Par un jugement n° 1801380 du 24 janvier 2020, le tribunal administratif de Nice a annulé la décision implicite de rejet du préfet des Alpes-Maritimes, lui a enjoint de réexaminer la demande de titre de séjour présentée par M. C... dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement et a mis à la charge de l'Etat la somme de 800 euros à verser à Me B..., avocat de M. C... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sous réserve du renoncement du mandataire à percevoir la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 28 février 2020, le préfet des Alpes-Maritimes demande à la Cour d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 24 janvier 2020 en tant seulement qu'il a condamné l'Etat à verser à Me B... la somme de 800 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient qu'alors qu'en cours d'instance devant le tribunal administratif M. C... s'est vu délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " étudiant ", il ne s'est pas désisté des conclusions de sa demande.
Par un mémoire en défense, enregistré le 1er décembre 2020, Me B... avocat de M. C... conclut au rejet de la requête, à ce qu'une amende de 3 000 euros soit infligée au préfet des Alpes-Maritimes en raison du caractère abusif de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le moyen soulevé par le préfet des Alpes-Maritimes n'est pas fondé ;
- alors que M. C... n'avait aucune obligation de se désister de sa demande, que le préfet s'est abstenu de conclure devant le tribunal administratif et n'a pas jugé utile d'informer la juridiction de la délivrance d'un titre de séjour, sa requête présente un caractère abusif.
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce que la faculté d'infliger à l'auteur d'une requête une amende pour recours abusif constituant un pouvoir propre du juge, les conclusions tendant à ce que le préfet des Alpes-Maritimes soit condamné à une telle amende ne sont pas recevables.
Par un mémoire, enregistré le 12 janvier 2021, Me B... avocat de M. C... a présenté des observations sur le moyen susceptible d'être relevé d'office.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- et les observations de Me D..., substituant Me B....
Considérant ce qui suit :
1. Par un jugement, en date du 24 janvier 2020, le tribunal administratif de Nice a fait droit à la demande de M. C... tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle le préfet des Alpes-Maritimes a rejeté sa demande de titre de séjour. Par le même jugement, il a mis à la charge de l'Etat la somme de 800 euros à verser à Me B..., avocat de M. C... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Le préfet des Alpes-Maritimes relève appel de ce jugement seulement en tant qu'il met à la charge de l'Etat la somme susmentionnée de 800 euros. M. C... demande pour sa part à ce qu'une amende pour recours abusif soit infligée à l'auteur de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces dernières conclusions doivent être regardées comme présentées en son nom propre par Me B..., signataire du mémoire en défense.
Sur l'appel du préfet des Alpes-Maritimes :
2. D'une part, aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens (...) ".
3. D'autre part, aux termes de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Les auxiliaires de justice rémunérés selon un tarif peuvent renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État et poursuivre contre la partie condamnée aux dépens et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle le recouvrement des émoluments auxquels ils peuvent prétendre. / Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou qui perd son procès, et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, à payer à l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, partielle ou totale, une somme qu'il détermine et qui ne saurait être inférieure à la part contributive de l'État, au titre des honoraires et frais non compris dans les dépens que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. / Si l'avocat du bénéficiaire de l'aide recouvre cette somme, il renonce à percevoir la part contributive de l'État. S'il n'en recouvre qu'une partie, la fraction recouvrée vient en déduction de la part contributive de l'État. / (...) ".
4. Il résulte de ces dispositions que le paiement des sommes exposées et non comprises dans les dépens ne peut être mis à la charge que de la partie qui perd pour l'essentiel. En l'espèce, le tribunal administratif a annulé la décision implicite née du silence gardé par le préfet des Alpes-Maritimes sur la demande de M. C... tendant à obtenir la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " sur le fondement du 7° de l'article 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Même si en cours d'instance devant le tribunal administratif M. C... a obtenu la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " étudiant " à laquelle ne sont d'ailleurs pas attachés les mêmes droits qu'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", l'Etat doit être regardé comme la partie qui perd pour l'essentiel. Il s'ensuit que c'est par une exacte qualification juridique des faits que le tribunal administratif a mis la somme de 800 euros à la charge de l'Etat à verser à Me B..., avocat de M. C.... Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que le tribunal administratif ait fait une inexacte appréciation du montant des frais exposés en première instance par M. C....
5. Il résulte de ce qui précède que le préfet des Alpes-Maritimes n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'article 3 du jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a mis à la charge de l'Etat la somme susmentionnée de 800 euros.
Sur les conclusions de Me B... relatives à l'amende pour recours abusif :
6. Aux termes de l'article R. 741-12 du code de justice administrative : " Le juge peut infliger à l'auteur d'une requête qu'il estime abusive une amende dont le montant ne peut excéder 10 000 euros ". La faculté prévue par ces dispositions constituant un pouvoir propre du juge, les conclusions de Me B... tendant à ce que le préfet des Alpes-Maritimes soit condamné à une telle amende ne sont pas recevables.
Sur les conclusions présentées au titre des frais :
7. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par Me B... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : La requête du préfet des Alpes-Maritimes est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de Me B... tendant à l'application des articles L. 761-1 et R. 741-12 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à Me B... et à M. E... C....
Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.
Délibéré après l'audience 5 février 2021, où siégeaient :
- M. Pocheron, président de chambre,
- M. A..., président assesseur,
- M. Coutier, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 février 2021.
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N° 20MA00963
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