Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 4 mai 2016, M.A..., représenté par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 7 décembre 2015 ;
2°) d'annuler les arrêtés du préfet de l'Hérault du 2 décembre 2015 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil, lequel renonce à percevoir l'aide juridictionnelle en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
En ce qui concerne l'arrêté portant obligation de quitter le territoire français :
- l'arrêté est entaché d'erreur matérielle et d'inexactitude de fait ;
- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision sur sa situation personnelle, et méconnait les articles L. 313-11 7° et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'arrêté est entaché d'un défaut de base légale ;
En ce qui concerne l'absence de délai de départ ;
- l'arrêté est entaché d'erreur matérielle et d'inexactitude de fait ;
- l'arrêté méconnaît les dispositions de l'article L. 511-1 II 3) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il est entré régulièrement en France et a des garanties de représentation ; le préfet a ajouté à la loi en exigeant un domicile personnel ; le tribunal n'a pas examiné le moyen tiré de l'absence de délai ;
En ce qui concerne l'arrêté de placement en rétention :
- l'arrêté n'est pas suffisamment motivé quant au risque de fuite ;
- le placement en rétention n'est pas justifié.
Par un mémoire en défense, enregistré le 17 octobre 2016, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. A...ne sont pas fondés.
M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 21 mars 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 modifié ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Steinmetz-Schies a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que M.A..., ressortissant marocain, né le 21 septembre 1993, est entré en France, selon ses déclarations, en avril 2015, muni de son passeport marocain; que M. A...relève appel du jugement du 7 décembre 2015, qui a rejeté sa demande d'annulation des arrêtés du 2 décembre 2015 par lesquels le préfet de l'Hérault l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et l'a placé en centre de rétention administrative pour une durée de cinq jours ;
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français sans délai :
2. Considérant en premier lieu, que M. A...soutient que l'arrêté du 2 décembre 2015, par lequel le préfet de l'Hérault l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, est entaché d'erreur matérielle des faits dès lors qu'il mentionne à tort qu'il " déclare vouloir se marier avec une française pour avoir des papiers " alors que le mariage est prévu le 19 décembre 2015 ; que toutefois, il ressort dudit arrêté que M. A...a été entendu par un officier de police judiciaire auprès duquel il a fait lesdites déclarations, qu'il a signé après lecture faite en langue arabe, par un interprète; que par suite, M. A...n'est pas fondé à soutenir que ledit arrêté est entaché d'erreur matérielle de faits ou d'inexactitude ;
3. Considérant en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants :1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; (...) " ;
4. Considérant qu'il ressort de l'audition de l'intéressé le 2 décembre 2015, par les services de police, que M. A...a déclaré être entré en France un mois et demi avant l'arrêté contesté, muni de son passeport marocain et d'un visa espagnol, valable du 15 avril au 29 mai 2015 ; que M. A...n'a ainsi pas pu justifier être entré régulièrement sur le territoire français, ni être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; que s'il fait valoir être en possession d'un laissez-passer établi par le consulat du Maroc à Bruxelles, ledit document n'a pas pour objet de régulariser une entrée irrégulière ; que, par suite, en fondant l'arrêté contesté sur l'article L. 511-1 1° du I, le préfet n'a pas commis d'erreur de droit et le moyen tiré de l'absence de base légale dudit arrêté doit être écarté ;
5. Considérant en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...). " ; qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° - Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2° - Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;
6. Considérant que M. A...soutient qu'il devait se marier le 19 décembre 2015 avec une ressortissante française, enceinte depuis le 8 décembre 2015 ; qu'il ressort toutefois de la procédure établie par les services de police le 2 décembre 2015, que M. A...a déclaré être entré en France pour se marier et avoir des papiers, ou avoir la nationalité belge dans le cadre d'un regroupement familial, sa mère et ses deux frères habitant en Belgique ; que le requérant est célibataire, sans enfant, ne justifie pas être isolé dans son pays d'origine, le Maroc, où résident son père et ses deux soeurs ; qu'ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, en particulier des conditions et de la durée du séjour du requérant en France, de la faible ancienneté des relations avec une ressortissante française, l'arrêté l'obligeant à quitter le territoire français ne porte pas à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; que, par suite, il n'a méconnu ni les dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
7. Considérant en quatrième lieu, que si M. A...soutient que l'arrêté contesté méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en l'absence d'invocation de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels, un tel moyen doit être écarté ;
8. Considérant en cinquième lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-1 II du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut, par décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque est regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : a) Si l'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour (...) ; f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyages en cours de validité, ou qu'il a dissimulé des éléments de son identité, ou qu'il n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente, (...) " ;
9. Considérant qu'il ressort de l'audition de M. A...par l'officier de police judiciaire qu'il ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français et n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; qu'il a déclaré ne pas avoir de domicile fixe, et vivre de temps en temps chez sa soeur à Frontignan, sans pour voir en préciser l'adresse ; qu'ainsi l'intéressé ne peut justifier d'un lieu de résidence effective et permanente, ainsi que l'a estimé à juste titre, d'une part, le préfet de l'Hérault qui n'a pas méconnu les dispositions précitées en indiquant que M. A...ne pouvait justifier d'un domicile fixe stable et personnel, d'autre part, le premier juge, qui, contrairement à ce que soutient le requérant, a examiné ledit moyen ;
Sur la légalité de l'arrêté portant placement en rétention administrative pour cinq jours :
10. Considérant en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A moins qu'il ne soit assigné à résidence en application de l'article L. 561-2, l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français peut être placé en rétention par l'autorité administrative " ; qu'aux termes de l'article L. 561-2 du même code : " Dans les cas prévus à l'article L. 551-1, l'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger pour lequel l'exécution de l'obligation de quitter le territoire demeure une perspective raisonnable et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque, mentionné au II de l'article L. 511-1, qu'il se soustraie à cette obligation " ;
11. Considérant que si le requérant soutient que le préfet n'a pas caractérisé le risque de fuite dès lors qu'il a un domicile chez sa soeur, et a un passeport, il ressort de l'arrêté contesté, qui est suffisamment motivé sur ce point, que l'intéressé a déclaré ne pas avoir de domicile, ne peut préciser l'adresse de sa soeur, et ainsi ne présentait pas, à la date de l'arrêté contesté, des garanties de représentation effective ; que par suite, le préfet de l'Hérault n'a pas méconnu les dispositions précitées ;
12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande ; que ses conclusions tendant à ce qu'une somme représentative des frais de procédure soit, en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative ou 37 de la loi du 10 juillet 1991, mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, ne peuvent, par voie de conséquence, qu'être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...A..., à Me B...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 5 décembre 2016, où siégeaient :
- M. Moussaron, président,
- Mme Steinmetz-Schies, président-assesseur,
- Mme Héry, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 19 décembre 2016.
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N° 16MA01739