Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 5 avril 2018 et le 28 février 2019, la SARL Lombricorse, représentée par Me F..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 15 février 2018 ;
2°) d'annuler les arrêtés du 20 août 2015 et du 19 octobre 2015 du préfet de la Haute-Corse ;
3°) d'annuler par voie de conséquence les décisions des 15 janvier 2016, 22 janvier 2016 et 9 février 2016 du préfet portant maintien de la mesure de suspension ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 8 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
S'agissant de la régularité du jugement :
- le tribunal a omis de répondre au moyen tiré de ce que la mise en demeure en litige est illégale en ce qu'elle a pour objet d'imposer des prescriptions supplémentaires nouvelles ;
- il n'a pas répondu au moyen tiré du défaut d'habilitation des personnes autorisées à dresser rapport et à signer ces rapports ;
- il s'est abstenu de répondre au moyen tiré de ce que les conditions dans lesquelles se sont déroulés les contrôles sont entachées d'irrégularité ;
- les premiers juges n'ont pas répondu au moyen tiré de ce qu'aucune conséquence juridique ne pouvait découler de constatations non étayées techniquement et donc subjectives s'agissant particulièrement des émanations odorantes ;
- ils n'ont pas répondu au moyen tiré de ce que le recours à une étude de faisabilité n'était pas nécessaire ;
- s'agissant de la décision de suspension, le tribunal n'a pas répondu au moyen tiré de ce qu'elle ne tient pas compte de l'utilité publique de l'exploitation ni à celui tiré de l'absence de prise en considération du bilan " coût avantages " de cette mesure ;
- le jugement est taisant sur le moyen tiré de ce que la sanction est disproportionnée ;
S'agissant de la validité des écritures de la ministre devant la Cour :
- la compétence du signataire du mémoire en défense de l'administration n'est pas établie ;
- la ministre ne saurait valablement renvoyer, dans ce mémoire, aux écritures de première instance du préfet de la Haute-Corse sans articuler des moyens propres ;
S'agissant de l'arrêté du 20 août 2015 portant mise en demeure :
- le préfet n'était pas en situation de compétence liée dès lors qu'il a porté une appréciation sur les faits et sur leur qualification juridique ;
- à défaut d'urgence, le préfet aurait dû saisir le conseil départemental de l'environnement, des risques sanitaires et technologiques (CODERST) ou la commission départementale de la nature des paysages et des sites en formation spéciale carrière ;
- les rapports de contrôle sont irréguliers en ce qu'ils ne font état ni du périmètre du contrôle, ni des conditions dans lesquelles les débats se sont déroulés, ni des observations de l'exploitant pendant et après la visite sur le site ;
- le rapport d'inspection du 29 septembre 2014 est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation en ce qu'il conclut à l'existence d'odeurs en provenance des installations qu'elle exploite sans se fonder sur une mesure technique ou un relevé scientifique des odeurs et sans que qu'il soit procédé à une recherche ou un relevé de météorologie ;
- il n'a été tenu aucun compte de l'étude d'impact olfactif des installations en cause réalisée par le bureau d'études Egis Environnement à la demande des services de la préfecture ;
- le rapport d'inspection du 12 mai 2015 a été incompétemment signé ;
- ce rapport est illégal en ce qu'il repose sur la visite du 30 avril 2015, qui n'était pas un contrôle inopiné et qui aurait donc dû faire l'objet d'une information préalable de l'exploitant ;
- il ne détaille pas les conditions de cette visite du 30 avril 2015 ;
- dès lors que l'agent ayant effectué le contrôle a constaté que les boues traitées n'étaient à l'origine d'aucune odeur, il ne pouvait affirmer que l'installation méconnaissait les articles 3.7, 6.1, et 6.2.2 de l'annexe de l'annexe I de l'arrêté du 12 juillet 2011 ;
- la compétence du signataire du rapport d'inspection du 10 juillet 2015 n'est pas établie ;
- ce rapport est illégal en ce qu'il porte sur des faits qui n'ont pas été constatés par ses rédacteurs ;
- il est illégal, s'agissant des constats opérés lors de la visite du 30 avril 2015 dès lors que celle-ci n'a pas fait l'objet d'une information préalable de l'exploitant ;
- il n'est pas justifié d'une information préalable formelle pour la visite du 1er juin 2015 ;
- le rapport est illégal en ce qu'il porte sur des constats opérés au cours de ces deux visites, sans précision sur les dates respectives de ces constats ;
- la visite du 1er juin 2015 n'a pas respecté la procédure prévue pour les contrôles périodiques ou circonstanciels ;
- les constatations relatives aux odeurs ne reposent sur aucun relevé technique ;
- l'affirmation contenue dans ce rapport du 10 juillet 2015 selon laquelle les boues de stations d'épuration (STEP) sont entreposées à l'air libre est erronée en fait ;
- Il n'existe aucun effluent gazeux qui laisserait supposer une méconnaissance de l'article 6.1 de l'annexe de l'annexe I de l'arrêté du 12 juillet 2011 ;
- ce rapport du 10 juillet 2015 est entaché de détournement de procédure dès lors que la prétendue méconnaissance de l'article 6.1 de l'annexe de l'annexe I de l'arrêté du 12 juillet 2011 ne pouvait donner lieu à mise en demeure mais aurait dû conduire le préfet à lui imposer de compléter son dossier ou à lui imposer une prescription nouvelle ;
- à défaut de justifier de la prise de mesure scientifique lors de la visite du 1er juin 2015 et de la réalité de la plainte qui aurait suscité cette visite, la méconnaissance de l'article 6.2.2 de l'annexe de l'annexe I de l'arrêté du 12 juillet 2011 n'est pas établie ;
- le rapport de contrôle du 4 août 2015 est illégal en ce qu'il se fonde sur les rapports du 12 mai 2015 et du 10 juillet 2015, eux-mêmes illégaux ;
- il est illégal en ce qu'il ne distingue pas les constats opérés lors des visites du 30 avril 2015 et du 18 juin 2015 et omet de citer la visite du 1er juin 2015 ;
- ce rapport fait état de nuisances olfactives en se fondant seulement sur une plainte d'un riverain et le ressenti des agents de l'administration, sans tenir compte des conclusions de l'étude réalisée par le bureau d'études Egis Environnement ni s'appuyer sur une mesure technique propre ;
- il se fonde sur de prétendues plaintes émises en juin 2015, non produites et injustifiées ;
- la mise en demeure en litige est illégale en ce qu'elle a pour objet d'imposer des prescriptions supplémentaires nouvelles ;
- la prescription de la réalisation d'une étude de faisabilité ne s'imposait pas dès lors que les dispositions des articles 6.1 et 6.2.2 de l'annexe de l'annexe I de l'arrêté ministériel du 12 juillet 2011 n'étaient pas méconnues ;
- aucun entreposage des boues à l'air libre n'est effectué au sein des installations en cause et il ne pouvait donc être imposé, sur le fondement de la méconnaissance de l'article 3.7 de l'annexe de l'annexe I de l'arrêté du 12 juillet 2011, l'établissement d'une étude technique de faisabilité par la voie d'une mise en demeure ;
- la décision de mise en demeure contestée est entachée d'erreur de droit, de détournement de procédure et de détournement de pouvoir dès lors que si le préfet entendait imposer des contraintes nouvelles, il aurait dû prendre un arrêté complémentaire ;
- si l'administration fait état de gênes olfactives, elle n'appuie son appréciation sur aucun prélèvement ni mesure scientifique et l'étude de faisabilité prescrite n'était pas nécessaire dès lors que les seuils réglementaires n'étaient pas dépassés ;
- la réalité et la teneur des 80 plaintes prétendument reçues par le préfet ne sont pas justifiées ;
- le rapport du bureau d'études Egis Environnement conclut que la fréquence et l'intensité des nuisances olfactives pour le voisinage est négligeable ;
- le préfet a privilégié les intérêts particuliers de deux riverains des installations en cause à l'intérêt général ;
- les délais imposés par l'arrêté de mise en demeure contesté étaient trop courts ;
S'agissant de l'arrêté du 19 octobre 2015 portant suspension du fonctionnement des installations :
- la procédure contradictoire n'a pas été respectée, ce qui l'a privée d'une garantie ;
- le préfet aurait dû faire valoir ses propres motifs pour justifier cette sanction ;
- l'arrêté querellé est insuffisamment motivé en droit ;
- il ne précise pas en quoi l'installation n'est pas conforme aux prescriptions de l'autorisation délivrée ;
- l'arrêté en litige est illégal en raison de l'illégalité de l'arrêté du 20 août 2015 portant mise en demeure tenant à ce que cette mise en demeure a pour objet d'imposer des prescriptions supplémentaires nouvelles ;
- il est illégal en raison de l'illégalité de l'arrêté du 20 août 2015 portant mise en demeure tenant à ce que celle-ci se fonde sur de prétendues nuisances olfactives, qui ne sont nullement établies ;
- cet arrêté n'impose pas de justifier de la réalisation des travaux dans le délai de quatre mois mais seulement de voir réaliser une étude de faisabilité technique des travaux dans le délai d'un mois et il ne prescrit nullement l'établissement d'un échéancier de travaux ;
- les services de la DREAL étaient incompétents pour constater la complétude du dossier de faisabilité technique ;
- il n'est pas justifié de la réalité et de la teneur des prétendues plaintes des trois riverains, en violation du droit à un procès équitable, ni des quatre-vingt messages de doléances qui auraient été recensés ;
- le préfet n'a aucunement caractérisé la prétendue gêne olfactive et n'a tenu aucun compte de l'étude du bureau d'études Egis Environnement concluant au caractère très limité des nuisances pour les riverains ;
- l'étude technique imposée par l'arrêté du 20 août 2015 ne se justifiait pas ;
- l'installation en cause respectait les prescriptions générales de l'arrêté ministériel du 12 juillet 2011 ;
- les prescriptions de l'arrêté de mise en demeure ont été respectées dès lors que les moyens de lutte contre l'incendie ont été complétés ;
- le maintien de la suspension est illégal dès lors qu'elle a satisfait aux injonctions contenues dans les arrêtés de mise en demeure ;
- les réserves émises suite à la remise de l'étude de faisabilité sont infondées ;
- il n'est pas justifié des retours d'expérience allégués concernant des installations aménagées dans des bâtiments fermés ;
- il ne saurait être tenu compte, pour justifier l'arrêté contesté, que les installations en cause se situeraient en zone inondable et ne seraient pas compatibles avec les règles d'urbanisme et le préfet ne saurait préjuger, au stade de l'analyse de l'étude de faisabilité, de la possibilité d'obtenir un permis de construire ;
- alors même que du fait de son antériorité, l'activité en cause pourrait légalement se poursuivre en dépit d'une incompatibilité avec les règles d'urbanisme, le règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Lucciana permet l'implantation d'installations classées pour la protection de l'environnement ainsi que les extensions mesurées des bâtiments existants ;
- l'activité de traitement des boues à des fins d'élaboration de compost est de nature agricole et est donc au nombre des exceptions aux interdictions prévues par le plan de prévention des risques d'inondation, de même que la construction projetée, de type hangar ;
- les riverains installés postérieurement à la mise en service de l'exploitation ne pouvaient légitimement arguer d'aucune gêne et d'aucun préjudice consécutif ;
- le préfet a privilégié les intérêts particuliers par rapport à l'intérêt général et à l'utilité publique et a ainsi commis un détournement de procédure ;
- le bilan " coûts avantages " n'a pas été pris en compte ;
- l'arrêté querellé est entaché de détournement de procédure dès lors que l'intention réelle du préfet est d'imposer la fermeture définitive de l'exploitation ;
- la mesure de suspension de l'activité est disproportionnée ;
S'agissant des décisions des 15 janvier 2016, 22 janvier 2016 et 9 février 2016 portant refus de lever la mesure de suspension de l'activité :
- l'étude de faisabilité a été remise dans les délais prescrits et elle était complète ;
- le refus de lever la mesure de suspension est illégal en ce qu'il est fondé sur la non-réalisation des travaux alors que l'arrêté du 19 octobre 2015 était muet sur ce point ;
- il est illégal en ce qu'il est fondé sur une prétendue impossibilité de mettre en oeuvre les préconisations de l'étude de faisabilité du fait des dispositions du plan de prévention des risques d'inondation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 11 février 2019, la ministre de la transition écologique et solidaire conclut au rejet de la requête.
Elle fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 ;
- l'arrêté du 12 juillet 2011 relatif aux prescriptions générales applicables aux installations classées de compostage soumises à déclaration sous la rubrique n° 2780 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Coutier, premier conseiller,
- les conclusions de M. Chanon, rapporteur public,
- et les observations de Me E..., substituant Me F..., représentant la SARL Lombricorse.
Considérant ce qui suit :
1. La SARL Lombricorse exploite depuis 2006, sur le territoire de la commune de Lucciana, près de l'aéroport de Bastia, une activité d'élaboration de compost à partir de boues de stations d'épuration (STEP), activité inscrite à la rubrique n° 2780 de la nomenclature mentionnée à l'article L. 511-2 du code de l'environnement et ainsi soumise à la législation sur les installations classées pour la protection de l'environnement, particulièrement aux prescriptions générales prévues par l'arrêté ministériel du 12 juillet 2011. La société a fait l'objet de visites répétées de la part des services compétents de l'Etat suite aux protestations récurrentes des riverains de l'exploitation faisant état de nuisances olfactives. Au terme d'une nouvelle visite sur le site, intervenue le 29 septembre 2014, l'inspecteur de l'environnement, relevant que l'exploitant, à qui il avait été demandé de faire réaliser une étude portant sur les odeurs générées par son activité, avait insuffisamment mise en oeuvre les mesures préconisées par le rapport du bureau d'études remis en 2012 visant à réduire ces nuisances olfactives, a constaté que l'exploitation ne respectait pas l'article 6.2.3 de l'arrêté ministériel du 12 juillet 2011. Il a alors demandé à la société de faire réaliser une nouvelle étude d'odeurs. La SARL Lombricorse a mandaté à cette fin le bureau d'études Egis Environnement, qui a rendu ses conclusions en janvier 2015, lesquelles indiquent que les zones d'habitations les plus proches présentent une fréquence de dépassement de la valeur seuil de 5 ouE/m3 inférieure à 2 % du temps, ou inférieures à 7 jours non consécutifs dans l'année, et que les riverains les plus impactés, dans le quartier Pruniccia, peuvent ressentir des nuisances olfactives avec une fréquence de 1 % du temps, soit 3,5 jours non consécutifs dans l'année. Les récriminations des riverains quant aux émanations d'odeurs n'ayant cependant pas cessé, et après la survenue d'un premier incendie, le 2 mars 2015, qui a affecté au sein de l'installation l'ensemble du massif de compost en phase de maturation, l'inspecteur de l'environnement a relevé plusieurs faits, consignés dans son rapport daté du 12 mai 2015 consécutif à une visite de l'exploitation le 30 avril 2015, qui l'ont conduit à constater que l'exploitation ne respectait pas les dispositions 3.7, 4.2, 6.1 et 6.2.2 de l'arrêté ministériel du 12 juillet 2011. Un rapport d'inspection daté du 10 juillet 2015, qui ajoute aux observations effectuées lors de la visite du 30 avril 2015 celles relevées lors d'une visite du 1er juin 2015, confirme le non-respect des dispositions 3.7, 6.1 et 6.2.2 de l'arrêté ministériel du 12 juillet 2011 et propose de faire application des dispositions de l'article L. 171-8 du code de l'environnement en mettant en demeure l'exploitant de respecter ces prescriptions. Par un arrêté du 20 août 2015, le préfet de la Haute-Corse a mis en demeure la SARL Lombricorse de produire une étude de faisabilité technique des travaux à réaliser pour canaliser les odeurs dans un délai d'un mois et de réaliser ces travaux dans un délai de quatre mois. Puis constatant, à la suite d'une visite d'inspection le 4 septembre 2015, que l'exploitant n'avait pas produit l'étude de faisabilité dans le délai imparti et qu'elle ne respectait pas ses obligations en matière de lutte contre l'incendie, le préfet a suspendu l'activité de l'exploitation par arrêté du 19 octobre 2015. Par deux recours distincts, la SARL Lombricorse a contesté devant le tribunal administratif de Bastia ces deux arrêtés ainsi que la décision implicite de rejet née du silence gardé par le préfet sur son recours gracieux formé contre l'arrêté du 20 août 2015 portant mise en demeure. Par jugement du 15 février 2018, le tribunal a rejeté cette demande. La SARL Lombricorse relève appel de ce jugement.
Sur l'exception d'irrecevabilité du mémoire en défense :
2. En premier lieu, et d'une part, aux termes de l'article 1er du décret du 27 juillet 2005 : " A compter du jour suivant la publication au Journal officiel de la République française de l'acte les nommant dans leurs fonctions ou à compter du jour où cet acte prend effet, si ce jour est postérieur, peuvent signer, au nom du ministre ou du secrétaire d'Etat et par délégation, l'ensemble des actes, à l'exception des décrets, relatifs aux affaires des services placés sous leur autorité : / 1°(...) les directeurs d'administration centrale (... ) ".
3. D'autre part, par décision du 18 septembre 2018, publiée au Journal officiel de la République française du 22 septembre 2018, le directeur des affaires juridiques du ministère de la transition écologique et solidaire a donné délégation de signature notamment à Mme D... A..., administratrice civile hors classe, à l'effet de signer, au nom du ministre, tous actes, arrêtés et décisions pour les affaires relatives aux risques pour l'environnement y compris en matière contentieuse. Mme A... était ainsi compétente pour signer le mémoire en défense présenté au nom de l'Etat dans la présente instance. Il y a lieu, par suite, d'écarter la fin de nonrecevoir opposée par la SARL Lombricorse.
4. En second lieu, aucun texte, ni aucun principe, ne font obstacle à ce que le ministre compétent pour défendre au nom de l'Etat devant la juridiction d'appel renvoie, dans ses écritures, pour tout ou partie à l'argumentation en défense déployée par le préfet devant la juridiction de première instance, qui lui-même a défendu au nom de l'Etat. Il n'y a dès lors pas lieu d'écarter des débats le mémoire en défense présenté dans la présente instance par la ministre de la transition écologique et solidaire.
Sur les conclusions de la requête tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Bastia du 15 février 2018 en tant qu'il statue sur la légalité de l'arrêté du 20 août 2015 du préfet de la Haute-Corse portant mise en demeure :
Sur la régularité, dans cette mesure, du jugement attaqué :
5. Il résulte des énonciations du jugement du 15 février 2018 que le tribunal, estimant que le préfet de la Haute-Corse se trouvait en situation de compétence liée pour prendre la décision du 20 août 2015 portant mise en demeure à l'encontre de la SARL Lombricorse dès lors qu'il avait été rendu destinataire d'un rapport de l'inspecteur de l'environnement faisant état de l'inobservation par celle-ci de conditions légalement imposées au titre de la législation sur les installations classées pour la protection de l'environnement, a expressément écarté comme étant inopérants " tous les vices, de légalité externe ou interne susceptibles d'affecter l'arrêté contesté du 20 août 2015 ". Ce faisant, les premiers juges ont apporté une réponse aux différents moyens soulevés par la SARL Lombricorse au soutien de ses conclusions tendant à l'annulation de cette décision. Par suite, en tout état de cause, il y a lieu d'écarter les moyens tirés de ce que le jugement attaqué est irrégulier aux motifs qu'il aurait omis de répondre au moyen tiré de ce que la mise en demeure en litige est illégale en ce qu'elle a pour objet d'imposer des prescriptions supplémentaires nouvelles, qu'il n'aurait pas répondu au moyen tiré du défaut d'habilitation des personnes autorisées à dresser rapport et à signer ces rapports, qu'il se serait abstenu de répondre au moyen tiré de ce que les conditions dans lesquelles se sont déroulés les contrôles sont entachées d'irrégularité, qu'il n'aurait pas répondu au moyen tiré de ce qu'aucune conséquence juridique ne pouvait découler de constatations non étayées techniquement et donc subjectives s'agissant particulièrement des émanations odorantes ni au moyen tiré de ce que le recours à une étude de faisabilité n'était pas nécessaire.
6. Au demeurant, à supposer même que la SARL Lombricorse aurait entendu soutenir que le tribunal a écarté à tort comme étant inopérants certains de ces moyens, cette critique relève du bien-fondé du jugement et n'affecte pas sa régularité.
Sur le bien-fondé, dans cette mesure, du jugement attaqué :
7. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'environnement : " Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique. (...) ". Aux termes de l'article L. 171-6 de ce même code : " Lorsqu'un agent chargé du contrôle établit à l'adresse de l'autorité administrative compétente un rapport faisant état de faits contraires aux prescriptions applicables, en vertu du présent code, à une installation, un ouvrage, des travaux, un aménagement, une opération, un objet, un dispositif ou une activité, il en remet une copie à l'intéressé qui peut faire part de ses observations à l'autorité administrative. ". Aux termes de l'article L. 171-8 dudit code : " I. - Indépendamment des poursuites pénales qui peuvent être exercées, en cas d'inobservation des prescriptions applicables en vertu du présent code aux installations, ouvrages, travaux, aménagements, opérations, objets, dispositifs et activités, l'autorité administrative compétente met en demeure la personne à laquelle incombe l'obligation d'y satisfaire dans un délai qu'elle détermine. (...) ". Et aux termes de l'article L. 172-1 de ce code : " I. - Outre les officiers et agents de police judiciaire et les autres agents publics spécialement habilités par le présent code, sont habilités à rechercher et à constater les infractions aux dispositions du présent code et des textes pris pour son application (...) les fonctionnaires et agents publics affectés dans les services de l'Etat chargés de la mise en oeuvre de ces dispositions (...). / Ces agents reçoivent l'appellation d'inspecteurs de l'environnement. / II. - Pour exercer les missions prévues au I, les inspecteurs de l'environnement reçoivent des attributions réparties en deux catégories : (...) / 2° Les attributions relatives aux installations classées pour la protection de l'environnement qui leur donnent compétence pour rechercher et constater les infractions prévues par les titres II, VI et VII du présent livre, le livre II et les titres Ier, II, III, IV, V et VII du livre V du présent code et les textes pris pour leur application. / III. - Les inspecteurs de l'environnement sont commissionnés par l'autorité administrative et assermentés pour rechercher et constater tout ou partie des infractions mentionnées au 1° ou au 2° du II du présent article. ".
8. Par ailleurs, le point 3.7 de l'annexe I de l'arrêté ministériel du 12 juillet 2011 intitulé " Conditions d'entreposage " dispose que " L'entreposage des matières entrantes se fait de manière séparée de celui des composts, par nature de produits, sur les aires identifiées réservées à cet effet. / Les produits finis destinés à un retour au sol sont entreposés par lots afin d'en assurer la traçabilité. / Tout entreposage à l'air libre de matières pulvérulentes, très odorantes ou fortement évolutives est interdit. (...) ". Selon le point 6.1 de cette annexe, intitulé " Prévention, captage et épuration des rejets à l'atmosphère " : " (...) / Les équipements et infrastructures susceptibles de dégager des fumées, gaz, poussières ou composés odorants sont exploités de manière à prévenir les émissions et sont, les cas échéant, munis de dispositifs permettant de collecter et canaliser les émissions. Les effluents gazeux canalisés sont récupérés et acheminés vers une installation d'épuration des gaz dont la sortie est implantée de manière à limiter la gêne pour le voisinage. / Cette règle d'implantation s'applique également aux sources d'odeurs diffuses dont les effluents gazeux ne sont pas collectés, telles que les andains de matières en cours de compostage, les lieux d'entreposage ouverts ou les lagunes. ". Et le point 6.2.2 de cette même annexe, intitulé " Prévention des émissions odorantes ", dispose que : " L'installation est aménagée, équipée et exploitée de manière à ce que son fonctionnement ne soit pas à l'origine de nuisances odorantes pour le voisinage. /L'exploitant veille en particulier à éviter, en toute circonstance, l'apparition de conditions anaérobies au niveau de l'entreposage des matières reçues ainsi que lors du traitement par compostage. (...) ".
9. D'une part, il résulte des dispositions citées au point 7 ci-dessus, éclairées par les travaux préparatoires de la loi du 19 juillet 1976 dont elles sont issues, que lorsque l'inspecteur des installations classées a constaté, selon la procédure requise par le code de l'environnement, l'inobservation de conditions légalement imposées à l'exploitant d'une installation classée, le préfet, sans procéder à une nouvelle appréciation de la violation constatée, est tenu d'édicter une mise en demeure de satisfaire à ces conditions dans un délai déterminé. Si l'article L. 171-8 du code de l'environnement laisse au préfet le choix entre plusieurs catégories de sanctions en cas de non-exécution de son injonction, la mise en demeure qu'il édicte n'emporte pas par elle-même une de ces sanctions. L'option ainsi ouverte en matière de sanctions n'affecte donc pas la compétence liée du préfet pour édicter la mise en demeure.
10. Toutefois, d'autre part, lorsqu'un manquement à l'application des conditions prescrites à une installation classée a été constaté, la mise en demeure prévue par les dispositions rappelées ci-dessus a pour objet, en tenant compte des intérêts qui s'attachent à la fois à la protection de l'environnement et à la continuité de l'exploitation, de permettre à l'exploitant de régulariser sa situation dans un délai déterminé, en vue d'éviter une sanction pouvant aller jusqu'à la suspension du fonctionnement de l'installation. Il incombe donc à l'administration, pour donner un effet utile à ces dispositions, de prescrire dans la mise en demeure un délai en rapport avec les mesures à prendre par l'exploitant.
11. En premier lieu, il résulte de l'instruction que le signataire du rapport d'inspection du 12 mai 2015, M. H... C..., chef du service Risques, énergie et transport à la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement de Provence-Alpes-Côte d'Azur exerçant également les missions d'inspecteur de l'environnement, était détenteur d'une carte nationale d'inspecteur, portant le numéro 2256 et valide jusqu'au 4 janvier 2019, attestant de son assermentation et le commissionnant avec les attributions relatives aux installations classées pour la protection de l'environnement pour rechercher et constater les infractions mentionnées au 2° du II de l'article L. 172-1 du code de l'environnement. S'agissant des rapports du 10 juillet 2015 et du 4 août 2015, leur signataire, M. G... B..., inspecteur de l'environnement affecté au sein de la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement de Corse par arrêté du 28 juin 2013 de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, a prêté serment devant le tribunal d'instance de Bastia le 3 octobre 2013. Il y a lieu, dès lors, d'écarter le moyen tiré de ce que ces rapports d'inspection auraient été incompétemment établis.
12. En deuxième lieu, la société appelante ne peut en tout état de cause soutenir que les contrôles effectués le 30 avril 2015 et le 1er juin 2015 sont irréguliers en ce qu'ils n'ont pas fait l'objet d'une information préalable de l'exploitant alors qu'il ne s'agissait pas de contrôles inopinés dès lors qu'aucun texte, à la date à laquelle ont été opéré ces contrôles, ne prévoyait une telle obligation de la part de l'administration. Il en est de même s'agissant de l'argumentation mettant en cause la méthodologie de ces contrôles et le formalisme des rapports.
13. En troisième lieu, il ne résulte pas de l'instruction que le préfet de la Haute-Corse aurait porté une quelconque appréciation sur les faits relevés par les inspecteurs de l'environnement dans les rapports dont il a été rendu destinataire en application de l'article L. 171-6 du code de l'environnement précité. Si, ainsi que le relève la société requérante, le préfet a indiqué dans ses écritures en défense devant le tribunal qu'il avait personnellement exercé son pouvoir d'appréciation, c'est toutefois en réponse à l'argumentation qu'elle a développée devant ce tribunal dans l'instance n° 1501182 dans laquelle elle contestait la légalité de l'arrêté du 19 octobre 2015 par lequel l'autorité préfectorale a suspendu le fonctionnement des installations en litige, instance distincte de celle tendant à l'annulation de l'arrêté du 20 août 2015 portant mise en demeure.
14. En quatrième lieu, la société appelante ne saurait utilement invoquer, pour soutenir que le préfet aurait dû saisir le conseil départemental de l'environnement et des risques sanitaires et technologiques avant de prononcer la mise en demeure contestée, les dispositions de l'article L. 512-20 du code de l'environnement, lesquelles ne trouvent à s'appliquer que lorsque le préfet envisage de prescrire, par des arrêtés spécifiques, la réalisation des évaluations et la mise en oeuvre des remèdes que rendent nécessaires soit les conséquences d'un accident ou incident survenu dans l'installation, soit les conséquences entraînées par l'inobservation des conditions imposées au titre la législation sur les installations classées pour la protection de l'environnement, soit tout autre danger ou inconvénient portant ou menaçant de porter atteinte aux intérêts visés à l'article L. 511-1.
15. En cinquième lieu, il résulte de l'instruction que les rapports des 12 mai 2015, 10 juillet 2015 et 4 août 2015, établis par les inspecteurs de l'environnement respectivement à la suite des visites du 30 avril 2015, du 1er juin 2015 et du 18 juin 2015 et transmis au préfet de la Haute-Corse en application des articles L. 171-6 et L. 514-5 du code de l'environnement, font état de ce que les boues de STEP, qui selon le processus théoriquement en place au sein de l'exploitation en litige, arrivent tôt le matin, sont mélangées à des copeaux de bois puis mises sans délai en andain sous tunnel, sont en réalité entreposées à l'air libre au moins jusqu'à la fin de la matinée, voire en début d'après-midi, alors qu'il s'agit de matières très odorantes, ce qui constitue une inobservation du point 3.7 de l'arrêté ministériel du 12 juillet 2011 cité au point 8 ci-dessus. Les rapports relèvent également que les effluents gazeux malodorants en provenance du mélange des boues de STEP avec les copeaux de bois réalisé à l'air libre, des andains et des lieux d'entreposage ouverts ne sont pas canalisés et acheminés vers une installation d'épuration des gaz, en méconnaissance du point 6.1 de cet arrêté ministériel. Les rapports constatent enfin que l'installation demeure à l'origine de nuisances olfactives pour le voisinage et que la disposition 6.2.2 de l'arrêté ministériel n'est ainsi pas respectée.
16. Eu égard à ces constats, qui ont été effectués par les inspecteurs selon la procédure requise par le code de l'environnement, la SARL Lombricorse ne pouvant à cet égard utilement invoquer le référentiel publié sur le site internet du ministère en charge de l'environnement qui n'a aucune valeur réglementaire, et dès lors que ces rapports ont été transmis au préfet de la Haute-Corse, celui-ci était tenu, ainsi qu'il a été dit au point 10 ci-dessus, de mettre en demeure l'exploitant de remédier aux écarts relevés. Il a ainsi pu légalement, par l'arrêté contesté, mettre en demeure la société de produire une étude de faisabilité technique des travaux à effectuer pour canaliser les odeurs et de réaliser l'ensemble des travaux correspondants. Cette injonction, qui n'avait pour seul but que de conduire l'exploitant à respecter les prescriptions générales précitées de l'arrêté ministériel du 12 juillet 2011, ne saurait être regardée, en l'espèce, comme étant constitutive de prescriptions complémentaires nouvelles qui auraient dû faire l'objet d'un arrêté spécifique pris sur le fondement de l'article L. 512-20 du code de l'environnement.
17. En sixième lieu, alors que la SARL Lombricorse invoque, sans autre précision, " la nature et la complexité de l'étude à réaliser " pour soutenir que le délai d'un mois fixé par le préfet dans l'arrêté querellé pour la production de l'étude de faisabilité était trop court, et qu'elle affirme que le délai de quatre mois pour la réalisation des travaux ne pouvait être préfixé sans connaître les préconisations de l'étude, ces délais n'apparaissent pas en l'espèce comme étant sans rapport avec les mesures à prendre par l'exploitant et sont effectivement de nature à donner un effet utile à la mise en demeure après que les inspecteurs de l'environnement ont à plusieurs reprises, en 2014 et 2015, rappelé à la société la nécessité de supprimer le stockage à l'air libre de matières malodorantes et d'autre part, de canaliser et traiter les effluents gazeux.
18. En dernier lieu, dès lors que le préfet de la Haute-Corse se trouvait, ainsi qu'il a été dit, en situation de compétence liée pour prendre l'arrêté de mise en demeure contesté, l'ensemble des autres moyens soulevés par la société requérante à l'encontre de cet acte doivent être écartés comme étant inopérants.
19. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL Lombricorse n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 20 août 2015 du préfet de la Haute-Corse portant mise en demeure.
Sur les conclusions de la requête tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Bastia du 15 février 2018 en tant qu'il statue sur la légalité de l'arrêté du 19 octobre 2015 du préfet de la Haute-Corse portant suspension du fonctionnement des installations exploitées par la SARL Lombricorse ainsi que sur la légalité des décisions des 15 janvier 2016, 22 janvier 2016 et 9 février 2016 du préfet portant maintien de la mesure de suspension :
Sur la régularité, dans cette mesure, du jugement attaqué :
20. Si, devant le tribunal, la SARL Lombricorse a soutenu que le préfet, en prononçant à son encontre une mesure de suspension d'activité, n'a pas tenu compte de l'utilité publique de l'exploitation ni n'a pris en considération le bilan " coût avantages " de cette mesure, aucun texte ni aucun principe n'imposent à l'autorité préfectorale de procéder à une telle analyse avant de prononcer l'une des sanctions prévues à l'article L. 171-8 du code de l'environnement. Le moyen était donc inopérant et les premiers juges n'étaient ainsi pas tenus d'y répondre. En tout état de cause, contrairement à ce que soutient la société appelante, le tribunal a expressément écarté, au point 13 du jugement attaqué, le moyen tiré de ce que la mesure de suspension était disproportionnée et a, ce faisant, nécessairement répondu à l'argumentation relative à l'utilité publique de cette exploitation et aux conséquences de la mesure litigieuse en termes de coût et de bénéfices. Les moyens tirés de ce que ledit jugement serait irrégulier doivent dès lors être écartés.
Sur le bien-fondé, dans cette mesure, du jugement attaqué :
21. En premier lieu, aux termes de l'article L. 171-6 du code de l'environnement : " Lorsqu'un agent chargé du contrôle établit à l'adresse de l'autorité administrative compétente un rapport faisant état de faits contraires aux prescriptions applicables, en vertu du présent code, à une installation, un ouvrage, des travaux, un aménagement, une opération, un objet, un dispositif ou une activité, il en remet une copie à l'intéressé qui peut faire part de ses observations à l'autorité administrative. ". Et selon l'avant-dernier alinéa de l'article L. 171-8 du même code, la mesure de suspension prévue au 3° de cet article est prise après avoir communiqué à l'intéressé les éléments susceptibles de fonder la mesure et l'avoir informé de la possibilité de présenter ses observations dans un délai déterminé.
22. D'une part, il est constant que, préalablement à l'édiction par le préfet de la Haute-Corse de l'arrêté du 19 octobre 2015 portant suspension de l'activité de l'installation en cause, la SARL Lombricorse a été rendue destinataire, conformément aux articles L. 514-5 et L. 171-6 du code de l'environnement, du rapport consécutif à la visite d'inspection du 24 septembre 2015.
23. Ce rapport de l'inspecteur de l'environnement, qui rappelle les faits ayant conduit à l'édiction de deux arrêtés de mise en demeure et qui constate que la SARL Lombricorse n'a pas pris les mesures utiles, indique qu'il est en conséquence proposé de faire application des dispositions prévues à l'article L. 171-8 du code de l'environnement " en portant suspension du fonctionnement de cette installation ", dans l'attente, d'une part, de la mise en place de moyens de lutte contre l'incendie conformes à ce qui est exigé par l'article 2 de l'arrêté de mise en demeure du 13 mars 2015, et d'autre part, de la fourniture d'une étude de faisabilité technique satisfaisant à l'exigence de l'article 1 de l'arrêté de mise en demeure du 20 août 2015. Le courrier de notification de ce rapport, daté du 1er octobre 2015 et que la société requérante admet avoir réceptionné, reprend ces indications et informe l'exploitant qu'il dispose d'un délai de dix jours pour faire part au préfet de ses observations. L'article L. 171-8 du code de l'environnement précité ne dispose pas que le préfet, avant de prendre sa décision de sanction, aurait à solliciter une nouvelle fois les observations de l'exploitant. Ainsi, dans les circonstances de l'espèce, et alors que la SARL Lombricorse a effectivement fait valoir ses observations par courrier du 10 octobre 2015, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué serait intervenu au terme d'une procédure irrégulière au motif que le principe du contradictoire aurait été méconnu.
24. D'autre part, aucun texte ni aucun principe ne font obligation au préfet, lorsqu'il prononce l'une des sanctions prévues à l'article L. 171-8 du code de l'environnement, de retenir des motifs propres, distincts de ceux figurant dans le rapport que l'inspecteur de l'environnement lui a transmis en application des dispositions de l'article L. 171-6.
25. En deuxième lieu, et d'une part, les installations en cause ne relèvent pas du régime de l'autorisation mais sont soumises à simple déclaration en vertu de l'annexe à l'article R. 511-9 du code de l'environnement définissant la nomenclature mentionnée à l'article L. 511-2 du même code. La SARL Lombricorse ne saurait en conséquence utilement soutenir que l'arrêté en litige " ne justifie pas précisément des prescriptions méconnaissant l'arrêté d'autorisation ". D'autre part, l'arrêté attaqué vise notamment le code de l'environnement et l'arrêté ministériel du 12 juillet 2011 relatif aux prescriptions générales applicables aux installations classées de compostage soumises à déclaration sous la rubrique n° 2780, dont relève l'activité exploitée par la société requérante, et indique, dans ses motifs, qu'eu égard à la gravité des atteintes aux intérêts protégés par l'article L. 511-1 du code de l'environnement, il y a lieu de faire application des dispositions de l'article L. 171-8 du même code en suspendant l'activité des installations visées par les arrêtés préfectoraux de mise en demeure en date du 13 mars 2015 et du 20 août 2015. Cet arrêté est ainsi suffisamment motivé en droit. Enfin, ainsi qu'il a été dit au point 16 ci-dessus, le préfet n'a pas imposé de prescriptions complémentaires à la SARL Lombricorse et l'arrêté portant suspension en litige fait ainsi mention, à juste titre, de la méconnaissance des arrêtés de mise en demeure pris antérieurement par le préfet de la Haute-Corse.
26. En troisième lieu, ainsi qu'il a été rappelé au point précédent, l'arrêté du 20 août 2015 portant mise en demeure n'a aucunement imposé des prescriptions complémentaires à la SARL Lombricorse. Il y a lieu, dès lors, d'écarter le moyen tiré de ce que l'arrêté en litige serait illégal en raison de l'illégalité de l'arrêté du 20 août 2015 tenant à ce que cette mise en demeure a pour objet d'imposer de telles prescriptions.
27. En quatrième lieu, il ne résulte pas de l'instruction que le préfet aurait fondé le maintien de la mesure de suspension en litige sur la méconnaissance par la SARL Lombricorse de l'arrêté du 19 octobre 2015 en ce qu'elle n'aurait justifié ni de la réalisation des travaux dans le délai de quatre mois, ni de la production d'un échéancier de ces travaux, ces demandes figurant seulement dans l'arrêté du 20 août 2015 portant mise en demeure.
28. En cinquième lieu, si seul le préfet est compétent, en vertu des dispositions combinées de l'article L. 171-8 et de l'article R. 512-47 et suivants du code de l'environnement, pour assurer la police des installations classées pour la protection de l'environnement soumises à déclaration, l'article R. 514-1 du même code confie à la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) l'organisation de l'inspection de l'environnement. La DREAL de Corse a ainsi pu compétemment se prononcer sur la complétude de l'étude de faisabilité produite par la SARL Lombricorse et transmettre ses conclusions sur ce point au préfet de la Haute-Corse.
29. En sixième lieu, ainsi qu'il a été dit au point 9 ci-dessus, le préfet de la Haute-Corse était tenu de mettre en demeure la SARL Lombricorse de remédier au non-respect des prescriptions tel que relevé par les inspecteurs de l'environnement. Le préfet ne disposait ainsi d'aucun pouvoir d'appréciation des faits constatés et la légalité de l'arrêté du 20 août 2015 ne saurait donc être contestée sur ce point. Il s'ensuit qu'il y a lieu d'écarter le moyen, soulevé par la voie de l'exception, tiré de l'illégalité de l'arrêté du 20 août 2015 portant mise en demeure tenant à ce que cette mise en demeure se fonde sur de prétendues nuisances olfactives qui ne seraient nullement établies.
30. En septième lieu, en soutenant que le préfet ne justifie pas de la réalité et de la teneur des prétendues plaintes des trois riverains ni des quatre-vingt messages de doléances qui auraient été recensés, qu'il n'a aucunement caractérisé la prétendue gêne olfactive ressentie par les riverains et qu'il n'a tenu aucun compte de l'étude du bureau d'études Egis Environnement concluant au caractère très limité des nuisances pour les riverains, la SARL Lombricorse doit être regardée comme contestant également, par la voie de l'exception, la légalité de l'arrêté du 20 août 2015 portant mise en demeure. Il y a donc lieu d'écarter ces moyens pour les mêmes motifs que ceux retenus au point précédent. Il en est de même s'agissant du moyen tiré de ce que l'étude technique imposée par l'arrêté du 20 août 2015 ne se justifiait pas au vu de l'étude EGIS Environnement de 2014 concluant à des nuisances olfactives très limitées et du nombre de riverains concernés très réduit, ainsi que du moyen tiré de ce que l'installation en litige respectait les prescriptions générales de l'arrêté ministériel du 12 juillet 2011.
31. En huitième lieu, la circonstance selon laquelle la SARL Lombricorse a fait installer, sur le site, une borne à incendie et qu'en conséquence les dispositions du point 4.2 de l'arrêté ministériel du 12 juillet 2011 sont désormais respectées n'est pas, à elle seule, de nature à justifier l'annulation ou l'abrogation de l'arrêté en litige, lequel est également fondé sur la non-satisfaction de l'article 1 de l'arrêté du 20 août 2015 aux termes duquel le préfet de la Haute-Corse a exigé la production, par la société, d'une étude de faisabilité des travaux à effectuer pour canaliser les odeurs dans le but de respecter les dispositions des points 3.7, 6.1 et 6.2.2 de cet arrêté ministériel.
32. En neuvième lieu, il résulte de l'instruction que la SARL Lombricorse a remis au préfet, par correspondances des 6 et 12 novembre 2015, une étude réalisée par le bureau d'études EGIS Environnement intitulée " étude des solutions de traitement des odeurs du site Lombricorse à Lucciana ". Si la société soutient qu'elle a ainsi satisfait à la mise en demeure du 20 août 2015, le préfet a cependant valablement pu estimer dans son courrier du 9 février 2016, après plusieurs échanges avec la société requérante ayant donné lieu à des compléments de sa part, que cette étude était demeurée incomplète notamment en ce qu'elle ne précise pas, d'une part, les conditions de déplacement des massifs de compost en maturation avant criblage sous le bâtiment que la société propose d'édifier, cette opération pouvant générer des émissions olfactives, d'autre part, la manière dont seront déplacées les boues mélangées et introduites dans les andains afin de minimiser les émissions lors de telles opérations, ou encore, les moyens permettant de contrôler les débits garantissant la dépression du bâtiment. En outre, l'étude remise ne comporte pas d'échéancier des travaux à effectuer alors qu'un tel échéancier était requis par l'article 1 de l'arrêté du 20 août 2015 portant mise en demeure. Enfin, contrairement à ce que soutient la SARL Lombricorse, ledit arrêté préfectoral du 20 août 2015 faisait bien état de l'inobservation du point 3.7 de l'annexe 1 de l'arrêté ministériel du 12 juillet 2011, lequel interdit l'entreposage à l'air libre des matières très odorantes. Dans ces conditions, l'étude produite par la société requérante ne peut être regardée comme répondant aux exigences fixées par cet arrêté du 20 août 2015 du préfet de la Haute-Corse à défaut, notamment, de traiter de la canalisation de l'ensemble des odeurs de l'installation de compostage. Par suite, et alors même que le préfet n'aurait pas justifié des retours d'expérience qu'il invoquait dans ses écritures devant le tribunal concernant des installations aménagées dans des bâtiments fermés, la société n'est pas fondée à soutenir que cette autorité aurait commis une erreur d'appréciation ou une erreur de droit en refusant de lever son arrêté portant suspension du fonctionnement de l'installation en litige. Il n'y a pas davantage lieu pour le juge des installations classées pour la protection de l'environnement, en l'état, d'abroger l'arrêté en litige.
33. En dixième lieu, si le préfet, dans son courrier du 9 février 2016, a fait état de ce que les installations en cause se situeraient en zone inondable et ne seraient ainsi pas compatibles avec les règles d'urbanisme, ce motif n'est pas au nombre de ceux qui fondent l'arrêté en litige, lesquels suffisent en tout état de cause à justifier légalement la mesure de suspension du fonctionnement de l'installation ainsi que son maintien.
34. En onzième lieu, si la SARL Lombricorse soutient que les riverains faisant état de nuisances olfactives générées par l'installation en cause ne sont pas fondés à invoquer un quelconque préjudice dès lors qu'ils se sont installés postérieurement à la mise en service de l'exploitation, elle n'apporte dans l'instance aucune indication sur les dates de ces installations. Le moyen n'est ainsi pas assorti des précisions suffisantes permettant à la Cour d'en apprécier le bien-fondé.
35. En douzième lieu, alors même que l'installation en cause présente un caractère d'utilité publique incontestable, il ne résulte aucunement de l'instruction que le préfet, qui en édictant la décision contestée a estimé que la mesure la plus appropriée pour sanctionner le non-respect de l'arrêté du 20 août 2015 portant mise en demeure et ainsi faire cesser l'inobservation par la SARL Lombricorse des prescriptions générales de l'arrêté ministériel du 12 juillet 2011 était de suspendre le fonctionnement de cette installation, aurait par cette décision privilégié les intérêts particuliers des riverains. Pour les mêmes raisons, et en tout état de cause, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de ce que le préfet aurait négligé le fait que l'installation en cause est unique aux alentours de Bastia et que les solutions alternatives, notamment l'acheminement des boues vers le continent, sont nécessairement plus coûteuses et présentent des risques sanitaires et environnementaux plus importants.
36. En treizième lieu, ainsi qu'il a été dit au point 25 ci-dessus, le préfet n'a pas imposé des prescriptions complémentaires par son arrêté du 20 août 2015 portant mise en demeure ni n'a posé, en estimant que l'étude de faisabilité produite par la SARL Lombricorse, d'exigences qui n'étaient pas prévues par l'arrêté du 19 octobre 2015 portant suspension du fonctionnement de l'installation. Par ailleurs, si cet arrêté portant suspension ne prévoyait certes pas de délai pour la réalisation des travaux, un délai de quatre mois était cependant fixé par l'article 1 de l'arrêté portant mise en demeure pour ce faire. Le défaut de réalisation desdits travaux justifiait dès lors le maintien de la mesure de suspension. Dans ces conditions, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que le préfet aurait eu pour intention réelle, en agissant comme il l'a fait, de voir fermer définitivement l'exploitation et aurait ainsi commis un détournement de procédure.
37. En quatorzième lieu, eu égard aux nombreuses mises en garde de la part des inspecteurs de l'environnement, particulièrement entre 2014 et 2015, s'agissant de l'inobservation des dispositions de l'annexe 1 de l'arrêté ministériel du 12 juillet 2011 relatives aux émissions odorantes, et compte tenu du fait que les injonctions contenue dans l'arrêté préfectoral du 20 août 2015 portant mise en demeure n'ont pas été suivies d'effet, la sanction de suspension du fonctionnement de l'installation en cause n'apparaît pas disproportionnée, alors même que l'installation en cause présenterait un caractère d'utilité publique.
38. En dernier lieu, il ne résulte pas de l'instruction qu'à la date du présent arrêt, la société appelante aurait satisfait aux exigences de l'article 1 de l'arrêté du 20 août 2015 portant mise en demeure. Dans ces conditions, la société appelante n'est en tout état de cause pas fondée à soutenir que les décisions du 15 janvier 2016, 22 janvier 2016 et 9 février 2016 du préfet de la Haute-Corse portant maintien de la mesure de suspension seraient illégales.
39. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL Lombricorse n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 19 octobre 2015 du préfet de la Haute-Corse portant suspension du fonctionnement des installations qu'elle exploite à Lucciana ainsi que des décisions des 15 janvier 2016, 22 janvier 2016 et 9 février 2016 du préfet portant maintien de cette mesure de suspension.
Sur les frais liés au litige :
40. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ".
41. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la SARL Lombricorse demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la SARL Lombricorse est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Lombricorse et à la ministre de la transition écologique.
Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Corse.
Délibéré après l'audience du 18 septembre 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Pocheron, président de chambre,
- M. Guidal, président-assesseur,
- M. Coutier, premier conseiller.
Lu en audience publique le 2 octobre 2020.
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N° 18MA01484
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