Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 4 décembre 2018, M. B..., représenté par Me E..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 17 mai 2018 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 18 juillet 2017 du préfet des Bouches-du-Rhône ;
3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour temporaire dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa demande dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de lui délivrer, durant cet examen, une autorisation provisoire de séjour lui permettant de travailler ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 2 000 euros à verser à son conseil en application des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle, sous réserve que son conseil renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est entaché de contradiction ;
s'agissant de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :
- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du même code ;
s'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- cette décision est privée de base légale à raison de l'illégalité de la décision de refus d'admission au séjour ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'erreur manifeste d'appréciation.
La requête a été communiquée au préfet des Bouches-du-Rhône qui n'a pas produit de mémoire en défense.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 octobre 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Coutier, premier conseiller,
- et les observations de Me C..., substituant Me E..., représentant M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., de nationalité turque, a sollicité le 26 juin 2017 auprès du préfet des Bouches-du-Rhône son admission au séjour au titre de sa vie privée et familiale sur le fondement de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et à titre subsidiaire, la délivrance d'une carte de séjour portant la mention " salarié " sur le fondement de l'article L. 313-14 du même code. Par arrêté du 18 juillet 2017, le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé d'admettre au séjour l'intéressé et a assorti ce refus d'une décision portant obligation de quitter le territoire français. Par jugement du 17 mai 2018, le tribunal administratif de Marseille a annulé cet arrêté en tant qu'il ne statue pas sur la demande présentée par M. B... sur le fondement de l'article L. 313-14, a enjoint au préfet de procéder à l'examen de la demande de l'intéressé fondée sur ces dispositions et a rejeté le surplus des conclusions du recours. M. B... doit être regardé comme relevant appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté ce surplus.
2. Il ressort des pièces du dossier que dans ses écritures de première instance, M. B... a soulevé à l'encontre de l'arrêté querellé le moyen tiré du défaut d'examen par le préfet des Bouches-du-Rhône de sa demande au regard de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors qu'elle était également fondée sur ces dispositions ainsi que celui tiré de l'erreur manifeste d'appréciation commise par cette autorité au regard de ce même article. En accueillant comme ils l'ont fait le premier de ces moyens pour erreur de droit et en annulant par conséquent, par l'article 1er du jugement attaqué, l'arrêté querellé en tant qu'il n'a pas statué sur la demande présentée par l'intéressé sur le fondement desdites dispositions, tout en écartant le second de ces moyens alors même qu'ils ont estimé que le préfet n'avait pas examiné cette demande à l'aune de ces dispositions, les premiers juges ont entaché leur jugement de contradiction entre son dispositif et ses motifs. Par suite, le jugement attaqué doit être annulé.
3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Marseille.
4. Aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. ".
5. En présence d'une demande de régularisation présentée, sur le fondement de l'article L. 313-14, par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ".
6. Ainsi qu'il a été dit au point 1 ci-dessus, M. B... a sollicité auprès du préfet des Bouches-du-Rhône son admission au séjour au titre de sa vie privée et familiale sur le fondement de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et à titre subsidiaire, la délivrance d'une carte de séjour portant la mention " salarié " sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 313-14 du même code. Il ne ressort d'aucune mention de l'arrêté attaqué que le préfet aurait procédé à l'examen de la demande d'admission exceptionnelle au séjour en qualité de salarié dont il était pourtant saisi. Dès lors, est sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens, M. B... est fondé à demander l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
7. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. ". Aux termes de l'article L. 911-2 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé ".
8. Il y a lieu, eu égard aux motifs de l'annulation de l'arrêté querellé et compte tenu du fait qu'aucun des autres moyens soulevés par M. B..., tant devant le tribunal administratif de Marseille que devant la Cour, n'est de nature à justifier qu'il soit fait droit à ses conclusions aux fins d'injonction à la délivrance d'un titre de séjour, d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de procéder au réexamen de la demande présentée par M. B... dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu, en revanche, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
9. M. B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son conseil peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me E... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me E... de la somme de 1 500 euros.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 17 mai 2018 et l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 18 juillet 2017 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet des Bouches-du-Rhône de procéder au réexamen de la demande présentée par M. B... dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : Le surplus de la requête est rejeté.
Article 4 : L'Etat versera une somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 à Me E..., sous réserve que celle-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à Me E... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 4 décembre 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Pocheron, président de chambre,
- Mme D..., première conseillère,
- M. Coutier, premier conseiller.
Lu en audience publique le 13 décembre 2019.
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N° 18MA05111
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