Par un jugement n° 1504879 du 7 février 2017, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 11 avril 2017, l'entreprise Jean-Paul André, représentée par Me C..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de condamner l'office public de l'habitat de la communauté d'agglomération de Montpellier à lui verser la somme de 95 442,71 euros, majorée des intérêts moratoires à compter du 4 juin 2014, en paiement du solde du marché ;
3°) de mettre à la charge de l'office public de l'habitat de la communauté d'agglomération de Montpellier la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier car entaché de contradiction de motifs ;
- les prestations réalisées par la société SAM TP au titre du marché de substitution ne pouvaient être mises à sa charge dès lors que ce marché ne lui a pas été notifié ;
- le décompte général notifié par le maître de l'ouvrage n'étant pas définitif, il ne pouvait lui être opposé ;
- le décompte général de son marché ne pouvait lui être notifié par le maître de l'ouvrage dès lors que le décompte général du marché de substitution ne lui avait pas été notifié ;
- elle a droit à obtenir la rémunération des prestations qu'elle a réalisées.
Par un mémoire en défense enregistré le 7 août 2017, l'office public de l'habitat Montpellier Méditerranée Métropole, venant aux droits de l'office public de l'habitat de la communauté d'agglomération de Montpellier, représenté par Me A..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société Jean-Paul André en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le prix du marché de substitution n'a pas été mis à la charge de l'entreprise requérante, seules les prestations non réalisées ayant été déduites du montant qui lui était dû ;
- le jugement ne s'est fondé sur le décompte du maître de l'ouvrage qu'en ce qui concerne les postes qui n'étaient pas contestés par l'entreprise et n'avait pas à examiner les postes qu'elle ne contestait pas ;
- l'absence de notification du marché de substitution est sans incidence sur la régularité de la procédure de résiliation ;
- il en va de même de l'absence de notification du décompte général ;
- les demandes de paiement présentées par l'entreprise Jean-Paul André sont infondées.
Par une ordonnance du 4 avril 2018, la clôture de l'instruction a été fixée au 27 avril 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des marchés publics ;
- le décret n° 76-87 du 21 janvier 1976 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. E... Grimaud, rapporteur,
- les conclusions de M. B... Thiele, rapporteur public,
- et les observations de Me D..., substituant Me A..., représentant l'office public de l'habitat Montpellier Méditerranée Métropole.
Considérant ce qui suit :
1. L'office public de l'habitat de la communauté d'agglomération de Montpellier a conclu le 25 septembre 2009 un marché de travaux publics avec l'entreprise Jean-Paul André en vue de l'exécution des travaux du lot n° 14, " voirie et réseaux divers ", d'une opération de construction d'un ensemble immobilier à usage d'habitation totalisant quarante-six logements dans la zone d'aménagement concerté des Grisettes, à Montpellier. Ce marché a été résilié aux frais et risques de son titulaire le 6 juillet 2012. Le 4 juin 2014, l'entreprise Jean-Paul André a notifié son projet de décompte final au maître de l'ouvrage, lui réclamant une somme de 95 422,71 euros au titre de solde du marché. Faute de réponse, elle a saisi le tribunal administratif de Montpellier d'un recours contestant la résiliation de son marché et demandant la condamnation de l'office public de l'habitat de la communauté d'agglomération de Montpellier, devenu depuis l'office de l'habitat Montpellier Méditerranée Métropole, à lui verser cette somme. Le tribunal a rejeté cette demande.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne le solde du marché :
2. L'article 49.5 du cahier des clauses administratives générales applicable au marché en cause stipule : " (...) L'entrepreneur dont les travaux sont mis en régie est autorisé à en suivre l'exécution sans pouvoir entraver les ordres du maître d'oeuvre et de ses représentants. / Il en est de même en cas de nouveau marché passé à ses frais et risques ".
3. L'office public de l'habitat Montpellier Méditerranée Métropole ne conteste pas l'absence de notification du marché de substitution à la requérante avant l'exécution de celui-ci. L'entreprise Jean-Paul André n'ayant ainsi pas été mise à même d'user du droit qu'elle avait de suivre, en vue de sauvegarder ses intérêts, les opérations exécutées à ses risques et périls par le nouvel entrepreneur, elle est fondée à soutenir qu'elle ne saurait être tenue de supporter les conséquences onéreuses qui en résulteraient.
4. Il résulte de l'instruction, et notamment du projet de décompte final de l'entreprise et du décompte général établi par le maître de l'ouvrage, lesquels concordent sur ce point, que le montant du marché confié à l'entreprise s'élevait, après avenant, à 148 554,38 euros hors taxes. Du fait de l'intervention de la résiliation, l'entreprise Jean-Paul André n'a pas effectué l'intégralité des prestations correspondantes.
5. Il résulte par ailleurs de l'instruction, et notamment de la comparaison du décompte final porté sur la facture n° 14/06/03 établie par l'entreprise le 10 juin 2014, lequel récapitule l'intégralité des prestations effectuées par la requérante et des pièces établissant les travaux restant à effectuer à la date de la résiliation que doivent être regardées comme ayant été effectivement effectuées par l'entreprise avant l'intervention de cette mesure les travaux des postes de ce décompte intitulés " 2.1 - réseau EP ", " 2.2 - réseau EU ", " 2.3 - réseau AEP, " 2.4 - réseau EDF ", " 2.5 - réseau FT ", " 2.6.2. - allées piétonnes ", " 2.6.3 - bordures ", " 2.7 - terre végétale ", " 2.7.1 - remblais " et " 2.9.1 - mur bahut en aggloméré ". Le montant de ces prestations s'élève à 106 239,11 euros toutes taxes comprises. L'entreprise Jean-Paul André est donc fondée à demander l'inscription en sa faveur de ces prestations, qui représentent l'intégralité des travaux qu'elle a réalisés, au décompte du marché. Elle est également en droit d'y voir figurer la somme de 4 672,07 euros toutes taxes comprises correspondant à la restitution de la retenue de garantie constituée au cours du marché, inscrite au décompte général par le maître de l'ouvrage, et dont le montant n'est pas contesté.
6. L'appelante n'est en revanche pas fondée à demander l'inscription des sommes de 11 402,92 euros hors taxes, 17 414,46 euros hors taxes et 6 563,28 euros hors taxes figurant dans son décompte en ce qui concerne les postes " 2.9.2 - muret préfabriqué à parement pierres sèches ", " 2.10 - clôture en bois ", " 2.11 - muret de soutènement en bois ", correspondant à des prestations qu'elle ne démontre pas avoir réalisées dès lors que la situation n° 3, dernière émise par la requérante avant la résiliation, mentionnait un état d'avancement de 0 % en ce qui concerne ces trois postes. Il résulte par ailleurs de l'instruction que ces prestations ont été réalisées par la société SAM TP dans le cadre du marché de substitution et apparaissent sur les factures émises par cette dernière société. Elles ne sauraient dès lors être portées au décompte général du marché en sa faveur.
7. L'entreprise Jean-Paul André n'est pas davantage fondée à soutenir que devrait lui être allouée la somme de 29 797,54 hors taxes au titre de la prestation intitulée " réseau EDF " dès lors qu'il n'est pas démontré que le devis afférent à ces travaux supplémentaires aurait été accepté par le maître de l'ouvrage, ni que celui-ci aurait donné un ordre de service exigeant la réalisation de ce réseau, ni enfin que cette prestation était indispensable à l'achèvement de l'ouvrage dans les règles de l'art.
8. Si le maître de l'ouvrage fait état du paiement d'une somme de 39 602,37 euros toutes taxes comprises à la société K-Elec, sous-traitant agréé de l'entreprise requérante, il résulte de l'instruction que les prestations payées à ce sous-traitant par le maître de l'ouvrage portait sur la réalisation d'un réseau basse tension. Or, il n'est pas établi que cette prestation correspondrait en tout ou partie à des travaux inscrits au décompte en faveur de l'entreprise Jean-Paul André, tel que retracé au point 5 ci-dessus. En particulier, le montant et la consistance des travaux payés à la société K-Elec étant différents de ceux du poste " 2.4 - réseau EDF ", ces derniers ne peuvent être regardés comme incluant tout ou partie des prestations sous-traitées ayant ainsi donné lieu à paiement direct. Il n'y a dès lors pas lieu de déduire du montant dû à l'entreprise Jean-Paul André la somme de 39 602,37 euros toutes taxes comprises inscrite en déduction par l'office dans le décompte général du 18 août 2016.
9. Doit en revanche être déduit des sommes dues à la requérante au titre du marché le montant des versements déjà effectués sur son fondement. Si le décompte général établi par l'office le 18 août 2016 mentionne à cet égard une somme de 72 404,58 euros toutes taxes comprises, il résulte des états de versements produits tant par l'entreprise que par l'administration que les paiements effectués au titre des acomptes versés à l'entreprise en cours de chantier se sont limités à 67 732,50 euros. Seule cette somme doit dès lors être retranchée du montant total des sommes dues à la requérante.
10. La requérante, enfin, est fondée à soutenir qu'en vertu des règles ci-dessus rappelées aux points 3 et 4, la somme de 58 025,81 euros toutes taxes comprises correspondant au coût du marché de substitution n'a pas à être imputée au décompte dès lors que, comme l'ont relevé les premiers juges, l'absence de notification régulière de ce marché à l'entreprise ne l'a pas mise à même d'en suivre l'exécution et qu'elle ne doit pas, dès lors, supporter les conséquences onéreuses de cette exécution.
11. Il résulte de tout ce qui précède que le solde du marché doit être fixé à 43 178,68 euros toutes taxes comprises. L'entreprise Jean-Paul André est dès lors fondée à demander l'annulation du jugement attaqué et la condamnation de l'office public de l'habitat Montpellier Méditerranée Métropole, venant aux droits de l'office public de l'habitat de la communauté d'agglomération de Montpellier, à lui verser cette somme.
Sur les intérêts :
12. En vertu de l'article 1153 du code civil, l'entreprise Jean-Paul André a droit aux intérêts au taux légal sur la somme mentionnée au point 11 ci-dessus à compter du 4 juin 2014, date à laquelle l'office reconnaît avoir reçu le projet de décompte final adressé par la requérante.
Sur les frais liés au litige :
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative s'opposent à ce que la somme réclamée par l'office public de l'habitat Montpellier Méditerranée Métropole sur leur fondement soit mise à la charge de l'entreprise Jean-Paul André, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. Il y a lieu au contraire de mettre la somme de 2 000 euros à la charge de l'office public de l'habitat Montpellier Méditerranée Métropole, à verser à l'entreprise Jean-Paul André en application de ces mêmes dispositions.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1504879 du tribunal administratif de Montpellier du 7 février 2017 est annulé.
Article 2 : L'office public de l'habitat Montpellier Méditerranée Métropole est condamné à verser la somme de 43 178,68 euros toutes taxes comprises à l'entreprise Jean-Paul André au titre du solde du marché. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 4 juin 2014.
Article 3 : L'office public de l'habitat Montpellier Méditerranée Métropole versera une somme de 2 000 euros à l'entreprise Jean-Paul André en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à l'entreprise Jean-Paul André et à l'office public de l'habitat Montpellier Méditerranée Métropole.
Délibéré après l'audience du 24 septembre 2018, où siégeaient :
- M. David Zupan, président,
- Mme Marie-Pierre Steinmetz-Schies, président assesseur,
- M. E... Grimaud, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 8 octobre 2018.
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N° 17MA01515