiction administrative :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-4 du code de l'éducation : " Dans tous les cas où la responsabilité des membres de l'enseignement public se trouve engagée à la suite ou à l'occasion d'un fait dommageable commis, soit par les élèves ou les étudiants qui leur sont confiés à raison de leurs fonctions, soit au détriment de ces élèves ou de ces étudiants dans les mêmes conditions, la responsabilité de l'Etat est substituée à celle desdits membres de l'enseignement qui ne peuvent jamais être mis en cause devant les tribunaux civils par la victime ou ses représentants./ Il en est ainsi toutes les fois que, pendant la scolarité ou en dehors de la scolarité, dans un but d'enseignement ou d'éducation physique, non interdit par les règlements, les élèves et les étudiants confiés ainsi aux membres de l'enseignement public se trouvent sous la surveillance de ces derniers. (...)/ L'action en responsabilité exercée par la victime, ses parents ou ses ayants droit, intentée contre l'Etat, ainsi responsable du dommage, est portée devant le tribunal de l'ordre judiciaire du lieu où le dommage a été causé et dirigée contre le représentant de l'Etat dans le département (...) " ;
3. Considérant, d'une part, que l'accident dont a été victime A...E...est survenu alors qu'il effectuait une sortie en VTT de plusieurs jours organisée en partie sur le temps scolaire par le collège Simone de Beauvoir de Vitrolles ; que cette sortie était placée sous la responsabilité d'un professeur d'éducation physique et sportive, qui avait été autorisé à cet effet par le principal de l'établissement ; que ce dernier a également signé les ordres de mission des adultes accompagnateurs, en précisant qu'ils avaient le statut de collaborateurs occasionnels du service public ; que, dans ces conditions, la responsabilité de l'Etat peut être recherchée si une faute peut lui être imputée dans l'organisation ou le fonctionnement du service public de l'enseignement ; que, par suite, la juridiction administrative est compétente pour statuer sur la responsabilité de l'Etat pour faute dans l'organisation de cette sortie ;
Sur la responsabilité :
4. Considérant, d'autre part, que les requérants recherchent la responsabilité de l'Etat pour faute de surveillance, en soutenant que le fait pour le professeur d'éducation physique et sportive de demander aux enfants d'aller chercher du bois alors qu'il commençait à pleuvoir, sans leur demander de ne pas s'éloigner et sans assurer leur surveillance est constitutif d'une faute ; que la faute ainsi alléguée ne trouve pas son origine dans un défaut d'organisation du service public de l'enseignement mais dans des négligences ou un défaut de surveillance qui serait imputable au professeur ; qu'en application des dispositions susmentionnées de l'article L. 911-4 du code de l'éducation, la juridiction administrative n'est pas compétente pour statuer sur ce point ; que le moyen tiré du défaut de surveillance ne peut dès lors qu'être écarté ;
5. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le 29 mars 2007 à 16 heures, le groupe, composé de 9 enfants et 3 adultes, est arrivé à l'ermitage de Saint-Jean-du-Puy, situé sur le territoire de la commune de Trets, à 658 mètres d'altitude ; que les adultes ont proposé aux enfants de ramasser du bois pour allumer un feu dans le refuge où ils devaient passer la nuit ; que la foudre a touché peu de temps après trois personnes dont le jeuneA..., qui a été retrouvé seul et inanimé à une centaine de mètres du refuge, sur un sentier se trouvant sur une paroi rocheuse ;
6. Considérant que les requérants soutiennent que ce lieu n'aurait pas dû être retenu par les organisateurs, dans la mesure où il présentait un risque, comme étant fréquemment frappé par les orages ; que s'ils produisent plusieurs témoignages faisant état de ce que la foudre frappe régulièrement cet endroit, ces témoignages ne permettent pas d'établir que le site serait particulièrement touché par les phénomènes orageux, la commune étant classée 2 028ème dans le classement des villes exposées aux orages comme ne connaissant, en moyenne, que quatorze jours d'orage par an ; qu'il résulte en outre de l'instruction que l'organisateur avait pris soin de se renseigner sur les conditions météorologiques avant la sortie ; que, par suite, le choix de ce site ne saurait être constitutif d'une faute dans l'organisation du service public de l'enseignement de nature à engager la responsabilité de l'Etat ;
7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la demande et les conclusions d'appel des requérants doivent être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions des requérants, parties perdantes dans la présente instance.
D É C I D E :
Article 1er : La requête susvisée de M. E... et de Mme E... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D...E..., à M. B... E..., à la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône et au ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Délibéré après l'audience du 25 janvier 2016, où siégeaient :
- M. Marcovici, président,
- Mme Héry, premier conseiller,
- M. Ouillon, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 1er mars 2016.
''
''
''
''
2
N° 14MA00536