Par un jugement n° 1302379 du 19 décembre 2014, le tribunal administratif de Montpellier a condamné la communauté d'agglomération Hérault Méditerranée à lui verser la somme de 12 000 euros hors taxes, assortie des intérêts moratoires contractuels à compter du 11 octobre 2012.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 6 mars 2015, 9 novembre 2015, 21 septembre 2016 et 10 janvier 2017, la société ACML, représentée par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 19 décembre 2014 en tant qu'il a rejeté une partie de ses conclusions ;
2°) à titre principal, de porter l'indemnité due par la communauté d'agglomération Hérault Méditerranée à la somme de 1 228 209,66 euros TTC, augmentée des intérêts moratoires à compter du 11 octobre 2012 et de leur capitalisation ;
3°) à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise ;
4°) de mettre une somme de 20 000 euros à la charge de la communauté d'agglomération Hérault Méditerranée au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est insuffisamment motivé ;
- le maître d'ouvrage a commis une faute en ne veillant pas à la réalisation des études d'exécution dues par la maîtrise d'oeuvre ;
- il a également commis une faute en lui demandant d'accélérer la réalisation des travaux sans la mettre en mesure de répondre à cette exigence ;
- les modifications des travaux demandées par le maître d'ouvrage ou le maître d'oeuvre et l'allongement de la durée du chantier ont entraîné un bouleversement dans l'économie du contrat ;
- elle justifie avoir dû adapter ses propres études par suite du retard pris par la maîtrise d'oeuvre et des nombreuses modifications des études d'exécution ;
- elle a dû réaliser des études complémentaires de fabrication ;
- la demande d'accélération dans l'exécution des travaux a généré des surcoûts en termes d'études et de frais salariaux ;
- elle a été contrainte d'engager des frais supplémentaires du fait de l'allongement de la durée de suivi des travaux et de la durée globale du chantier ;
- ses frais généraux n'ont pas pu être intégralement rémunérés ;
- elle est fondée à être indemnisée du coût des études et travaux supplémentaires qui étaient indispensables à la réalisation de l'ouvrage dans les règles de l'art ;
- elle a droit à l'actualisation et à la révision des prix.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 18 février 2016, 24 novembre 2016 et 17 février 2017, la communauté d'agglomération Hérault Méditerranée conclut :
- à titre principal, au rejet de la requête ;
- à titre subsidiaire, au rejet des demandes de la société ACML et à la condamnation solidaire du cabinet d'architecture Luc Demolombe, de la société Betem Ingénierie et de la société Terrell à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre ;
- à ce qu'une somme de 6 000 euros soit mise à la charge de la société ACML, du cabinet d'architecture Luc Demolombe, de la société Betem Ingénierie et de la société Terrell au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
A titre principal :
- le moyen fondé sur la faute du maître d'ouvrage est irrecevable comme soulevé pour la première fois en appel ;
- les autres moyens soulevés par la société ACML ne sont pas fondés ;
A titre subsidiaire :
- la demande de première instance est irrecevable.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 5 août 2016 et 3 octobre 2016, le cabinet d'architecture Luc Demolombe et la société Terrell concluent au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la société ACML et de la communauté d'agglomération Hérault Méditerranée au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- l'appel formé à leur encontre est irrecevable ;
- l'action de la société ACML est forclose ;
- les moyens soulevés par la société ACML ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le décret n° 76-87 du 21 janvier 1976 approuvant le cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux ;
- le code des marchés publics ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Héry,
- les conclusions de M. Thiele, rapporteur public,
- et les observations de Me B..., représentant la communauté d'agglomération Hérault Méditerranée.
Une note en délibéré présentée par la société ACML a été enregistrée le 21 mars 2017.
1. Considérant que dans le cadre de la construction d'un centre aquatique à Agde, la communauté d'agglomération Hérault-Méditerranée (CAHM) a attribué le lot n° 3 d'un marché public de travaux à la société l'Auxiliaire de Construction Métallique de la Loire (ACML), pour un montant global et forfaitaire de 1 200 000 euros hors taxes, la maîtrise d'oeuvre étant confiée à un groupement conjoint composé du cabinet d'architectes Luc Demolombe et des sociétés Betem Ingénierie et Terrell Maurette associés ; que la société ACML a saisi le tribunal administratif de Montpellier d'une demande tendant à la condamnation de la CAHM à lui verser une somme de 1 224 115,90 euros TTC ; qu'elle relève appel du jugement du 19 décembre 2014 de ce tribunal en tant qu'après avoir condamné la communauté d'agglomération à lui verser la somme de 12 000 euros en règlement d'une prestation prévue au contrat et dont l'exécution n'était pas contestée, il a rejeté le surplus de ses conclusions ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la demande de première instance ;
En ce qui concerne les difficultés rencontrées dans l'exécution du marché :
2. Considérant que les difficultés rencontrées dans l'exécution d'un marché à forfait ne peuvent ouvrir droit à indemnité au profit de l'entreprise titulaire de ce marché que dans la mesure où celle-ci justifie soit que ces difficultés trouvent leur origine dans des sujétions imprévues ayant eu pour effet de bouleverser l'économie du contrat soit qu'elles sont imputables à une faute de la personne publique commise notamment dans l'exercice de ses pouvoirs de contrôle et de direction du marché, dans l'estimation de ses besoins, dans la conception même du marché ou dans sa mise en oeuvre, en particulier dans le cas où plusieurs cocontractants participent à la réalisation de travaux publics ;
3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que si la CAHM a confié au groupement de maîtrise d'oeuvre une mission de base assortie d'une mission complémentaire de type EXE, les articles 1er et 3 du contrat de maîtrise d'oeuvre excluent de cette mission complémentaire les études d'exécution portant sur les mécanismes ; que le cahier des clauses administratives particulières (CCAP) dispose dans son article 8.1. que le titulaire a à sa charge, pendant la période de préparation, l'établissement et la présentation au visa du maître d'oeuvre du programme d'exécution des travaux ainsi que l'établissement et la remise à celui-ci des plans d'exécution, notes de calcul et études de détail nécessaires ; que l'article 8.2. de ce CCAP précise que les plans d'exécution des ouvrages et les spécifications techniques détaillées sont établis par le titulaire et soumis avec les notes de calcul et études de détail au visa du maître d'oeuvre ; que le cahier des clauses techniques particulières du lot 3 prévoit ainsi dans son article 1.10 que le prix comprend notamment les études, dessins et détails d'exécution ainsi que le calepinage de tous les composants ; que, par suite, dès lors que les études d'exécution du lot n° 3 étaient contractuellement à la charge de la société ACML, qui en a d'ailleurs chiffré le coût dans son offre, cette dernière n'est pas fondée à soutenir que le maître d'ouvrage aurait commis une faute en ne s'assurant pas de la présence des études d'exécution dans le dossier de consultation des entreprises et en ne prenant pas de mesures coercitives à l'encontre du groupement de maîtrise d'oeuvre pour obtenir la réalisation de ces études ;
4. Considérant que la circonstance alléguée que la CAHM n'aurait pas mis à même la société requérante de répondre à sa demande d'accélération dans l'exécution du chantier n'est assortie d'aucune justification permettant d'établir que le maître d'ouvrage aurait commis une faute dans la direction du chantier ;
5. Considérant que la société ACML ne peut, en tout état de cause, se prévaloir du retard pris par les autres intervenants au chantier pour rechercher la responsabilité sans faute du maître d'ouvrage sur le fondement de la théorie de l'imprévision, ce retard n'étant pas extérieur aux parties ;
En ce qui concerne les travaux supplémentaires :
6. Considérant que le caractère global et forfaitaire du prix du marché ne fait pas obstacle à ce que l'entreprise cocontractante sollicite une indemnisation au titre de travaux supplémentaires effectués, même sans ordre de service, dès lors que ces travaux étaient indispensables à la réalisation de l'ouvrage dans les règles de l'art ;
7. Considérant qu'ainsi que le soutient la société ACML, le tribunal administratif ne s'est pas prononcé sur sa demande relative à des travaux supplémentaires résultant selon elle de modifications ponctuelles opérées par le maître d'oeuvre pour un montant de 53 083 euros ; qu'il y a lieu, dans cette seule mesure, d'annuler le jugement attaqué et de statuer par voie d'évocation sur ce chef de conclusions ;
8. Considérant que si la société requérante demande le versement d'une somme de 53 083 euros hors taxes portant sur diverses modifications, elle ne justifie pas que celles-ci lui auraient été demandées par le maître d'oeuvre ou, par la simple énonciation de la nature de ces travaux, qu'elles auraient été indispensables à la réalisation de l'ouvrage dans les règles de l'art ; qu'il y a lieu, par suite, de rejeter les conclusions présentées devant le tribunal administratif relatives à des modifications évaluées par la requérante à 53 083 euros ;
9. Considérant que la société ACML se prévaut d'une augmentation en cours d'exécution du marché du poids de la charpente principale et du pentaglisser qui aurait conduit à un apport supplémentaire de matériaux ; que, toutefois, la société requérante, qui ne se fonde que sur les quantités mentionnées par elle dans la décomposition du prix global et forfaitaire établie à l'appui de son offre, ne peut ainsi être regardée comme justifiant d'une demande du maître d'oeuvre ni de ce que ces modifications auraient été rendues indispensables à la réalisation de l'ouvrage dans les règles de l'art ;
10. Considérant que la société requérante ne justifie pas non plus que le surcoût allégué pour son sous-traitant, la société Bertin, résultant de la mise au point des coussins d'air, trouverait son origine dans une demande du maître d'oeuvre ou aurait été indispensable à la réalisation de l'ouvrage dans les règles de l'art ;
11. Considérant que, pour les motifs énoncés au point 3, la société ACML ne saurait prétendre à l'indemnisation des études d'exécution portant sur les coussins d'air et la motorisation de l'ouvrage, lesquelles étaient contractuellement à sa charge ;
12. Considérant que dès lors que le cahier des clauses administratives particulières prévoit dans son article 9.1.2. que le maître d'oeuvre a la faculté de faire effectuer des essais et contrôles en sus de ceux définis par le marché et que ceux-ci seront à la charge du titulaire du lot concerné, la société ACML ne saurait prétendre à l'indemnisation des trois essais de mise en service des toitures mobiles réalisés en juin, juillet et octobre 2011 ;
13. Considérant que pour les motifs retenus à bon droit par les premiers juges et qu'il convient pour la Cour d'adopter, il y a lieu de rejeter les conclusions de la société ACML portant sur l'application d'une clause de révision des prix du marché et sur l'indemnisation du coût de rédaction du mémoire en réclamation ;
14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise, que la société ACML est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier ne s'est pas prononcé sur sa demande d'indemnisation des travaux supplémentaires pour un montant de 53 083 euros ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
15. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge des parties les sommes demandées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du 19 décembre 2014 du tribunal administratif de Montpellier est annulé en tant qu'il ne s'est pas prononcé sur la demande de la société ACML tendant au versement d'une somme de 53 083 euros au titre de travaux supplémentaires.
Article 2 : La demande présentée par la société ACML devant le tribunal administratif de Montpellier tendant au versement d'une somme de 53 083 euros au titre des travaux supplémentaires et le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés.
Article 3 : Les conclusions de la communauté d'agglomération Hérault-Méditerranée, du cabinet d'architecture Luc Demolombe et de la société Terrell tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société L'Auxiliaire de Construction Métallique de la Loire, à la communauté d'agglomération Hérault Méditerranée, au cabinet d'architecture Luc Demolombe, à la société Terrell et à la société Betem Ingénierie.
Délibéré après l'audience du 13 mars 2017, où siégeaient :
- M. Moussaron, président,
- Mme Steinmetz-Schies, président assesseur,
- Mme Héry, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 27 mars 2017.
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N° 15MA00976