Par un jugement avant dire droit n° 0802348 du 9 juillet 2012, le tribunal administratif de Marseille a mis hors de cause la société Ortec Meca M2M et, avant de statuer sur la demande de la RTM en tant qu'elle est dirigée à l'encontre de la société Semafor, a ordonné une expertise.
Par un second jugement avant dire droit du 24 juin 2014, le tribunal administratif de Marseille a étendu à la demande de la RTM les opérations d'expertise aux sociétés Serma et Hydro-Safe.
Par un jugement n° 0802348 du 24 juillet 2015, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande de la société RTM et a mis à sa charge les frais d'expertise.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 23 septembre 2015, la régie des transports de Marseille (RTM), représentée par MeB..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 24 juillet 2015 ;
2°) à titre principal, de condamner les sociétés Hydro Safe, Serma et Semafor à lui verser la somme de 182 170 euros en réparation des désordres survenus sur un locotracteur ;
3°) à titre subsidiaire, d'ordonner une nouvelle expertise étendue à la société Walterscheid ;
4°) de mettre une somme de 3 000 euros à la charge des sociétés Hydro Safe, Serma et Semafor au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
5°) de condamner les sociétés Hydro Safe, Serma et Semafor aux dépens.
Elle soutient que :
- les premiers juges ont omis de statuer sur les conclusions dirigées contre la société Semafor ;
- le jugement a été rendu à l'issue d'une procédure irrégulière, en violation des dispositions de l'article R. 621-9 du code de justice administrative ;
- son action à l'encontre de la société Hydro Safe n'est pas prescrite ;
- elle est fondée à rechercher la responsabilité de la société Hydro Safe qui a fourni et posé le raccord hydraulique à l'origine de l'incendie du locotracteur ;
- la société Serma est également responsable de la survenue de cet incendie dès lors qu'elle a participé aux travaux de pose de ce raccord ;
- la responsabilité de la société Semafor doit être retenue en sa qualité de fabricant du locotracteur et les travaux de pose du raccord ayant été réalisés sous sa direction ;
- une nouvelle expertise étendue au fabricant du raccord est nécessaire ;
- elle justifie de ses préjudices, constitués par le coût de réfection du locotracteur et par des frais d'immobilisation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 novembre 2015, la société VFLI, venant aux droits de la société Serma, conclut :
- au rejet de la requête ;
- dans l'hypothèse d'une nouvelle expertise, à sa mise hors de cause ;
- à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la régie des transports de Marseille ou de tout autre succombant au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'action engagée à son encontre est prescrite ;
- les moyens soulevés par la régie des transports de Marseille ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 9 février 2016, la société Hydro Safe conclut :
- à titre principal, au rejet de la requête ;
- à titre subsidiaire, à ce que le montant des sommes mises à sa charge soit limité à 82 370 euros hors taxes ;
- à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la régie des transports de Marseille au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les conclusions dirigées à son encontre sont irrecevables comme formées pour la première fois en appel ;
- l'action de la régie des transports de Marseille est prescrite ;
- les moyens soulevés par la régie des transports de Marseille ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 15 juillet 2016, la société Semafor conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la régie des transports de Marseille au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par la régie des transports de Marseille ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 23 janvier 2017, la société GKN Walterscheid conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la régie des transports de Marseille.
Elle soutient que :
- les conclusions dirigées à son encontre et à l'encontre des sociétés Hydro-Safe et Serma sont présentées pour la première fois en appel ;
- elles sont dépourvues de fondement juridique ;
- les moyens soulevés par la régie des transports de Marseille ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Héry,
- les conclusions de M. Thiele, rapporteur public,
- et les observations de MeB..., représentant la régie des transports de Marseille, de MeA..., représentant la société Hydro Safe, de MeC..., représentant la société VFLI et de MeD..., représentant la société GKN Walterscheid.
1. Considérant que la régie des transports de Marseille (RTM) a acquis en 1996 auprès de la société Semafor un locotracteur destiné à tracter un train de travaux ; qu'un incendie est survenu sur ce véhicule le 13 juin 2006 ; qu'après avoir obtenu en référé la désignation d'un expert, la RTM a saisi le tribunal administratif de Marseille d'une demande tendant à titre principal à la condamnation de la société Ortec Meca M2M, chargée de la maintenance du matériel, à l'indemniser des préjudices résultant de ce sinistre et, à titre subsidiaire, à ce que la responsabilité de la société Semafor soit engagée au titre de la garantie des vices cachés ; que par un jugement du 9 juillet 2012, le tribunal administratif de Marseille a mis hors de cause la société Ortec Meca M2M et a ordonné une nouvelle expertise au contradictoire de la société Semafor ; que les opérations d'expertise ont ensuite été étendues par jugement du 24 juin 2014 aux sociétés Serma et Hydro Safe ; que la RTM relève appel du jugement du 24 juillet 2015 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande et a mis à sa charge les frais d'expertise ;
2. Considérant que les conclusions tendant à la condamnation de la société GKN Walterschied, présentées directement devant la Cour, sont irrecevables comme nouvelles en appel ;
Sur la régularité du jugement :
3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés " ;
4. Considérant qu'en indiquant dans les points 2 à 4 du jugement que le sinistre survenu sur le locotracteur trouvait son origine dans la fissuration d'un raccord posé et fourni par la société Hydro Safe lors d'une modification du réseau hydraulique, laquelle devait être déclarée responsable de l'ensemble des préjudices subis par la RTM, les premiers juges ont implicitement écarté la responsabilité de la société Semafor ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le tribunal administratif aurait omis de statuer sur les conclusions dirigées à l'encontre de cette société doit être écarté ;
5. Considérant qu'aux termes de l'article R. 621-9 du code de justice administrative : " Le rapport est déposé au greffe en deux exemplaires. Des copies sont notifiées par l'expert aux parties intéressées (...) Les parties sont invitées par le greffe de la juridiction à fournir leurs observations dans le délai d'un mois (...) " ;
6. Considérant que chaque partie ou l'avocat qui la représente se voit notifier un code d'accès au système informatique de suivi de l'instruction qui lui permet de vérifier à tout moment l'état de la procédure ; que lors de la réception de l'avis d'audience, une partie peut solliciter le report de l'audience s'il apparaît que l'expert a déposé son rapport sans le lui notifier et qu'elle n'a pas été destinataire d'une invitation à produire ses observations ; qu'à la suite de l'avis d'audience qui lui a été communiqué le 18 juin 2015 et dont son conseil a accusé réception le même jour, la RTM n'a pas sollicité de report d'audience et n'a pas signalé au greffe la double circonstance qu'elle n'aurait été destinataire ni du rapport d'expertise, qu'elle joint au demeurant à sa requête d'appel, ni de la lettre du greffe l'invitant à produire ses observations ; que, dès lors, elle ne saurait se prévaloir de ce que le jugement aurait été rendu à l'issue d'une procédure irrégulière ;
Sur le fond :
7. Considérant, en premier lieu, que l'expert s'est explicitement prononcé sur le rôle de la société Semafor, en indiquant notamment qu'aucun élément ne permettait d'affirmer que celle-ci serait intervenue lors des travaux réalisés sur le locotracteur ; que, par suite, le moyen tiré de ce que l'expert n'aurait pas intégralement rempli sa mission doit être écarté ;
8. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 1641 du code civil : " Le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus. " ; que l'article 1648 du code civil, dans sa rédaction applicable à la date de l'installation du raccord en cause : " L'action résultant des vices rédhibitoires doit être intentée par l'acquéreur, dans un bref délai, suivant la nature des vices rédhibitoires, et l'usage du lieu où la vente a été faite (...) " ;
9. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la RTM a eu connaissance au mois d'octobre 2007 des conclusions de l'expert imputant l'origine de l'incendie survenu sur le locotracteur à la conception et à la réalisation d'un raccord installé sur le système hydraulique dans le cadre de la modification dudit circuit ; que si l'expert ne mentionne pas à cette date l'identité de la société ayant fourni et installé ce raccord, la RTM ne saurait prétendre n'avoir découvert son nom qu'à l'occasion de la remise du rapport d'une autre expertise réalisée pour son propre compte en mars 2013, alors qu'elle a commandé la modification du système hydraulique à la société Hydro Safe le 6 mars 2000 ; que par suite, en application des principes issus de l'article 1648 du code civil, la responsabilité de la société Hydro Safe ne peut être engagée pour vice caché, à défaut pour la RTM d'avoir introduit une action à son encontre dans un délai devant nécessairement être bref ;
10. Considérant, en troisième lieu, que la société Serma, à laquelle la société Hydro Safe avait confié la réalisation du schéma de mise en oeuvre du couplage hydraulique - lequel n'est pas à l'origine de l'incendie - n'a ni fourni ni posé le raccord en cause ; que, dès lors, il y a lieu de la mettre hors de cause ;
11. Considérant, en dernier lieu, qu'à supposer même que le locotracteur acquis par la RTM auprès de la société Semafor ait présenté des dysfonctionnements causés par le système hydraulique initial qui n'était pas adapté à un usage du véhicule sur rail, les désordres dont la régie des transports de Marseille demande réparation ne trouvent pas leur origine dans ce défaut, mais du fait d'une " fissure de fatigue " survenue sur la partie métallique d'un raccord en T, qui a entraîné la fuite de gouttes d'huile ayant ensuite embrasé le moteur ; qu'ainsi, en l'absence de lien direct de causalité entre les dysfonctionnements allégués du locotracteur et l'incendie survenu en juin 2006, la responsabilité de la société Semafor ne saurait être engagée sur le fondement de la garantie des vices cachés ;
12. Considérant que la RTM soutient, en se prévalant de l'expertise privée réalisée à sa demande en 2013, que la société Semafor aurait été associée à la décision de coupler le circuit hydraulique puis aurait dirigé la réalisation des travaux ; que la participation d'un représentant de la société à une réunion organisée par la régie en 2000 et portant sur la modification du circuit hydraulique au cours de laquelle la société Hydro Safe a exposé le type de travaux envisagés ne saurait à elle seule, même si la solution proposée a été acceptée par la société Semafor, faire regarder celle-ci comme ayant été associée à la prise de décision et comme ayant dirigé la réalisation des travaux ; qu'en l'absence de production par la RTM de tout élément de nature à corroborer ses affirmations, la responsabilité de la société Semafor ne saurait par suite être engagée à ce titre ;
13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité des conclusions dirigées à l'encontre des sociétés Hydro Safe, Serma et Semafor, que la régie des transports de Marseille n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
14. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge des parties les sommes demandées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la régie des transports de Marseille est rejetée.
Article 2 : Les conclusions des sociétés Semafor, Hydro Safe, VFLI et Walterscheid tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la régie des transports de Marseille, à la société Semafor, à la société Hydro Safe, à la société VFLI et à la société GKN Walterscheid.
Délibéré après l'audience du 13 mars 2017, où siégeaient :
- M. Moussaron, président,
- Mme Steinmetz-Schies, président-assesseur,
- Mme Héry, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 27 mars 2017.
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N° 15MA03953