Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 19 juin 2015 et le 2 septembre 2015, Mme C..., représentée par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 21 avril 2015 ;
2°) d'annuler la décision du directeur général de la caisse d'assurance retraite et de santé au travail du Sud-Est du 7 octobre 2011 prononçant à son encontre une sanction de 750 euros ;
3°) de mettre à la charge de la caisse d'assurance retraite et de santé au travail du Sud-Est une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision contestée méconnait le principe d'impartialité dès lors que l'auteur de la sanction a également pris la décision d'annulation de ses droits à la retraite ;
- la décision contestée est insuffisamment motivée ;
- cette décision a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière du fait de la violation du principe d'accès au dossier ;
- les faits reprochés étaient prescrits et ne pouvaient plus donner lieu à une sanction ;
- elle a présenté un dossier de droit à la retraite conforme aux instructions de l'URSSAF et les témoignages produits à l'appui de son dossier ne sont pas frauduleux.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 29 juillet 2015 et le 16 septembre 2015, la caisse d'assurance retraite et de santé au travail (CARSAT) du Sud-Est, représentée par Me D..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de Mme C...en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par Mme C...ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 15 décembre 2015, la clôture d'instruction a été fixée au 11 janvier 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Constitution ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de sécurité sociale ;
- le code de justice administrative.
Le président de la cour a désigné M. Laurent Marcovici, président assesseur, pour présider les formations de jugement en cas d'absence ou d'empêchement de M. Moussaron, président de la 6e chambre en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Ouillon,
- et les conclusions de M. Thiele, rapporteur public,
1. Considérant que Mme C...a procédé en octobre 2007 à une régularisation de cotisations arriérées d'assurance vieillesse pour des périodes d'activité exercées au sein d'une pâtisserie du 1er juillet au 31 août des années 1965, 1966 et 1967 ; que la régularisation de ces cotisations, prises en compte pour l'ouverture du droit et du calcul de sa pension de retraite, a permis à Mme C...de bénéficier du dispositif de départ anticipé à la retraite, laquelle faisait alors valoir ses droits à la retraite au 1er décembre 2008 ; qu'à la suite d'une opération de contrôle, l'URSSAF des Bouches-du-Rhône a notifié, le 22 novembre 2010, à Mme C...l'annulation de l'opération de régularisation de cotisations arriérées de retraite ; que, par voie de conséquence, le directeur général de la CARSAT du Sud-Est informait l'intéressée par courrier du 5 juillet 2011 qu'elle ne remplissait pas les conditions d'ouverture du droit à la retraite au 1er décembre 2008 ; que, par décision du 7 octobre 2011, la même autorité infligeait à Mme C..., en application de l'article L. 114-17 du code de la sécurité sociale, une sanction pécuniaire, d'un montant de 750 euros ; que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande de Mme C...tendant à la décharge de cette pénalité ;
Sur le bien-fondé de la pénalité :
2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. (...) " ; que les stipulations précitées de l'article 6 ne sont applicables, en principe, qu'aux procédures contentieuses suivies devant les juridictions lorsqu'elles statuent sur des droits et obligations de caractère civil ou sur des accusations en matière pénale et ne peuvent être invoquées pour critiquer une procédure administrative, alors même qu'elle conduirait au prononcé d'une sanction ; qu'il ne peut en aller autrement que dans l'hypothèse où la procédure d'établissement de cette sanction pourrait, eu égard à ses particularités, emporter des conséquences de nature à porter atteinte de manière irréversible au caractère équitable d'une procédure ultérieurement engagée devant le juge ;
3. Considérant que compte tenu de la nature administrative de l'autorité ayant prononcé la sanction contestée, Mme C...ne peut utilement se prévaloir, à l'encontre de la procédure administrative suivie par la CARSAT du Sud-Est pour prononcer cette sanction, des stipulations de l'article 6 de la convention précitée ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de cet article doit être écarté ;
4. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article R. 114-10 du code de la sécurité sociale : " L'organisme de sécurité sociale compétent pour prononcer les pénalités financières mentionnées à l'article L. 114-17 est celui qui est victime des faits mentionnés aux 1° à 4° du I du même article. " ;
5. Considérant que la circonstance que le directeur général de la CARSAT du Sud-Est, qui a infligé à Mme C...la sanction contestée, soit l'autorité ayant remis en cause les droits à la retraite de cette dernière ne méconnaît pas, par elle-même, le principe constitutionnel d'impartialité découlant de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen de 1789 ; que, par suite le moyen tiré de la méconnaissance du principe d'impartialité doit être écarté ;
6. Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte de l'instruction que MmeC..., qui avait été informée par courrier du 3 juillet 2011 des griefs qui lui étaient reprochés, a reçu communication, par lettre du 13 septembre 2011 de la CARSAT du Sud-Est, des copies des procès-verbaux d'auditions et du rapport d'enquête établis dans le cadre du contrôle, réalisé par les organismes de sécurité sociale, de sa demande de régularisation de cotisations arriérés, qui constituaient les éléments de son dossier sur lesquels la caisse a fondé sa décision ; qu'ainsi, Mme C...a pu consulter son dossier et a été à même de présenter ses observations en défense ; que le moyen tiré de la méconnaissance des droits de la défense doit être écarté ;
7. Considérant, en quatrième lieu, qu'en application des dispositions de l'article
L. 114-17 du code de la sécurité sociale la pénalité prononcée par le directeur de l'organisme chargé des prestations d'assurance vieillesse est motivée ;
8. Considérant que la décision contestée vise les dispositions législatives dont il est fait application, énonce les faits reprochés à Mme C...révélés lors d'un examen de son dossier, à savoir la production de fausses attestations sur l'honneur de témoins lui ayant permis de régulariser des cotisations prescrites et de bénéficier d'une retraite anticipée, précise les éléments financiers pris en compte pour le calcul du montant de la sanction que sont les versements indus de prestations de retraite pour un montant de 28 242,32 euros et enfin indique le montant de cette sanction ; qu'ainsi, la décision contestée comporte les éléments de droit et de fait sur lesquels elle se fonde ; que le moyen tiré de ce que cette décision serait insuffisamment motivée doit être écarté ;
9. Considérant, en cinquième lieu, qu'aucun texte n'enferme dans un délai déterminé le prononcé des sanctions prévues par l'article L. 114-17 du code de la sécurité sociale ; que la requérante ne peut utilement soutenir à l'appui de ses conclusions dirigées contre la sanction prononcée contre elle, que la CARSAT du Sud-Est n'était plus en droit de remettre en cause le bénéfice pour elle de son droit à une retraite anticipée ni que le délai qui s'est écoulé entre les agissements reprochés et le prononcé de la sanction serait excessif ;
10. Considérant, en sixième lieu, qu'aux termes de l'article L. 351-14-1 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction alors applicable : " Sont également prises en compte par le régime général de sécurité sociale, pour l'assurance vieillesse, sous réserve du versement de cotisations fixées dans des conditions définies par décret garantissant la neutralité actuarielle et dans la limite totale de douze trimestres d'assurance : / (...) 2° Les années civiles ayant donné lieu à affiliation à l'assurance vieillesse du régime général à quelque titre que ce soit, au titre desquelles il est retenu, en application du deuxième alinéa de l'article L. 351-1, un nombre de trimestres inférieur à quatre. (...). " ; qu'aux termes de l'article L. 114-17 du même code, dans sa rédaction alors en vigueur : " Peuvent faire l'objet d'une pénalité prononcée par le directeur de l'organisme chargé de la gestion des prestations familiales ou des prestations d'assurance vieillesse, au titre de toute prestation servie par l'organisme concerné : / 1° L'inexactitude ou le caractère incomplet des déclarations faites pour le service des prestations ; (...) 4° Les agissements visant à obtenir ou à tenter de faire obtenir le versement indu de prestations servies par un organisme mentionné au premier alinéa, même sans en être le bénéficiaire. / Le montant de la pénalité est fixé en fonction de la gravité des faits, dans la limite de deux fois le plafond mensuel de la sécurité sociale. (...). " ; que l'article R. 114-14 du code précité : " La pénalité mentionnée à l'article L. 114-17 est fixée, en fonction de la gravité des faits reprochés, à un montant : / (...) c) Compris entre 500 euros et deux fois le plafond mensuel de la sécurité sociale en vigueur à la date des faits lorsque le montant perçu indûment est supérieur à 2 000 euros. (...) " ;
11. Considérant qu'il résulte de l'instruction que pour bénéficier d'une régularisation de cotisations arriérées d'assurance vieillesse au titre d'une activité exercée pour les périodes du 1er juillet au 31 août des années 1965, 1966 et 1967, lui ayant permis de faire valoir ses droits à la retraite de façon anticipée, Mme C...s'est prévalue de deux attestations sur l'honneur des 21 et 22 septembre 2007 de témoins affirmant qu'elle avait travaillé dans une pâtisserie au cours des périodes considérées ; que l'un des témoins, lors de son audition par l'agent assermenté ayant effectué le contrôle du dossier de MmeC..., a reconnu qu'il s'agissait d'une attestation de complaisance ; que l'attestation de ce témoin, postérieure à son audition, produite à l'instance par la requérante indiquant le contraire ne saurait utilement contredire les déclarations que celui-ci a fait au cours de son audition et mentionnées sur un procès-verbal qu'il a signé ; qu'il résulte du rapport de l'agent assermenté et des procès-verbaux d'auditions de ces deux témoins que ceux-ci n'étaient pas en mesure d'attester que Mme C...avait travaillé pendant toute la période considérée au sein de cette pâtisserie ; que Mme C...lors de son audition par cet agent a indiqué que c'est à sa demande que les deux témoins ont confirmé dans les attestations en cause les périodes d'activité des années 1965, 1966 et 1967 mais qu'ils n'étaient pas en mesure d'attester qu'elle avait effectivement travaillé pendant toutes ces périodes ; qu'il résulte d'ailleurs de l'instruction que ces témoins n'ont fait que signer les attestations qui avaient été rédigées préalablement par MmeC... ; qu'il résulte de ce qui précède que Mme C...a produit, à l'appui de sa demande de régularisation de cotisations arriérées d'assurance vieillesse, des éléments qu'elle savait ne pas correspondre strictement à la réalité et qui lui ont permis de bénéficier d'un droit à une retraite anticipée ; que, par suite, les agissements de Mme C...étaient de nature à justifier le prononcé d'une pénalité à son encontre, sur le fondement de l'article L. 114-17 du code de la sécurité sociale, dont le montant n'est pas manifestement disproportionné ;
12. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que Mme C...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
13. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la CARSAT du Sud-Est, qui n'est pas la partie perdante, verse à Mme C...la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
14. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme C...la somme demandée par la CARSAT du Sud-Est au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme C...est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail du Sud-Est tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...C...et à la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail du Sud-Est.
Délibéré après l'audience du 25 janvier 2016, où siégeaient :
- M. Marcovici, président,
- Mme Héry, premier conseiller,
- M. Ouillon, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 15 février 2016.
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N° 15MA02517