Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 6 août 2015, la SELARL de Saint Rapt et Bertholet, agissant en qualité d'administrateur judiciaire de la SARL Mialon Sud TP, représentée par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes du 4 juin 2015 ;
2°) d'annuler la résiliation en date du 25 juillet 2007 et le titre exécutoire n° 27 du 12 février 2013 émis par le centre hospitalier de Montfavet pour un montant de 167 573,92 euros ;
3°) de condamner le centre hospitalier au paiement de la retenue de garantie d'un montant de 8 408,06 euros ;
4°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Montfavet une somme de 5 000 euros à lui verser au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le décompte général notifié le 1er juillet 2013 est irrégulier et le titre exécutoire du 12 février 2013 est privé de base légale ;
- les décisions de mise en régie partielle et de résiliation du marché sont irrégulières ;
- la modification du marché initial rend inopposable à son encontre le nouveau marché conclu.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 21 octobre, 5 novembre et 16 novembre 2015, le centre hospitalier de Montfavet, représenté par MeD..., conclut, à titre principal, au rejet de la requête, " subsidiairement ", à ce que la SARL Mialon Sud TP soit condamnée à lui verser la somme de 175 976,12 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 1er juillet 2011, et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la SARL Mialon Sud TP au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le décompte général du 28 juin 2011 est devenu définitif faute d'avoir été contesté dans les délais ;
- les travaux n'ont pas été réceptionnés ;
- la décision de résiliation est fondée ;
- la mise en régie a été régulière ;
- la retenue de garantie a été déduite de la créance.
Par une lettre en date du 17 janvier 2017, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la solution de l'affaire était susceptible d'être fondée sur des moyens relevés d'office tirés, d'une part de l'irrecevabilité des conclusions dirigées contre la décision de résiliation du marché aux frais et risques de l'entreprise et, d'autre part, de l'irrégularité du décompte général établi par le centre hospitalier en tant qu'il applique la taxe sur la valeur ajoutée sur les pénalités.
Une réponse à la communication du moyen d'ordre public, enregistrée le 24 janvier 2017, a été présentée pour le centre hospitalier de Montfavet.
Par une lettre en date du 8 février 2017, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la solution de l'affaire était susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office tiré de l'irrecevabilité des conclusions à fin d'annulation dirigées contre la décision de mise sous régie aux frais et risques de l'entreprise.
Une réponse à la communication du moyen d'ordre public, enregistrée le 8 février 2017, a été présentée pour le centre hospitalier de Montfavet.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des marchés publics ;
- le décret n° 76-87 du 21 janvier 1976 approuvant le cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Steinmetz-Schies, rapporteur ;
- les conclusions de M. Thiele, rapporteur public ;
- et les observations de Me E...pour le centre hospitalier de Montfavet.
1. Considérant qu'au cours de l'année 2004, le centre hospitalier de Montfavet a décidé de reconstruire son unité pour malades difficiles, et a attribué, par acte d'engagement du 28 septembre 2005, le lot n° 17, études d'exécution et réalisation des travaux de voirie et réseaux divers, à la société Mialon Sud TP, pour un montant de 296 105,40 euros HT, porté à la somme de 310 910,40 euros HT par avenant n° 1 du 5 avril 2006 ; que, le 10 mai 2007, le centre hospitalier, en application de l'article 49-3 du CCAG Travaux, a convoqué l'entreprise afin de constater les travaux restant à réaliser ; que par courrier en recommandé avec accusé réception, le centre hospitalier de Montfavet a, le 25 juillet 2007, en application des articles 49-3 et 49-4 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux, décidé de résilier aux frais et risques de l'entreprise Mialon Sud TP le marché n° 2005/190 et a informé l'entreprise qu'il refusait de réceptionner les ouvrages réalisés ;
2. Considérant que le centre hospitalier a émis, le 12 février 2013, un titre exécutoire tendant au recouvrement de la somme de 167 573,92 euros au titre du solde du marché ; que la société Mialon Sud TP relève appel du jugement du 4 juin 2015 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté ses demandes, d'une part, d'annulation de la décision de mise en régie du 25 juillet 2007 et du titre exécutoire émis par l'établissement le 12 février 2013, d'autre part de condamnation du centre hospitalier à lui payer la somme de 8 408,06 euros TTC, assortie des intérêts moratoires, en restitution de la retenue de garantie afférente à ce marché ;
Sur la décision de résiliation :
3. Considérant que, tant devant le tribunal administratif que devant la cour administrative d'appel, la société requérante a formé des conclusions à fin d'annulation de la décision de résiliation du marché, sans que ces conclusions puissent être interprétées comme une demande de reprise des relations contractuelles ; que de telles conclusions sont irrecevables ;
Sur la mise sous régie aux frais et risques de l'entreprise :
4. Considérant qu'aux termes de l'article 49 du cahier des clauses administratives générales travaux, dans sa rédaction applicable au marché en cause : " 49.1 A l'exception des cas prévus au 22 de l'article 15 et au 16 de l'article 46, lorsque l'entrepreneur ne se conforme pas aux dispositions du marché et aux ordres de service, la personne responsable du marché le met en demeure d'y satisfaire dans un délai déterminé, par une décision qui lui est notifiée par écrit. Ce délai, sauf pour les marchés intéressant la défense ou en cas d'urgence, n'est pas inférieur à 15 jours à compter de la date de notification de la mise en demeure. / 49.2. Si l'entrepreneur n'a pas déféré à la mise en demeure, une mise en régie à ses frais et risques peut être ordonnée, ou la résiliation du marché peut être décidée/ 49.3. Pour établir la régie, laquelle peut n'être que partielle, il est procédé, l'entrepreneur étant présent ou ayant été dûment appelé, à la constatation des travaux exécutés et des approvisionnements existants, ainsi qu'à l'inventaire du matériel de l'entrepreneur et à la remise à celui-ci de la partie de ce matériel qui n'est pas utile à l'achèvement des travaux poursuivis en régie. L'entrepreneur peut être relevé de la régie s'il justifie des moyens nécessaires pour reprendre les travaux et les mener à bonne fin. Après l'expiration d'un délai d'un mois suivant la notification de la décision de mise en régie, la résiliation du marché peut être décidée. / 49. 4. La résiliation du marché décidée en application du 2 ou du 3 du présent article peut être soit simple, soit aux frais et risques de l'entrepreneur. (...) " ;
5. Considérant en premier lieu, que la société requérante soutient, par un moyen nouveau en appel qui, contrairement à ce que soutient le centre hospitalier est recevable dès lors qu'il relève de la même cause juridique que ceux soulevés en première instance, que MmeB..., auteur de la mise en demeure du 25 juin 2007, n'était pas la personne responsable du marché et ne pouvait lui adresser la mise en demeure préalable à la mise en régie ; qu'il ressort de l'article 2.1 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés de travaux que " la personne responsable du marché est le représentant légal du maître d'ouvrage ou la personne physique désignée par le maître d'ouvrage pour le représenter dans l'exécution du marché " ; que si Mme B...est désignée dans les documents de mise en concurrence comme la personne auprès de laquelle des informations complémentaires peuvent être obtenues et si elle a participé aux réunions de chantier en tant que responsable de l'opération de reconstruction de l'unité pour malades difficiles, ces seules mentions ne pouvaient la faire regarder comme la personne physique régulièrement désignée par le maître d'ouvrage pour le représenter dans l'exécution du marché, alors que l'acte d'engagement, notifié à la société, a été signé par M.C..., directeur du centre hospitalier ; que, par suite, la société Mialon Sud TP est fondée à soutenir que la mise en demeure préalable à la mise sous régie aux frais et risques de l'entreprise a été signée par une autorité incompétente ;
6. Considérant, en second lieu, que la société Mialon Sud TP fait valoir que le délai de quinze jours entre la mise en demeure de satisfaire aux dispositions du marché et la date déterminée pour y satisfaire, prévu par les dispositions précitées de l'article 49.1 n'a pas été respecté ; que le courrier du 25 juin 2007 notifié à l'entreprise, la mettant en demeure de réaliser les travaux prévus au marché, avant le 29 juin 2007, qui impose un délai de réalisation de quatre jours seulement, ne respecte pas les dispositions précitées de l'article 49.1 ;
7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la décision de mise en régie aux frais et risques de l'entreprise est intervenue sur une procédure irrégulière ; que, par voie de conséquence, la décision de résiliation du marché doit être regardée comme étant elle-même intervenue sur une procédure irrégulière, le délai d'un mois suivant la notification de la décision de mise en régie n'ayant pu commencer à courir ;
Sur le décompte du marché :
En ce qui concerne l'exception de forclusion opposée par le centre hospitalier :
8. Considérant qu'aux termes de l'article 50.32 du cahier des clauses administratives générales de travaux : " Si, dans le délai de six mois à partir de la notification à l'entrepreneur de la décision prise conformément au 23 du présent article sur les réclamations auxquelles a donné lieu le décompte général du marché, l'entrepreneur n'a pas porté ses réclamations devant le tribunal administratif compétent, il est considéré comme ayant accepté ladite décision et toute réclamation est irrecevable. Toutefois, le délai de six mois est suspendu en cas de saisine du comité consultatif de règlement amiable dans les conditions du 4 présent article. / (...) " ;
9. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le décompte général a été notifié par le centre hospitalier à l'entreprise Mialon Sud TP le 1er juillet 2011 ; que l'entreprise Mialon Sud TP l'a contesté par un mémoire en réclamation du 4 août 2011 ; que le mémoire en réclamation de la société Mialon Sud TP ayant fait l'objet d'une décision implicite de rejet, il lui était loisible, en vertu des stipulations précitées de l'article 50-31 du CCAG, de saisir le tribunal administratif sans que lui soit opposable le délai de six mois à partir de la notification de la décision prévu par les stipulations de l'article 50-32 dudit CCAG, lesquelles ne sont applicables de par leurs termes mêmes, que lorsqu'une décision a été prise par le maître de l'ouvrage sur les réclamations auxquelles a donné lieu le décompte général du marché ; que dès lors, la forclusion dont le centre hospitalier entend se prévaloir, sur le fondement de l'article 50.32 précité, à l'encontre de la requête présentée par la société SARL Mialon Sud TP n'est pas fondée ;
En ce qui concerne la régularité du décompte :
10. Considérant que la société requérante fait valoir que le décompte général notifié le 1er juillet 2011 est irrégulier au motif qu'un tel décompte avait déjà été établi en 2007 ; que, toutefois, le moyen ne peut qu'être écarté dès lors que le document dont elle se prévaut était un simple décompte mensuel faisant suite à la situation n° 10 ;
En ce qui concerne les conséquences financières de la résiliation :
11. Considérant que le caractère irrégulier de la décision de résilier un marché public fait obstacle à ce que le surcoût résultant de cette résiliation, et notamment le montant des marchés de substitution, soit mis à la charge de son titulaire, alors même que la résiliation serait justifiée au fond ;
12. Considérant qu'il en résulte que le centre hospitalier n'est pas fondé à demander au titulaire du marché le paiement des dépenses supplémentaires résultant des marchés conclus pour l'achèvement des travaux à la suite de la résiliation du contrat ;
13. Considérant qu'il y a lieu de déduire du décompte établi par le centre hospitalier le montant du surcoût occasionné par la mise en régie soit 132 737,22 euros hors taxes et de laisser à son crédit le montant de la retenue de garantie s'élevant à 8 408,06 euros ; que, par contre, le montant des pénalités de retard mis à la charge de la société, qu'elle ne conteste pas et qui s'élève à 14 400 euros, restent à son débit ; qu'il y a toutefois lieu de déduire du solde établi par le centre hospitalier la taxe sur la valeur ajoutée, qui ne s'applique pas aux pénalités de retard ;
14. Considérant qu'il résulte ainsi de tout ce qui précède que le solde du décompte général du marché s'établit à la somme de 5 997,80 euros toutes taxes comprises en faveur du centre hospitalier ;
15. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Mialon Sud TP est fondée, d'une part, à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a rejeté sa demande, d'autre part, à demander à être déchargée de l'obligation dont le recouvrement est poursuivi par le titre exécutoire en litige en tant qu'il met à sa charge une somme supérieure à 5 997,80 euros toutes taxes comprises ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
16. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge des parties les sommes demandées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nîmes du 4 juin 2015 est annulé.
Article 2 : La SARL Mialon Sud TP est déchargée de l'obligation de payer résultant du titre exécutoire du 12 février 2013 en tant qu'il met à sa charge une somme supérieure à 5 997,80 euros toutes taxes comprises.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la SARL Mialon Sud TP est rejeté.
Article 4 : Les conclusions des parties tendant au versement de sommes au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5: Le présent arrêt sera notifié à la SARL De Saint Rapt et Bertholet, agissant en qualité d'administrateur de la SARL Mialon Sud TP et au centre hospitalier de Montfavet.
Délibéré après l'audience du 13 mars 2017, où siégeaient :
- M. Moussaron, président,
- Mme Steinmetz-Schies, président-assesseur,
- M. Gautron, conseiller,
Lu en audience publique, le 27 mars 2017.
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N° 15MA03318