Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 9 mars 2018, sous le n° 18MA01111, Mme A... épouseC..., représentée par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 9 février 2018 ;
2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 26 juillet 2017 ;
3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " conjoint de français " et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour d'une durée de six mois ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
S'agissant de la décision portant refus de titre de séjour :
- elle est insuffisamment motivée ;
- le préfet a commis une erreur de fait concernant son entrée régulière en France ;
- le tribunal a fait une inexacte application des dispositions des articles L. 531-2 et L. 211-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision contestée viole les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;
- elle viole les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
S'agissant de la décision fixant le pays de destination :
- elle est illégale dès lors qu'elle bénéficie d'un droit au séjour.
Un courrier du 13 mars 2018 adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il est envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et a indiqué la date à partir de laquelle l'instruction pourra être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2.
Un avis d'audience portant clôture immédiate de l'instruction a été émis le 27 décembre 2018.
Un mémoire présenté par le préfet des Bouches-du-Rhône a été enregistré le 7 janvier 2019, postérieurement à la clôture d'instruction.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention d'application de l'accord de Schengen, signée le 19 juin 1990 ;
- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme F... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... épouseC..., née le 23 juin 1976, de nationalité marocaine, relève appel du jugement du 9 février 2018 du tribunal administratif de Marseille qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 26 juillet 2017 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Sur la recevabilité de la demande de première instance :
2. Aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. (...) ".
3. Le préfet des Bouches-du-Rhône fait valoir que l'arrêté contesté a été notifié à Mme A... épouse C...le 2 août 2017 et qu'il lui a été retourné avec la mention " NPAI le 02/08/17 ". Toutefois, la requérante produit l'accusé de réception de cet envoi revenu en préfecture lequel porte l'adresse de " Mme A... D...les jardins d'Ariane 2 rue Serge Sabatier, Bât A à Miramas (13140) " et la case " destinataire inconnu à l'adresse " cochée. Ainsi, il est constant que l'adresse indiquée sur cette notification ne mentionnait pas le nom d'épouse de l'appelante qu'elle avait pourtant déclaré aux services de la préfecture comme l'atteste son récépissé de demande de carte de séjour qui mentionne son nom complet. Il en résulte que la présentation du pli de notification de l'arrêté en litige à une adresse incomplète n'était pas de nature à faire courir à l'encontre de Mme A... épouse C...le délai de recours contentieux. Par suite, sa demande enregistrée au greffe du tribunal le 10 novembre 2017 n'était pas tardive.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
4. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
5. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... épouse C...est entrée sur le territoire national le 21 avril 2013 directement du Maroc sous couvert d'un visa de long séjour délivré par les autorités italiennes. A la date de l'arrêté contesté, elle était mariée, depuis le 24 octobre 2015, soit une durée de presque deux ans, avec un ressortissant français. Le préfet des Bouches-du-Rhône ne conteste pas que la requérante mène une vie commune avec son époux. Compte tenu de l'ancienneté et de la stabilité de ce lien, l'administration en lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, a porté une atteinte excessive au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale et a ainsi méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
6. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que Mme A... épouse C...est fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 26 juillet 2017.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
7. Eu égard au motif énoncé au point 5, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement que le préfet des Bouches-du-Rhône délivre à Mme A... épouse C...un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Il y a lieu d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de délivrer à l'intéressée un tel titre de séjour dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les frais liés au litige :
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme A... épouse C...et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 9 février 2018 et l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 26 juillet 2017 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet des Bouches-du-Rhône de délivrer à Mme A... épouse C...un titre de séjour mention " vie privée et familiale ", dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Mme A... épouse C...une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... A...épouse C...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône et au procureur de la République près le tribunal de Grande Instance d'Aix-en-Provence.
Délibéré après l'audience du 25 janvier 2019, où siégeaient :
- M. Pocheron, président de chambre,
- Mme E..., première conseillère,
- Mme F..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 8 février 2019.
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N° 18MA01111
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