Par un jugement n° 1501511 du 30 mai 2017, le tribunal administratif de Marseille a annulé la décision du 11 février 2015 du directeur interrégional des services pénitentiaires de Provence-Alpes-Côte d'Azur.
Par un arrêt n° 17MA03326 du 14 octobre 2019, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté le recours de la Garde des sceaux, ministre de la justice, dirigé contre ce jugement.
Par une décision n° 436721 du 19 juin 2020, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a, sur demande de la Garde des sceaux, ministre de la justice, annulé l'arrêt du 14 octobre 2019 de la cour administrative d'appel de Marseille et renvoyé l'affaire à la Cour.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 26 juillet 2017, la Garde des sceaux, ministre de la justice, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 30 mai 2017 du tribunal administratif de Marseille ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme D... A... devant le tribunal administratif de Marseille.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé et repose sur des circonstances de fait erronées ;
- les faits reprochés à l'intéressée caractérisent une atteinte grave au bon ordre et à la sécurité de l'établissement justifiant légalement en raison de leur gravité la mesure prise à son encontre ;
- la mesure d'interdiction de visite prise à l'encontre de Mme A... ne faisait pas obstacle à ce que l'intéressée conserve la possibilité de communiquer avec le détenu par voie téléphonique ou épistolaire.
La requête a été régulièrement communiquée à Mme A... qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Une mise en demeure a été adressée le 12 août 2019 à Mme A....
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 ;
- le code de procédure pénale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B...,
- et les conclusions de M. Chanon, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Par une décision du 11 février 2015, le directeur interrégional des services pénitentiaires de Provence-Alpes-Côte d'Azur a confirmé la décision du 6 janvier 2015 par laquelle le directeur du centre de détention de Marseille a retiré le permis délivré à Mme D... A... pour rendre visite à M. E... C..., à raison de la découverte sur celle-ci de vingt-quatre grammes de cannabis, d'un téléphone portable et d'une carte SIM qu'elle tentait d'introduire au sein de l'établissement pénitentiaire. Par un jugement du 30 mai 2017, le tribunal administratif de Marseille a annulé, à la demande de Mme A..., cette décision. Par un arrêt du 14 octobre 2019, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel de la Garde des sceaux, ministre de la justice dirigé contre ce jugement. Par une décision du 19 juin 2020, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a, sur demande de la Garde des sceaux, ministre de la justice, annulé cet arrêt du 14 octobre 2019 au motif que la Cour avait entaché son arrêt d'erreur de droit en déduisant que la décision de retrait du permis de visite revêtait un caractère disproportionné par rapport à la gravité des faits et leur caractère isolé au seul motif que ces objets et produits n'étaient pas de nature à favoriser une action violente de la part de M. C... et lui a renvoyé l'affaire.
2. D'une part, l'article 35 de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 dispose que : " Le droit des personnes détenues au maintien des relations avec les membres de leur famille s'exerce soit par les visites que ceux-ci leur rendent, soit, pour les condamnés et si leur situation pénale l'autorise, par les permissions de sortir des établissements pénitentiaires. Les prévenus peuvent être visités par les membres de leur famille ou d'autres personnes, au moins trois fois par semaine, et les condamnés au moins une fois par semaine. / L'autorité administrative ne peut refuser de délivrer un permis de visite aux membres de la famille d'un condamné, suspendre ou retirer ce permis que pour des motifs liés au maintien du bon ordre et de la sécurité ou à la prévention des infractions. / L'autorité administrative peut également, pour les mêmes motifs ou s'il apparaît que les visites font obstacle à la réinsertion du condamné, refuser de délivrer un permis de visite à d'autres personnes que les membres de la famille, suspendre ce permis ou le retirer. / Les permis de visite des prévenus sont délivrés par l'autorité judiciaire. / Les décisions de refus de délivrer un permis de visite sont motivées ". L'article R. 57-8-10 du code de procédure pénale désigne le chef d'établissement comme l'autorité responsable de la délivrance, de la suspension ou du retrait d'un permis de visiter une personne condamnée et le dernier alinéa de l'article R. 57-8-15 du même code dispose que : " Les incidents mettant en cause les visiteurs sont signalés à l'autorité ayant délivré le permis qui apprécie si le permis doit être suspendu ou retiré. " Aux termes de l'article R. 57-8-11 du même code : " Le chef d'établissement fait droit à tout permis de visite qui lui est présenté, sauf à surseoir si des circonstances exceptionnelles l'obligent à en référer à l'autorité qui a délivré le permis, ou si les personnes détenues sont matériellement empêchées, ou si, placées en cellule disciplinaire, elles ont épuisé leur droit à un parloir hebdomadaire. ".
3. Il résulte de ces dispositions que les décisions tendant à restreindre ou supprimer les permis de visite relèvent du pouvoir de police des chefs d'établissements pénitentiaires. Ces mesures de police, qui tendent au maintien du bon ordre et de la sécurité au sein des établissements pénitentiaires ou à la prévention des infractions, affectent directement le maintien des liens des personnes détenues avec leurs proches et sont susceptibles de porter atteinte à leur droit au respect de leur vie privée et familiale protégé par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il appartient en conséquence à l'autorité compétente de prendre les mesures nécessaires, adaptées et proportionnées à assurer le maintien du bon ordre et de la sécurité de l'établissement pénitentiaire ou, le cas échéant, la prévention des infractions sans porter d'atteinte excessive au droit des détenus. Par ailleurs, la possession d'un téléphone portable par un détenu, compte tenu de l'usage qui peut en être fait, notamment pour s'affranchir des règles particulières applicables, en vertu de l'article 727-1 du code de procédure pénale, aux communications téléphoniques des détenus et pour faire échec aux mesures de sécurité prises dans l'établissement pénitentiaire, doit être regardée comme la détention d'un objet dangereux.
4. Il ressort des pièces du dossier que Mme A..., qui le 25 juillet 2014 rendait visite à M. C..., détenu au centre de détention pénitentiaire de Marseille, a été trouvée lors d'une fouille en possession de vingt-quatre grammes de cannabis, d'un téléphone portable et d'une carte SIM qu'elle tentait d'introduire au sein de l'établissement pénitentiaire. D'une part, au regard de ces faits, le directeur interrégional des services pénitentiaires de Provence-Alpes-Côte d'Azur a pu légalement estimer que les visites effectuées par Mme A... à M. C... pouvaient présenter un risque pour le bon ordre et la sécurité publique au sein du centre de détention de Marseille, alors même que l'intéressée n'aurait jamais été pénalement condamnée à raison de tels agissements. D'autre part, le recours à une telle interdiction apparaît, dans les circonstances de l'espèce, alors que Mme A..., se présente comme une " amie " de M. C... sans faire état de l'existence d'une vie commune avec ce dernier ni apporter la moindre précision sur la durée de leur relation, adapté et proportionné, dès lors qu'il est constant qu'elle conservait la faculté de communiquer par voie téléphonique ou épistolaire avec l'intéressé et qu'aucune autre mesure n'était susceptible d'atteindre le même but dans des conditions équivalentes.
5. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur ce que l'administration pénitentiaire avait pris une mesure disproportionnée en retirant le retrait du permis de visite délivré à Mme A..., pour annuler la décision du 11 février 2015 du directeur interrégional des services pénitentiaires de Provence-Alpes-Côte d'Azur.
6. Il s'ensuit, en l'absence d'autres moyens soulevés par Mme A... susceptibles d'être examinés dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel, que la Garde des sceaux, ministre de la justice est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a annulé la décision du 11 février 2015 du directeur interrégional des services pénitentiaires de Provence-Alpes-Côte d'Azur.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Marseille n° 1501511 du 30 mai 2017 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif de Marseille est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au Garde des Sceaux, ministre de la justice et à Mme D... A....
Délibéré après l'audience du 22 janvier 2021, où siégeaient :
- M. Pocheron, président de chambre,
- M. B..., président assesseur,
- M. Coutier, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 février 2021.
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N° 20MA02160
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