Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 11 mai 2018, Mme C..., représentée par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 22 décembre 2017 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 10 août 2017 du préfet du Gard ;
3°) d'enjoindre au préfet du Gard, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa demande sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 2 000 euros à verser à son conseil en application des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle, sous réserve que son conseil renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Elle soutient que :
- les premiers juges n'ont pas répondu au moyen tiré de ce que l'arrêté contesté serait entaché d'erreur de droit au motif que le préfet n'aurait pas examiné l'accessibilité effective d'un traitement approprié à son état de santé ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen personnel de sa situation ;
- l'arrêté querellé méconnaît les articles L. 313-11 11° et L. 511-4 10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 mars 2019, le préfet du Gard conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Un mémoire, présenté pour Mme C..., enregistré le 22 mars 2019, n'a pas été communiqué.
Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 mars 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Coutier, premier conseiller,
- et les observations de Me D..., substituant Me B..., représentant Mme C....
Considérant ce qui suit :
1. Mme C..., de nationalité marocaine, relève appel du jugement du 22 décembre 2017 du tribunal administratif de Nîmes en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 10 août 2017 par lequel le préfet du Gard a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination pour l'exécution de la mesure d'éloignement.
2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
3. Il ressort des pièces du dossier que Mme C..., âgée de 32 ans à la date de la l'arrêté querellé, a pénétré dans l'espace Schengen le 28 décembre 2013 sous couvert d'un visa de court séjour délivré par les autorités espagnoles puis est entrée en France en 2013 pour y rejoindre ses parents. Elle a sollicité le 30 avril 2014 son admission au séjour en qualité d'étranger malade et a obtenu une autorisation provisoire de séjour renouvelée jusqu'au 10 février 2016. L'intéressée présente une oligophrénie et est atteinte de troubles envahissants de la personnalité de type psychotique la rendant dépendante, pour l'administration des traitements requis par son état de santé, de l'assistance de tierces personnes. Elle aurait été confiée provisoirement à des proches depuis le départ vers la France de sa mère, en 2010, laquelle s'est rendue depuis lors à plusieurs reprises au Maroc pour la voir. Les parents et la fratrie de Mme C..., qui résident tous en France et possèdent la nationalité française ou sont détenteurs d'une carte de résident, ont vocation à demeurer durablement sur le territoire national. Dans les circonstances très particulières de l'espèce, alors même qu'elle est célibataire et a vécu au moins jusqu'à l'âge de 28 ans au Maroc, l'appelante est fondée à soutenir que cet arrêté, au regard des buts poursuivis par l'administration, porte à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée et méconnaît ainsi les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
4. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme C... est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
5. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. ". Aux termes de l'article L. 911-2 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé ".
6. Eu égard au motif d'annulation qui le fonde, le présent arrêt implique nécessairement la délivrance à Mme C... d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Il y a lieu, dès lors, d'enjoindre au préfet du Gard de lui délivrer ce titre dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu, en revanche, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
7. Mme C... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son conseil peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me B... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me B... de la somme de 1 500 euros.
D É C I D E :
Article 1er : L'arrêté du 10 août 2017 du préfet du Gard est annulé en tant qu'il porte refus de délivrance d'un titre de séjour à Mme C..., lui fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixe le pays de destination pour l'exécution de la mesure d'éloignement.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Nîmes du 22 décembre 2017 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Il est enjoint au préfet du Gard de délivrer à Mme C... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera une somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 à Me B..., sous réserve que celui-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...C..., à Me B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Gard et au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Nîmes.
Délibéré après l'audience du 29 mars 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Pocheron, président de chambre,
- M. Guidal, président-assesseur,
- M. Coutier, premier conseiller.
Lu en audience publique le 12 avril 2019.
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N° 18MA02167
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