Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 22 juin 2017, Mme C..., représentée par Me E..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 9 février 2017 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 20 avril 2016 ;
3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre provisoire de séjour, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification du jugement à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que son conseil renonce à la part contributive de l'État au titre de l'aide juridictionnelle.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué n'a pas évoqué la fragilité sociale de la famille en Algérie qui découle de l'adoption de la jeuneF... par acte de Kafala ;
- l'arrêté en litige est insuffisamment motivé ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen complet de sa situation personnelle ;
- l'arrêté méconnaît les stipulations de l'article 6 -1 -5 de l'accord franco-algérien et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'arrêté en litige est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle ;
- l'arrêté méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- elle peut prétendre à la délivrance de plein droit d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet n'a pas examiné sa situation sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- sa situation nécessitait une prolongation du délai de départ volontaire en application de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008.
Par un mémoire en défense enregistré le 10 juillet 2018, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme C... ne sont pas fondés et se réfère aux arguments présentés en première instance.
Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 22 mai 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la directive n° 2008/115/CE du 16 décembre 2008 ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
le rapport de Mme D... ;
et les observations de Me E... représentant Mme C....
Une note en délibéré présentée pour Mme C... a été enregistrée le 3 octobre 2018.
Une note en délibéré présentée pour Mme C... a été enregistrée le 10 octobre 2018.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C..., ressortissante algérienne née le 9 novembre 1972 à Sidi Bel Abbesrelève appel du jugement en date du 9 février 2017 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 20 avril 2016 refusant de lui délivrer un titre de séjour et lui faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours en fixant le pays à destination duquel elle serait renvoyée à l'expiration de ce délai.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Le tribunal administratif, qui n'était pas tenu de répondre à chacun des arguments développés par les parties à l'appui de leurs moyens, a suffisamment répondu au moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, notamment au regard de la situation familiale de la requérante.
Sur le bien-fondé du jugement :
3. Aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / - restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...). " ; et aux termes de l'article L. 211-5 de ce code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ".
4. La décision portant refus de délivrer à Mme C... le titre de séjour sollicité vise notamment les stipulations de l'accord franco-algérien sur lesquelles l'intéressée a fondé sa demande. Elle précise son identité, ses conditions d'entrée et de séjour en France, sa situation familiale en France et ses liens familiaux en Algérie. L'autorité préfectorale n'est pas tenue de préciser de manière exhaustive le détail de l'ensemble des éléments considérés. Ainsi, cette décision ne présente pas un caractère stéréotypé et est suffisamment motivée au regard des exigences de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration. Le moyen tiré du défaut de motivation de la décision doit dès lors être écarté.
5. Il ressort tant du caractère précis et individualisé des termes contenus dans la décision contestée et rappelés au point précédent que des autres pièces du dossier que le préfet a procédé à un examen circonstancié de la situation personnelle de Mme C.... Le moyen tiré du défaut de réalisation d'un tel examen doit dès lors être écarté.
6. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
7. Il ressort des pièces du dossier que Mme C..., âgée de 43 ans à la date de l'arrêté en litige, justifie être entrée en France le 23 mars 2014 sous couvert d'un visa Schengen de trente jours, en compagnie de son mari, également de nationalité algérienne, et de l'enfantF..., née le 23 octobre 2007 en Algérie, confiée à leur garde par un acte de kafala judiciaire le 9 février 2014. L'époux de l'intéressée est également en situation irrégulière en France. Mme C... ne démontre pas, par la seule production d'une promesse d'embauche postérieure à la décision en litige, une insertion particulière dans la société française. Si elle se prévaut également d'un nombre important d'attestations de parents d'élèves et d'enseignants de l'école où est scolarisée sa fille, louant son implication de parent d'élève dans la vie de l'établissement, ces documents ne sauraient suffire à la faire regarder comme ayant transféré le centre de ses intérêts privés et familiaux en France, dès lors qu'en dépit de la présence de sa mère en France en situation régulière, il est constant qu'elle n'établit ni même n'allègue avoir perdu toute attache en Algérie, son pays d'origine, où elle a vécu jusqu'à l'âge de quarante-deux ans. Dans les circonstances de l'espèce, compte tenu notamment de la durée et des conditions de séjour en France de Mme C..., et alors que rien ne fait obstacle à ce que l'appelante et son époux poursuivent leur vie familiale en Algérie, pays dont ils ont tous deux la nationalité, le préfet n'a pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts poursuivis par le refus de séjour et l'obligation de quitter le territoire français. Par suite, l'appelante ne peut se prévaloir de la violation ni des stipulations de l'article 6.5 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, ni de celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
8. Le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation dont serait entachée la décision en litige tant au regard de l'accord franco-algérien qu'au regard du droit de la requérante au respect de sa vie privée et familiale, doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux indiqués précédemment ;
9. Les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives aux différents titres de séjour qui peuvent être délivrés aux étrangers en général et aux conditions de leur délivrance s'appliquent, ainsi que le rappelle l'article L. 111-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, " sous réserve des conventions internationales ". Les stipulations de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 régissent d'une manière complète les conditions dans lesquelles ils peuvent être admis à séjourner en France et y exercer une activité professionnelle, les règles concernant la nature des titres de séjour qui peuvent leur être délivrés, ainsi que les conditions dans lesquelles leurs conjoints et leurs enfants mineurs peuvent s'installer en France. Dès lors, Mme C... ne saurait utilement se prévaloir des dispositions des articles L. 313-14 et L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national.
10. Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
11. Il n'est pas établi que l'enfant de la requérante, âgée de huit ans à la date de l'arrêté contesté, ne pourrait en dépit de ses difficultés d'apprentissage poursuivre sa scolarité en Algérie, pays dont elle a la nationalité et où il est constant qu'elle avait effectué une partie de sa scolarité. Qu'ainsi, rien ne fait obstacle à ce que la cellule familiale se reconstitue en Algérie, pays d'origine de la requérante et de son époux. Il en résulte qu'il n'est pas établi que le préfet des Bouches-du-Rhône n'aurait pas accordé une attention primordiale à l'intérêt supérieur de l'enfant au sens du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations doit être écarté.
12. Aux termes de l'article 7 de la directive du 16 décembre 2008 susvisée : " 1. La décision de retour prévoit un délai approprié allant de sept à trente jours pour le départ volontaire, sans préjudice des exceptions visées aux paragraphes 2 et 4. Les Etats membres peuvent prévoir dans leur législation nationale que ce délai n'est accordé qu'à la suite d'une demande du ressortissant concerné d'un pays tiers. Dans ce cas, les États membres informent les ressortissants concernés de pays tiers de la possibilité de présenter une telle demande. Le délai prévu au premier alinéa n'exclut pas la possibilité, pour les ressortissants concernés de pays tiers, de partir plus tôt. 2. Si nécessaire, les Etats membres prolongent le délai de départ volontaire d'une durée appropriée, en tenant compte des circonstances propres à chaque cas, telles que la durée du séjour, l'existence d'enfants scolarisés et d'autres liens familiaux et sociaux (...) ". Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) II. Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification et peut solliciter, à cet effet, un dispositif d'aide au retour dans son pays d'origine. Eu égard à la situation personnelle de l'étranger, l'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours. (...) ".
13. Les dispositions précitées du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sont issues de la transposition, en droit interne, de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008. Mme C... ne peut ainsi utilement invoquer directement les dispositions des articles 7 et 12 de ladite directive à l'encontre de la décision en litige.
14. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter ses conclusions aux fins d'injonction ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D É C I D E :
Article 1 : La requête de Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le présent jugement sera notifié à Mme A... C...épouse B...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 28 septembre 2018, où siégeaient :
- M. Pocheron, président de chambre,
- M. Guidal, président assesseur,
- Mme D..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 12 octobre 2018.
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N° 17MA02653
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