Procédure devant la Cour :
I. Par une requête, enregistrée le 7 juillet 2016, M. B..., représenté par Me C..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 20 mai 2016 ;
2°) d'annuler les arrêtés du préfet des Bouches-du-Rhône du 17 mai 2016 ordonnant sa remise aux autorités italiennes et l'assignant à résidence ;
3°) d'ordonner au préfet des Bouches-du-Rhône de communiquer l'intégralité des pièces ayant conduit à la décision de réadmission ;
4°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour au titre de l'asile dans le délai de 72 heures à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans un délai de 15 jours à compter de la notification de la décision à intervenir ;
5°) de mettre une somme de 2 000 euros à la charge de l'Etat à verser à son conseil au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le jugement est entaché d'une omission à statuer ;
Sur l'arrêté portant réadmission vers l'Italie :
- il est insuffisamment motivé ;
- il méconnaît l'article 3 du règlement UE n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
- le préfet des Bouches-du-Rhône a commis une erreur manifeste d'appréciation en refusant d'appliquer la clause discrétionnaire prévue par l'article 17 du règlement UE susvisé ;
- il a commis une erreur de droit en n'interrogeant pas l'Italie sur les garanties de bon traitement de sa demande d'asile ;
- cet arrêté méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il viole son droit d'asile ;
Sur l'arrêté portant assignation à résidence :
- il est illégal par voie de conséquence de l'illégalité de l'arrêté ordonnant sa remise aux autorités italiennes ;
- il a été signé par une autorité incompétente ;
- il est insuffisamment motivé ;
- il méconnaît l'article 28.2 du règlement UE 604/2013 du 26 juin 2013.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 18 août 2016 et le 24 octobre 2016, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 8 juillet 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
II. Par une requête enregistrée le 4 août 2016 sous le n° 16MA3298, M. A... B..., représenté par Me C..., demande à la Cour :
1°) d'ordonner le sursis à exécution du jugement du 20 mai 2016 du tribunal administratif de Marseille ;
2°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai d'une semaine à compter de la notification de la décision à intervenir et de réexaminer sa situation au regard de sa demande d'asile en France dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à son conseil au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la mise à exécution du jugement de première instance risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables ;
- l'irrégularité du jugement de première instance, l'insuffisante motivation de la décision de remise aux autorités italiennes et la méconnaissance des stipulations du règlement UE n° 604/2013 du 26 juin 2013 et de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les erreurs de droit et d'appréciation commises par le préfet des Bouches-du-Rhône constituent des moyens sérieux.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 8 juillet 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le règlement (UE) n° 604-2013 du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Héry.
1. Considérant que M. B..., ressortissant ivoirien né le 23 décembre 1989, entré irrégulièrement en France au mois de juin 2013 en provenance de l'Italie, s'est présenté le 27 novembre 2015 auprès des services de la préfecture des Bouches-du-Rhône afin de solliciter l'asile ; que la consultation du fichier Eurodac a révélé que ses empreintes avaient déjà été enregistrées en Italie le 11 avril 2013 ; que par arrêtés du 17 mai 2016, le préfet des Bouches-du-Rhône a, d'une part, décidé sa remise aux autorités italiennes en vue du traitement par cet Etat de sa demande d'asile, et d'autre part, prononcé son assignation à résidence ; que par sa requête enregistrée sous le n° 16MA02781, M. B... relève appel du jugement du 20 mai 2016 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux arrêtés ; que, par sa requête enregistrée sous le n° 16MA03298, il demande le sursis à exécution de ce même jugement ;
2. Considérant que ces deux requêtes étant dirigées contre un même jugement, il y a lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par un seul arrêt ;
Sur les conclusions de la requête n° 16MA02781 :
3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. " ;
4. Considérant que le jugement mentionne dans son point 10 que M. B... n'établit en aucune façon que sa remise aux autorités italiennes le confronterait à des défaillances systémiques dans le cadre de sa demande d'asile ou l'empêcherait de présenter une demande d'asile ; qu'il se prononce ainsi sur le moyen tiré de la violation du droit d'asile du requérant ; que, par suite, le moyen tiré du défaut de réponse à ce moyen doit être écarté ;
En ce qui concerne la décision de remise aux autorités italiennes :
5. Considérant que l'arrêté portant remise aux autorités italiennes comporte l'ensemble des motifs de fait et de droit sur lesquels il se fonde ; qu'il se réfère notamment aux dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et aux stipulations des conventions internationales applicables ; qu'il mentionne les conditions d'entrée de M. B... en France, rappelle la procédure appliquée à l'instruction de sa demande et fait référence à la situation du requérant, célibataire sans enfants ne démontrant pas être dépourvu d'attaches hors de France ; que, par suite, le préfet, qui n'était pas tenu de reprendre l'ensemble des éléments dont a fait état l'intéressé dans sa demande, a suffisamment motivé son arrêté ;
6. Considérant qu'aux termes de l'article 3.2 du règlement UE n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Lorsqu'aucun État membre responsable ne peut être désigné sur la base des critères énumérés dans le présent règlement, le premier État membre auprès duquel la demande de protection internationale a été introduite est responsable de l'examen./ Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable. " ; que l'Italie étant membre de l'Union Européenne et partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il doit alors être présumé que le traitement réservé aux demandeurs d'asile dans cet Etat membre est conforme aux exigences de la convention de Genève ainsi qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que cette présomption est toutefois réfragable lorsqu'il y a lieu de craindre qu'il existe des défaillances systémiques de la procédure d'asile et des conditions d'accueil des demandeurs d'asile dans l'Etat membre responsable, impliquant un traitement inhumain ou dégradant ; que dans cette hypothèse, il appartient à l'administration d'apprécier dans chaque cas, au vu des pièces qui lui sont soumises et sous le contrôle du juge, si les conditions dans lesquelles un dossier particulier est traité par les autorités italiennes répondent à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile ;
7. Considérant qu'en se bornant à affirmer qu'en raison notamment de l'afflux de migrants sur son territoire, l'Italie n'offrirait pas des conditions d'accueil et d'hébergement dignes aux demandeurs d'asile, M. B... n'établit pas que la situation générale dans ce pays ne permettrait pas d'assurer un niveau de protection suffisant et que sa réadmission vers l'Italie l'exposerait à un risque personnel de traitement inhumain ou dégradant, en violation de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne ; que, par suite, le préfet des Bouches-du-Rhône n'a pas commis d'erreur de droit en considérant que M. B... n'établissait pas que sa réadmission vers l'Italie l'exposerait à un risque personnel de traitement inhumain ou dégradant ;
8. Considérant qu'aux termes de l'article 17.1 du règlement UE 604/2013 du 26 juin 2013 : " Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. Le cas échéant, il en informe, au moyen du réseau de communication électronique " DubliNet " établi au titre de l'article 18 du règlement (CE) n o 1560/2003, l'État membre antérieurement responsable, l'État membre menant une procédure de détermination de l'État membre responsable ou celui qui a été requis aux fins de prise en charge ou de reprise en charge (...).. " ;
9. Considérant que M. B... est célibataire et sans enfant et n'établit pas être dépourvu d'attaches hors de France ; que les éléments produits par l'intéressé, qui exposent de manière générale la situation des demandeurs d'asile en Italie, ne suffisent pas à établir que la réadmission d'un demandeur d'asile vers l'Italie serait, par elle-même, constitutive d'une atteinte grave au droit d'asile ; que dans ces conditions, le préfet des Bouches-du-Rhône n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en s'abstenant de faire usage du pouvoir discrétionnaire de conserver l'examen de sa demande d'asile ;
10. Considérant que M. B... n'établit pas qu'il ne pourrait pas bénéficier en Italie des soins nécessités par son état de santé ; qu'il ne justifie pas non plus qu'il risquerait d'y être soumis à des traitements réprimés par l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni que l'Italie ne pourra faire face à sa demande d'asile dans le respect des garanties exigées par le droit d'asile ;
En ce qui concerne la décision portant assignation à résidence :
11. Considérant qu'il résulte de ce qui vient d'être dit que M. B... n'est pas fondé à soutenir que la décision l'assignant à résidence serait illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision ordonnant sa remise aux autorités italiennes ;
12. Considérant que M. B... reprend en appel les moyens invoqués en première instance et tirés de ce que la décision attaquée a été prise par une autorité incompétente et qu'elle est insuffisamment motivée, disproportionnée et inutile ; qu'il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal administratif de Marseille ;
13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions de la requête n° 16MA03298 :
14. Considérant que le présent arrêt statue sur la requête à fin d'annulation du jugement du tribunal administratif de Marseille du 8 juillet 2016 ; que, dès lors, la requête de M. B... tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement est devenue sans objet ; que, par suite, il n'y a pas lieu d'y statuer ;
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
15. Considérant que la communication par le préfet des Bouches-du-Rhône de l'entier dossier de M. B... ne présente aucun caractère utile ; qu'en outre, le présent arrêt, qui rejette les conclusions aux fins d'annulation et de sursis à exécution présentées par le requérant, n'implique aucune mesure particulière d'exécution ; que, par suite, les conclusions susvisées ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
16. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, les sommes que le conseil de M. B... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 16MA03298 tendant au sursis à l'exécution du jugement du tribunal administratif de Marseille.
Article 2 : La requête n° 16MA02781 de M. B... et le surplus des conclusions de la requête n° 16MA03298 sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à Me C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 5 décembre 2016, où siégeaient :
- M. Moussaron, président,
- Mme Steinmetz-Schies, président assesseur,
- Mme Héry, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 19 décembre 2016.
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N° 16MA02781, 16MA03298