Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 13 août 2018, sous le n° 18MA03925, M. B..., représenté par Me E... demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes du 12 juin 2018 ;
2°) d'annuler la décision du 8 août 2016 ;
3°) d'enjoindre à la direction départementale des territoires de la Lozère de procéder à la modification de la carte des cours d'eau, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé concernant la qualification de cours d'eau ;
- les critères cumulatifs permettant de qualifier l'émissaire de cours d'eau ne sont pas remplis dès lors que son débit est insuffisant, la naturalité du lit n'est pas établie, aucune source n'a été identifiée ;
- la direction départementale des territoires de la Lozère a pris en compte des critères supplétifs.
Par un mémoire en défense, enregistré le 14 janvier 2020, la ministre de la transition écologique et solidaire conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- la loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 ;
- l'instruction NOR : DEVL1506776J du Gouvernement du 3 juin 2015 relative à la cartographie et l'identification des cours d'eau et à leur entretien ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D...,
- et les conclusions de M. Chanon, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... relève appel du jugement du 12 juin 2018 du tribunal administratif de Nîmes qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 8 août 2016 par laquelle le directeur départemental des territoires de la Lozère a refusé de procéder au déclassement du cours d'eau présent sur son exploitation en fossé.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Il ressort du jugement attaqué que le tribunal a suffisamment répondu au moyen soulevé par M. B... tiré de ce que l'émissaire en cause ne constituerait pas un cours d'eau. La circonstance, à la supposer établie, que les premiers juges ne se soient pas prononcés sur les critères de l'existence d'un débit suffisant et de la naturalité du lit relève de l'erreur de droit qui doit être examinée dans le cadre du fond du litige. Par suite, ce jugement est suffisamment motivé.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. Constitue un cours d'eau un écoulement d'eaux courantes dans un lit naturel à l'origine, alimenté par une source et présentant un débit suffisant la majeure partie de l'année. Cette définition jurisprudentielle a été reprise à l'article L. 215-7-1 du code de l'environnement créé par la loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 et applicable à compter du 10 août 2016.
4. Il ressort des pièces du dossier que si l'émissaire traversant les terres exploitées par M. B... ne figure ni sur la carte de l'état major ni sur le cadastre, il est représenté sur la carte de Cassini qui est suffisamment fiable dès lors qu'elle constitue la première carte topographique et géométrique établie à l'échelle de tout le territoire français relevant tous les points et repères les plus marquants dans le paysage dont les cours d'eau, caractérisant ainsi un écoulement ancien dans un lit naturel. M. B... n'établit pas qu'il aurait été créé de la main de l'homme. Par ailleurs, deux visites de terrain ont permis d'établir que cet émissaire est issu d'une source diffuse constituée par une vaste zone humide dont l'écoulement se fait au point bas d'un talweg dans un exécutoire bien marqué et identifiable avant d'être conduit notamment vers le tronçon en litige. Elles ont également révélé que cet écoulement n'est pas lié aux seules précipitations, les visites ayant été réalisées après plusieurs jours sans pluie et qu'il est permanent en raison de la présence d'invertébrés aquatiques caractéristiques et de l'existence de transport de matériaux par l'observation de substrat différencié, ce qui atteste la présence d'un débit suffisant la majeure partie de l'année. La circonstance que ce cours d'eau ne soit pas répertorié sur les cartes d'état-major postérieures, le cadastre et la carte IGN de 1950 est sans incidence. Il en va de même de l'absence d'étude permettant de qualifier la source de zone humide, les visites de terrains étant suffisantes en l'espèce pour retenir cette qualification. Il s'en suit que le tribunal a estimé à juste titre que préfet de la Lozère a pu légalement qualifier cet émissaire de cours d'eau.
5. Il ressort de l'instruction du Gouvernement du 3 juin 2015 susvisée, qu'après avoir rappelé les critères applicables pour la définition des cours d'eau, cette instruction invite les services à prendre en considération, dans les cas résiduels où ces trois critères ne permettent pas de déterminer avec une certitude suffisante si un écoulement doit ou non être qualifié de cours d'eau, un faisceau d'indices de manière à pouvoir apprécier indirectement si ces critères sont remplis, notamment la présence de berges, d'un lit au substrat spécifique, de vie aquatique ou la continuité de l'écoulement d'amont en aval. Ces éléments ne sont pas présentés comme se substituant à l'application des critères posés par les règles rappelées au point 3, mais comme des indices destinés à déterminer s'ils sont ou non remplis. Par suite, le préfet de la Lozère n'a pas commis d'erreur de droit en prenant en considération un faisceau d'indices au sens de cette instruction pour apprécier la qualification de cours d'eau à partir des trois critères cumulatifs dont la présence d'une vie aquatique ainsi que le transport de substrat dans son lit. Le requérant n'est dès lors pas fondé à soutenir que l'absence des trois critères permettait d'aboutir avec certitude à l'absence de cours d'eau ni que le tribunal a méconnu le sens de l'instruction ministérielle.
6. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 8 août 2016.
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
7. Le présent arrêt qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par M. B... n'implique aucune mesure d'exécution. Il y a lieu, par suite, de rejeter les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte de M. B....
Sur les frais liés au litige :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. B... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à la ministre de la transition écologique.
Délibéré après l'audience du 18 septembre 2020, où siégeaient :
- M. Pocheron, président de chambre,
- M. Guidal, président assesseur,
- Mme D..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 2 octobre 2020.
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N° 18MA03925
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