Par un jugement n° 1602320 du 20 juin 2016, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 31 octobre 2016, Mme C..., représentée par Me D..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 20 juin 2016 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 30 avril 2015 ;
3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer le titre de séjour sollicité dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre une somme de 1 500 euros à la charge de l'Etat à verser à son conseil au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- sa demande présentée devant le tribunal administratif n'est pas tardive ;
- le préfet des Bouches-du-Rhône a violé les dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 10 octobre 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Héry.
1. Considérant que Mme C..., ressortissante philippine née en 1958, est entrée en France selon ses déclarations en juin 2006 ; qu'elle a sollicité le 25 juillet 2014 son admission au séjour au titre de la vie privée et familiale ; que par arrêté du 30 avril 2015, le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ; que Mme C... relève appel du jugement du 20 juin 2016 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 38 du décret du 19 décembre 1991 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, dans sa rédaction applicable : " Lorsqu'une action en justice doit être intentée avant l'expiration d'un délai devant la juridiction du premier degré (...), l'action est réputée avoir été intentée dans le délai si la demande d'aide juridictionnelle s'y rapportant est adressée au bureau d'aide juridictionnelle avant l'expiration dudit délai et si la demande en justice est introduite dans un nouveau délai de même durée à compter :/ a) De la notification de la décision d'admission provisoire ;/ b) De la notification de la décision constatant la caducité de la demande ;/ c) De la date à laquelle la décision d'admission ou de rejet de la demande est devenue définitive ;/ d) Ou, en cas d'admission, de la date, si elle est plus tardive, à laquelle un auxiliaire de justice a été désigné. " ;
3. Considérant que lorsque le demandeur de première instance a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale, seuls le ministère public ou le bâtonnier ont vocation à contester, le cas échéant, cette décision, qui devient ainsi définitive, en l'absence de recours de leur part, à l'issue d'un délai de deux mois ; que, toutefois, en raison de l'objet même de l'aide juridictionnelle, qui est de faciliter l'exercice du droit à un recours juridictionnel effectif, les dispositions précitées de l'article 38 du décret du 19 décembre 1991 selon lesquelles le délai de recours contentieux recommence à courir soit à compter du jour où la décision du bureau d'aide juridictionnelle devient définitive, soit, si elle est plus tardive, à compter de la date de désignation de l'auxiliaire de justice, ne sauraient avoir pour effet de rendre ce délai opposable au demandeur tant que cette décision ne lui a pas été notifiée ;
4. Considérant que Mme C... a déposé une demande d'aide juridictionnelle le 5 juin 2015, dans le délai de recours contentieux de trente jours, pour contester l'arrêté du préfet du 30 avril 2015 qui lui a été notifié le 5 mai 2015 ; qu'elle a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 24 août 2015 ; que la preuve de la notification de cette décision n'étant pas rapportée, c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté comme irrecevable la demande dont il était saisi ; que le jugement du 20 juin 2016 doit, dès lors, être annulé ;
5. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme C... devant le tribunal administratif de Marseille ;
Sur la légalité de l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône :
6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. " ; qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;
7. Considérant que si Mme C... soutient être entrée en France le 13 juin 2006, elle ne l'établit pas par la production de la fiche de réservation d'une compagnie aérienne mentionnant au demeurant son départ de Marseille le même jour en direction d'Oslo ; que l'attestation dressée le 3 juillet 2008 par les services du consulat des Philippines ne permet pas à elle seule de justifier de sa présence habituelle pour les années 2006 à 2008, pour lesquelles elle ne produit par ailleurs qu'un certificat d'inscription à l'ambassade des Philippines en janvier 2007 et une prescription médicale établie en mai 2008 ; que les copies des correspondances de la caisse d'allocations familiales et l'attestation d'assurance habitation de décembre 2012 ne permettent pas de justifier de sa présence sur le territoire au cours de cette même année ; que l'intéressée, qui a conclu le 7 janvier 2014 un pacte de solidarité civile avec M. B..., ne justifie pas de l'intensité ni de l'ancienneté alléguée de cette relation ; qu'elle n'exerce une activité professionnelle à temps partiel que depuis janvier 2015 ; qu'elle n'établit pas qu'elle serait dépourvue d'attaches dans son pays d'origine, où elle a vécu jusqu'à l'âge de 48 ans ; qu'ainsi, le préfet des Bouches-du-Rhône n'a pas, en prenant l'arrêté contesté, porté atteinte à son droit au respect de sa vie privée et familiale ; que, dès lors, il n'a pas violé les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni méconnu les stipulations de l'article 8 du convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
8. Considérant que pour les motifs qui viennent d'être exposés, le préfet n'a pas entaché son arrêté d'une erreur manifeste sur l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle et familiale de Mme C... ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 30 avril 2015 ; que ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées ;
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 20 juin 2016 est annulé.
Article 2 : La demande de Mme C... devant le tribunal administratif de Marseille et le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...C..., à Me D... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 27 mars 2017, où siégeaient :
- M. Moussaron, président,
- Mme Steinmetz-Schies, président-assesseur,
- Mme Héry, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 10 avril 2017.
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N° 16MA04064