Procédure devant la cour administrative d'appel :
Par une requête, enregistrée le 15 décembre 2014, M.A..., représenté par MeE..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille du 2 décembre 2014 ;
2°) d'annuler l'arrêté en date du 5 septembre 2014 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône lui a refusé la délivrance d'un certificat de résidence et a assorti sa décision d'une obligation de quitter le territoire national ;
3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un certificat de résidence dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir et cela sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que :
- la décision portant refus d'admission au séjour méconnaît les stipulations de l'article 6 alinéa 1-1° de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il justifie résider habituellement sur le territoire français depuis plus de 10 ans ;
- elle porte une atteinte excessive à son droit à une vie privée et familiale normale, et viole les dispositions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et le 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- la décision refusant un délai de départ volontaire supérieur à trente jours est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que le requérant réside habituellement sur le territoire français depuis quatorze ans.
Par un mémoire, enregistré le 16 décembre 2015, M.A..., représenté par Me B..., conclut par les mêmes moyens aux mêmes fins, et demande au surplus la condamnation de l'Etat à verser 2 400 euros à MeB....
M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 3 février 2015.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la Cour a désigné M. D...Marcovici, président assesseur, pour présider les formations de jugement en cas d'absence ou d'empêchement de M. Moussaron, président de la 6e chambre en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Marcovici.
1. Considérant que M.A..., de nationalité algérienne, déclare résider habituellement sur le territoire français depuis son entrée en France le 26 octobre 2000 sous couvert d'un visa d'une durée de trente jours ; qu'à la suite d'un entretien favorable avec un inspecteur de la santé publique il a obtenu le 13 décembre 2004 une autorisation provisoire de séjour renouvelée jusqu'au 13 juin 2005 ; qu'il a sollicité l'admission au séjour sur le fondement des stipulations des alinéas 1-1 et 1-5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien ; que par un arrêté du 9 novembre 2011, le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté sa demande, a assorti sa décision d'une obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement ; qu'il a demandé le 25 février 2014 son admission au séjour au titre des stipulations de l'article 6 alinéa 1-1° de l'accord franco-algérien modifié ; que, par arrêté du 5 septembre 2014, le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un certificat de résidence et a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français ;
2. Considérant que le jugement du tribunal administratif de Marseille n° 1406896 du 2 décembre 2014 a rejeté sa requête ; que par la présente requête, M. A...demande à la Cour d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille n° 1406896 du 2 décembre 2014, l'arrêté du 5 septembre 2014 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté la délivrance d'un certificat de résidence et a assorti sa décision d'une obligation de quitter le territoire national et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 400 euros, à verser à Me B...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
Sur le bien-fondé du jugement :
3. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Les dispositions du présent article ainsi que celles des deux articles suivants, fixent les conditions de délivrance et de renouvellement du certificat de résidence aux ressortissants algériens établis en France ainsi qu'à ceux qui s'y établissent, sous réserve que leur situation matrimoniale soit conforme à la législation française. Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : 1) au ressortissant algérien, qui justifie par tout moyen résider en France depuis plus de dix ans ou plus de quinze ans si, au cours de cette période, il a séjourné en qualité d'étudiant (...)" ; qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1- Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2- Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;
4. Considérant que M. A...fait valoir qu'il réside en France depuis plus de dix ans au moyen de pièces qu'il produit constituées d'attestations et d'ordonnances médicales, retrait d'argent, quittance de loyer, factures, ainsi que deux promesses d'embauche ; que selon le tribunal administratif de Marseille, il n'a pas produit de pièces justificatives probantes pour les périodes comprises entre le 30 juin 2005 et le 3 février 2006, entre le 3 février 2006 et le 12 août 2006, entre le 20 décembre 2006 et le 15 mai 2007, entre le 13 novembre 2007 et le 7 juillet 2008, entre le 7 octobre 2009 et le 7 avril 2010, entre le 15 février 2011 et le 28 octobre 2011, entre le 14 mars 2013 et le 27 juin 2013, entre le 26 aout 2013 et le 18 novembre 2013 et entre le 25 février 2014 et le 19 juin 2014 ; que M. A...verse aux débats, pour l'année 2014 une décision de refus de délivrance de titre de séjour du préfet des Bouches-du-Rhône du 25 septembre 2014, une attestation de carte individuelle d'admission d'aide médicale d'état, une attestation d'hébergement, un avis d'imposition 2014, des récépissés d'une opération financière de la banque postale, une promesse d'embauche du 8 janvier 2014, pour l'année 2013, un certificat de domiciliation du 6 novembre 2013, des devis médicaux et ordonnances des 18 novembre 2013, 18 février 2013, 14 mars 2013, 27 juin 2013 et du 26 août 2013 ainsi que des documents postaux ; pour l'année 2012 des documents médicaux du 2 février 2012, 27 mars 2012, 28 mars 2012, 23 avril 2012, 5 juin 2012, 10 juillet 2012, 19 juillet 2012 et 2 décembre 2012, des attestations circonstanciées relatives à sa présence journalière en janvier, février, mars, avril, mai, juin, juillet, août, septembre, octobre 2012 ; pour l'année 2011 des documents médicaux, ordonnances et analyses médicales des 4 janvier 2011, du 6 janvier 2011, 2 février 2011, un courrier de l'assurance maladie du 20 octobre 2011, un certificat de domiciliation, pour l'année 2010 une attestation d'hébergement du 5 octobre 2009 au 11 février 2010 ainsi que 4 factures pour la période du 7 avril au 10 avril 2010, du 5 au 6 juillet 2010 et du 10 octobre 2010 au 15 octobre 2010 ; pour l'année 2009 un récépissé établi le 3 juillet 2009, des documents médicaux des 5 octobre 2009, 7 octobre 2009, 15 octobre 2009, une promesse d'embauche, pour l'année 2008, des documents médicaux en date du 14 février 2008, 7 juillet 2008, 20 juillet 2008 et 18 octobre 2008, des certificats de domiciliation des 3 février 2008 et 13 mars 2008, des factures des 15 août 2008 et 2 novembre 2008 ; pour l'année 2007 des ordonnances médicales des 15 mai 2007, 20 juillet 2007 et 13 novembre 2007, une quittance de loyer octobre 2007, des factures des 20 juin 2007 et 14 mars 2007 ; pour l'année 2006 une attestation du 23 avril 2006, des ordonnances médicales des 17 novembre 2006, 12 août 2006, 3 février 2006 et 25 octobre 2006, une facture du 18 décembre 2006, des attestations médecins du monde pour les mois d'octobre, janvier, mars 2006 ; pour l'année 2005 une quittance de loyer pour les mois de mai, septembre et décembre 2005, des ordonnances médicales des 10 mars 2005 et 19 juin 2005, un certificat de domiciliation du 21 mai 2005 ; pour l'année 2004 une quittance de loyer du mois de mars 2004, des ordonnances médicales du 6 juin 2004 et 12 juin 2004 et du 2 janvier 2004 ; pour l'année 2003 une quittance de loyer octobre 2003, des ordonnances médicales des 2 février 2002 et 10 octobre 2003, une attestation du 30 avril 2003 ; pour l'année 2002 des ordonnances des 15 juin 2002, du 1er mars 2002 et un certificat de domiciliation du 7 janvier 2002 ; pour l'année 2001, des ordonnances des 21 mai 2001, 15 septembre 2001, une quittance loyer pour avril 2001 et une attestation d'hébergement de décembre 2000 à juin 2001 ; pour l'année 2000 une attestation d'hébergement de novembre 2000 à décembre 2000 ; que ces pièces permettent d'attester du caractère habituel de sa présence en France au cours des dix dernières années ; que, dans ces conditions, en refusant le certificat de résidence sollicité, le préfet des Bouches-du-Rhône a méconnu les stipulations précitées de l'alinéa 1-1 de l'article 6 de l'accord franco-algérien ; qu'il en résulte que M. A...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande ;
Sur l'injonction :
5. Considérant que l'exécution du présent arrêt implique nécessairement que le préfet des Bouches-du-Rhône délivre, dans un délai qu'il y a lieu de fixer à deux mois à compter de la notification du présent arrêt, à M. A... un certificat de résidence algérien en application de l'article 6 alinéa 1-1° de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ; que dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;
Sur les frais non compris dans les dépens :
6. Considérant qu'il y a lieu, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à MeB..., la perception de ce versement valant renonciation à percevoir une somme au titre de l'aide juridictionnelle ;
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Marseille n° 1406896 du 2 décembre 2014 est annulé.
Article 2 : L'arrêté du 5 septembre 2014 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté la délivrance d'un certificat de résidence et a assorti sa décision d'une obligation de quitter le territoire national est annulé.
Article 3 : Il est enjoint au préfet des Bouches-du-Rhône de délivrer à M.A..., dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, un certificat de résidence.
Article 4 : Il est mis à la charge de l'Etat une somme de 1 500 (mille cinq cents) euros au titre des frais non compris dans les dépens à verser à MeB..., la perception de ce versement valant renonciation à percevoir une somme au titre de l'aide juridictionnelle.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...A..., à Me B...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône et au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Marseille.
Délibéré après l'audience du 25 janvier 2016, à laquelle siégeaient :
M. Marcovici, président,
M. Ouillon, premier conseiller,
M. Gautron, conseiller.
Lu en audience publique le 15 février 2016,
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N° 14MA05224