Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 3 octobre 2018, Mme C..., représentée par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Gard du 24 juillet 2018 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Gard de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, sur le fondement de l'article L. 911-1 du code de justice administrative ;
4°) à défaut, d'enjoindre au préfet du Gard de réexaminer sa demande dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, sur le fondement de l'article L. 911-1 du code de justice administrative ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros à Me B... au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- le jugement est insuffisamment motivé car le premier juge n'a pas statué sur le moyen tiré de l'irrégularité de l'avis médical de l'office français de l'intégration et de l'immigration ;
- il n'est pas possible d'apprécier si l'avis rendu par le collège de médecins de l'office français de l'immigration et de l'intégration a été rendu sur le fondement du rapport médical exigé par les dispositions de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il n'est pas possible de vérifier si le médecin qui a rédigé le rapport a ou non siégé au sein du collège médical ;
- il n'est pas possible de s'assurer que l'avis rendu par le collège de médecins respecte les prescriptions de l'article 3 et de l'annexe II C de l'arrêté du 5 janvier 2017 ;
- en refusant de l'admettre au séjour, le préfet a fait une inexacte application du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'obligation de quitter le territoire français méconnaît les dispositions de l'article R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'obligation de quitter le territoire français méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- cette mesure méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision de refus de séjour ;
- les décisions fixant le délai de départ volontaire et le pays de destination sont illégales par voie de conséquence de l'illégalité de la décision de l'obligation de quitter le territoire français.
Par un mémoire en défense enregistré le 6 mars 2019, le préfet du Gard conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme C... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. A... Grimaud, rapporteur, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Entrée pour la première fois en France en septembre 2016, Mme C..., ressortissante albanaise née le 21 juillet 1990 y a sollicité le bénéfice du statut de réfugié le mois suivant. Elle a ensuite demandé, le 12 janvier 2018, un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 24 juillet 2018, le préfet du Gard a rejeté cette demande de titre de séjour, constaté le rejet de la demande d'asile de la requérante par la cour nationale du droit d'asile le 31 octobre 2017 et refusé par voie de conséquence l'octroi à Mme C... d'une carte de résident sur le fondement du 8° de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il a par, le même arrêté, prescrit l'éloignement de l'intéressée sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes des dispositions de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".
3. Le jugement attaqué a rejeté la demande de Mme C... sans répondre au moyen, qui n'était pas inopérant, tiré de l'irrégularité de l'avis rendu par le collège de médecins de l'office français de l'immigration et de l'intégration, qu'elle avait soulevé dans son mémoire complémentaire enregistré le 20 août 2018 au greffe du Tribunal, mémoire qui n'a d'ailleurs pas été visé par le premier juge. Mme C... est dès lors fondée à soutenir que le jugement est entaché d'irrégularité et doit pour cette raison être annulé.
4. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande de Mme C....
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne la décision de refus de séjour :
5. En premier lieu, Mme C... soutient qu'il serait impossible de vérifier que l'avis rendu par le collège de médecins de l'office français de l'immigration et de l'intégration a été rendu sur le fondement du rapport médical exigé par les dispositions de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que le médecin ayant rédigé le rapport n'a pas siégé au sein du collège médical et que l'avis rendu par le collège de médecins respecte les prescriptions de l'article 3 et de l'annexe II C de l'arrêté du 5 janvier 2017. Il ressort toutefois des pièces du dossier, et notamment des pièces produites devant la Cour par le préfet du Gard, que le rapport médical en cause a été transmis le 29 mai 2018 au collège de médecins, lequel ne comprenait pas l'auteur de ce rapport parmi ses membres et a émis, après en avoir délibéré, un avis respectant les dispositions de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par ailleurs, il ne ressort ni des pièces du dossier ni de la rédaction de l'avis du collège de médecins que celui-ci n'aurait pas pris en compte les éléments d'appréciation énumérés par l'article 3 de l'arrêté du 5 janvier 2017 et le C de l'annexe II de cet arrêté. Le moyen tiré du vice de procédure doit dès lors être écarté.
6. En deuxième lieu, si Mme C... fait valoir que l'arrêté est entaché d'erreur de fait en ce qui concerne la durée de sa vie en Albanie, elle ne l'établit par aucun commencement sérieux de preuve. Ce moyen doit donc être écarté.
7. En troisième lieu, en vertu des dispositions de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé (...) ".
8. Si Mme C... fait valoir que la pathologie dont elle souffre ne pourrait être soignée de manière adéquate en Albanie, il ressort de l'avis rendu le 30 juin 2018 par le collège de médecins de l'office français de l'immigration et de l'intégration que les soins appropriés peuvent lui être prodigués dans ce pays, ce que confirment les pièces relatives au système de santé albanais produites par le préfet du Gard. Les certificats médicaux produits par Mme C... ne faisant état ni de l'impossibilité d'obtenir les médicaments et le suivi psychothérapeutique nécessaires en Albanie, ni d'ailleurs d'une quelconque spécificité des soins suivis, ils ne peuvent être regardés comme de nature à remettre en cause l'appréciation portée sur ce point par le préfet, qui s'est approprié les termes de l'avis rendu par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Par ailleurs, si la requérante soutient que le retour dans son pays d'origine l'exposerait au risque de réactivation de l'état de stress post-traumatique dont elle dit souffrir, il ne résulte ni des certificats médicaux qu'elle verse aux débats ni du récit qu'elle livre des circonstances ayant conduit à son départ d'Albanie qu'elle serait exposée à un tel risque. Elle n'est dès lors pas fondée à soutenir que le préfet du Gard a méconnu les dispositions précitées en lui refusant la délivrance d'un titre de séjour pour raisons de santé.
9. En quatrième lieu, Mme C... démontre être entrée en France régulièrement et disposer d'une promesse d'embauche. Dès lors, elle est fondée à soutenir que la décision contestée est entachée d'erreur de fait sur ces deux points. Il ressort toutefois des pièces du dossier, comme de la motivation de la décision de refus de séjour, que le préfet du Gard aurait opposé le même refus à la demande dont il était saisi s'il ne s'était pas fondé sur ces faits erronés. Cette inexactitude matérielle des faits est dès lors sans incidence sur la légalité de l'arrêté contesté.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
10. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que le refus de titre de séjour opposé à Mme C... n'est pas entaché des illégalités qu'elle allègue. Dès lors, elle n'est pas fondée à invoquer son illégalité par voie d'exception à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français.
11. En deuxième lieu, aux termes des dispositions de l'article R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'état de santé défini au 10° de l'article L. 511-4 est constaté au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / Cet avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement l'étranger ou un médecin praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé ".
12. A l'appui du moyen tiré de la violation de ces dispositions, Mme C... invoque les mêmes arguments qu'à l'encontre du refus de séjour. Ces moyens doivent donc être écartés pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 5 ci-dessus.
13. En troisième lieu, si, en vertu de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : / (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ", il ne ressort pas des pièces du dossier, ainsi qu'il a été dit au point 8 ci-dessus, que la requérante ne pourrait bénéficier effectivement d'un traitement adapté en Albanie ou qu'elle y serait exposée à un risque d'aggravation de son état psychique, par réminiscence d'un traumatisme subi dans ce pays. Ce moyen doit donc être écarté.
14. En dernier lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
15. A la date de la décision attaquée, Mme C... résidait en France en compagnie de son époux et de ses deux jeunes enfants depuis moins de deux ans. M. C... a d'ailleurs fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français le même jour que la requérante. L'un et l'autre des époux étant de nationalité albanaise et n'ayant développé aucune attache ou intégration notable en France, le préfet du Gard, en obligeant Mme C... à quitter le territoire français, n'a pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels ce refus a été pris. Ainsi, le moyen tiré de ce que cette décision aurait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
En ce qui concerne la décision fixant le délai de départ volontaire et la décision fixant le pays de destination :
16. Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que l'obligation de quitter le territoire français opposée à Mme C... n'est pas entachée des illégalités qu'elle allègue. Dès lors, elle n'est pas fondée à invoquer son illégalité par voie d'exception à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le délai de départ volontaire et la décision fixant le pays de destination.
17. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du préfet du Gard du 24 juillet 2018.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
18. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par Mme C..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent qu'être également rejetées.
Sur les frais liés au litige :
19. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique s'opposent à ce que la somme réclamée par Me B... sur leur fondement soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1802536 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nîmes du 18 septembre 2018 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme C... devant le tribunal administratif de Nîmes est rejetée et le surplus des conclusions de la requête sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... C...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Gard.
Délibéré après l'audience du 18 mars 2019, où siégeaient :
- M. David Zupan, président,
- Mme Marie-Pierre Steinmetz-Schies, président assesseur,
- M. A... Grimaud, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 1er avril 2019.
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N° 18MA04405