Procédure devant la Cour :
I. Par une requête enregistrée le 24 juin 2019 sous le numéro n° 19MA01171, M. E..., représenté par Me C..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 7 février 2019 ;
2°) de rejeter la demande de première instance de la commune de Saint-Cyprien comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Cyprien la somme de 2 000 euros à verser à Me C... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, ce dernier s'engageant à renoncer alors à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
- le logement en cause faisant partie du domaine privé de la commune, la juridiction administrative est incompétente pour connaître du litige ;
- eu égard à l'état global d'insalubrité du logement qui a été mis à sa disposition, ceci en méconnaissance des dispositions de l'article 6 de la loi n° 89-462 du 6 juillet1989, il ne saurait être vu comme ayant été bénéficiaire d'un véritable droit d'occupation du logement objet de la convention du 24 juin 2014, de sorte que la redevance était non due et qu'il ne pouvait lui être reproché l'absence de règlement de cette redevance qui a fondé son expulsion ;
- la convention conclue le 24 juin 2014 est illégale au regard des dispositions des articles L. 314-1 et L. 314-2 du code de l'urbanisme et procède d'un détournement de pouvoir.
Par un mémoire en défense enregistré le 14 octobre 2019, la commune de Saint-Cyprien, représentée par la SCP d'avocats Henry-Chichet-Henry-Pailles, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de M. E... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
II. Par une requête enregistrée le 6 août 2019 sous le numéro n° 19MA03690, M. E..., représenté par Me C..., demande à la Cour :
1°) d'ordonner, sur le fondement des dispositions de l'article R. 811-17 du code de justice administrative, le sursis à exécution du jugement du tribunal administratif de Montpellier du 7 février 2019.
2°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Cyprien la somme de 1 500 euros à verser à Me C... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, ce dernier s'engageant à renoncer alors à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Il soutient que l'exécution du jugement risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables et reprend les mêmes moyens que ceux exposés dans l'instance n° 19MA01171.
Par un mémoire en défense enregistré le 14 octobre 2019, la commune de Saint-Cyprien, représentée par la SCP d'avocats Henry-Chichet-Henry-Pailles, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de M. E... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête est irrecevable faute d'avoir été présentée accompagnée d'une copie du recours en appel ;
- la demande de sursis à exécution ne satisfait à aucune des conditions posées par l'article L. 811-17 du code de justice administrative.
M. E... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par des décisions du 30 avril 2019 et du 12 juillet 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D...,
- les conclusions de M. A...,
- et les observations de Me C... représentant M. E....
Considérant ce qui suit :
1. Par une convention d'occupation temporaire du domaine public signée le 24 juin 2014, la commune de Saint-Cyprien a mis à la disposition de M. E..., à compter du 1er juin 2014, un logement situé Quai Arthur Rimbaud, au rez-de-chaussée du bâtiment B de la Résidence du Port, en contrepartie du versement par celui-ci d'une redevance mensuelle de 380 euros. En raison du non-paiement par l'intéressé de la redevance dès le mois de juillet 2014, une mise en demeure de payer les loyers a été établie le 10 juillet 2017 et remise en mains propres à l'intéressé le 25 septembre suivant, l'enjoignant de régler les loyers impayés dans le délai d'un mois faute de quoi la convention serait résiliée de plein droit. Aucune suite n'ayant été donnée par M. E..., la convention d'occupation du domaine public a été résiliée le 25 octobre 2017. Constatant le maintien illicite de M. E..., la commune de Saint-Cyprien, a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'ordonner, sous astreinte, son expulsion du domaine public. Par un jugement du 7 février 2019, le tribunal a enjoint à M. E... de quitter l'appartement dans un délai de 15 jours à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 50 euros par jour de retard. Par les deux requêtes susvisées, M. E..., d'une part, relève appel de ce jugement sous le n° 19MA01171, et d'autre part, demande à la Cour, sous le n° 19MA03690, de surseoir à l'exécution de ce même jugement.
Sur la jonction :
2. Les requêtes susvisées de M. E... tendent respectivement à l'annulation et au sursis à l'exécution du même jugement. Elles ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par un même arrêt.
Sur la compétence de la juridiction administrative :
3. Lorsque le juge administratif est saisi d'une demande tendant à l'expulsion d'un occupant d'une dépendance appartenant à une personne publique, il lui incombe, pour déterminer si la juridiction administrative est compétente pour se prononcer sur ces conclusions, de vérifier que cette dépendance relève du domaine public à la date à laquelle il statue. A cette fin, il lui appartient de rechercher si cette dépendance a été incorporée au domaine public, en vertu des règles applicables à la date de l'incorporation, et, si tel est le cas, de vérifier en outre qu'à la date à laquelle il se prononce, aucune disposition législative ou, au vu des éléments qui lui sont soumis, aucune décision prise par l'autorité compétente n'a procédé à son déclassement.
4. Aux termes de l'article L. 2111-6 du code général de la propriété des personnes publiques : " Le domaine public maritime artificiel est constitué : 1° Des ouvrages ou installations appartenant à une personne publique (...), qui sont destinés à assurer la sécurité et la facilité de la navigation maritime ; 2° A l'intérieur des limites administratives des ports maritimes, des biens immobiliers, situés en aval de la limite transversale de la mer, appartenant à l'une des personnes publiques mentionnées à l'article L. 1 et concourant au fonctionnement d'ensemble des ports maritimes, y compris le sol et le sous-sol des plans d'eau lorsqu'ils sont individualisables. ". Il résulte de ces dispositions que tous les biens immobiliers inclus dans le périmètre d'un port appartiennent au domaine public maritime artificiel, quelle que soit leur affectation et leur aménagement.
5. Il résulte de l'instruction qu'à la date d'entrée de M. E... dans l'appartement en cause, celui-ci relevait du domaine public portuaire par détermination de la loi dès lors que la Résidence du Port était incluse dans les limites administratives du port telles qu'elles étaient alors fixées par une délibération du conseil municipal de Saint-Cyprien du 15 septembre 2008. Le périmètre du domaine portuaire a été modifié par une nouvelle délibération du 9 février 2016 de telle sorte que la Résidence du Port n'est plus comprise dans les limites administratives du port. Cependant en l'absence d'une décision expresse de déclassement de cet immeuble, qui n'est pas l'objet de la délibération du 9 février 2016, il ne peut avoir perdu sa qualité de dépendance du domaine public portuaire. Par suite, l'immeuble en cause qui concourt au fonctionnement d'ensemble du port de plaisance de Saint-Cyprien appartient au domaine public portuaire en vertu des dispositions précitées au point 4 de l'article L. 2111-6 du code général de la propriété des personnes publiques.
6. Le présent litige relatif à l'occupation irrégulière du domaine public portuaire, relève donc, par détermination de la loi, de la seule compétence du juge administratif. Par suite, M. E... n'est pas fondé à soulever l'exception d'incompétence de la juridiction administrative.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
7. L'article L. 2122-1 du code général de la propriété des personnes publiques dispose : " Nul ne peut, sans disposer d'un titre l'y habilitant, occuper une dépendance du domaine public d'une personne publique mentionnée à l'article L. 1 ou l'utiliser dans des limites dépassant le droit d'usage qui appartient à tous ". L. 2122-2 du même code prévoit : " L'occupation ou l'utilisation du domaine public ne peut être que temporaire ". Aux termes de l'article L. 2122-3 dudit code : " L'autorisation mentionnée à l'article L. 2122-1 présente un caractère précaire et révocable ". Il résulte tant de ces dispositions que des principes généraux de la domanialité publique que l'autorité propriétaire ou gestionnaire du domaine public est recevable à demander au juge administratif l'expulsion de l'occupant irrégulier du domaine public.
8. En premier lieu, M. E... soutient qu'eu égard à l'état global d'insalubrité du logement qui a été mis à sa disposition en application de la convention du 24 juin 2014, il ne saurait être regardé comme ayant été bénéficiaire d'une véritable autorisation d'occupation du domaine public conforme aux exigences des dispositions de l'article 6 la loi du 6 juillet 1989 fixant l'obligation au bailleur de remettre à son locataire un logement décent, de sorte qu'une redevance domaniale ne pouvait lui être réclamée et l'absence de règlement de cette redevance ne pouvait fonder la demande d'expulsion présentée par la commune de Saint-Cyprien. Toutefois, et outre que le mauvais état du logement n'est pas établi en l'absence de production de toute pièce de nature à en justifier, les dispositions de l'article 6 la loi du 6 juillet 1989 régissant les relations entre les propriétaires bailleurs et leurs locataires ne sont pas applicables à un occupant du domaine public, qui, disposant seulement d'un droit précaire et révocable, ne peut être regardé comme ayant la qualité de locataire. Dès lors, le moyen tiré de la violation de ces dispositions est inopérant.
9. En second lieu, les dispositions des articles L. 314-1 et L. 314-2 du code de l'urbanisme dont se prévaut M. E... pour soutenir que la convention du 24 juin 2014 est illégale, sont relatives au relogement d'occupants de locaux à usage d'habitation évincés suite à une opération d'aménagement foncier au sens des dispositions de l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, menée par des collectivités locales ou des établissements publics de coopération intercommunale et n'ont donc pas vocation à s'appliquer dans le présent litige dès lors que M. E... a été relogé au sein du domaine public à la suite de sa précédente éviction d'un logement exploité dans le cadre d'une opération d'amodiation. Par suite, les moyens tirés de l'illégalité de la convention d'occupation du domaine public du 24 juin 2014 au regard des dispositions des articles L. 314-1 et L. 31 4-2 du code de l'urbanisme et du détournement de procédure doivent être écartés.
10. Il résulte de ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier lui a fait injonction de quitter l'appartement situé Résidence du Port qu'il occupe irrégulièrement. Par suite sa requête doit être rejetée.
Sur les conclusions à fin de sursis à exécution :
11. Le présent arrêt statue sur les conclusions à fin d'annulation du jugement du tribunal administratif de Montpellier du 7 février 2019 présentées par M. E.... Ses conclusions tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement sont ainsi, sans qu'il soit besoin de statuer sur leur recevabilité, devenues sans objet. Il n'y a, dès lors, pas lieu d'y statuer.
Sur les frais liés au litige :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de la commune de Saint-Cyprien, qui, dans la présente instance, n'est pas la partie perdante, une somme quelconque au titre des frais exposés par M. E... et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de M. E... la somme que demande la commune de Saint-Cyprien sur le même fondement.
D É C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 19MA03690 tendant au sursis à l'exécution du jugement du tribunal administratif de Montpellier du 7 février 2019.
Article 2 : La requête n° 19MA01171 de M. E... est rejetée.
Article 3 : Les conclusions présentées par la commune de Saint-Cyprien sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... E..., à la commune de Saint-Cyprien et à Me C....
Délibéré après l'audience du 4 décembre 2019, où siégeaient :
- M. Pocheron, président,
- Mme D..., première conseillère,
- M. Coutier, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 13 décembre 2019.
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N° 19MA01171, 19MA03690
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