Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 4 janvier 2017, la SARL Express Maintenance, représentée par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 15 novembre 2016 ;
2°) d'annuler la décision du 22 octobre 2014 du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et la décision de rejet de son recours gracieux ;
3°) de la décharger des contributions contestées, ou à titre subsidiaire d'en moduler le montant ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- en l'absence de poursuites pénales pour des faits dont elle conteste la matérialité, la décision du 23 octobre 2014 méconnait la présomption d'innocence au sens des stipulations de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- à titre subsidiaire, le montant de la contribution spéciale peut être modulé par le juge en appliquant l'un des trois taux prévus par la règlementation pour en déterminer le montant, l'administration ayant commis en l'espèce une erreur manifeste d'appréciation sur ce point.
Par un mémoire, enregistré le 19 février 2018, l'Office français de l'immigration et de l'intégration, représenté par maîtreC..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la SARL Express Maintenance de la somme de 2 800 euros au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que la requête est irrecevable et qu'aucun des moyens n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code du travail ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code pénal ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Maury, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Chanon, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Par une décision du 23 octobre 2014 le directeur de l'OFII a mis à la charge de la SARL Express Maintenance la contribution spéciale instituée par les dispositions de l'article L. 8253-1 du code du travail pour un montant de 53 350 euros, et de la contribution forfaitaire prévue par l'article R. 626-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour un montant de 6 927 euros, en raison de l'emploi de trois ressortissants indiens dépourvus d'autorisation de travail en France. Par courrier du 16 décembre 2014, la SARL Express Maintenance a formé un recours gracieux contre cette décision. Ce recours a été implicitement rejeté. Le tribunal administratif de Montpellier a, par jugement du 15 novembre 2016, rejeté la demande de la société tendant à l'annulation de la décision du 23 octobre 2014, de la décision implicite de rejet du recours gracieux et à la décharge des deux contributions mises à sa charge. La SARL Express Maintenance relève appel de ce jugement.
Sur la légalité de la décision du 23 octobre 2014 et de la décision implicite rejetant le recours gracieux du 16 décembre 2014 :
2. La SARL Express Maintenance reprend en appel le moyen tiré de l'absence de poursuites pénales et de ce que la décision du 23 octobre 2014 méconnaîtrait la présomption d'innocence au sens des stipulations de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales déjà présenté devant le tribunal administratif de Montpellier. En l'absence d'élément nouveau, ce moyen doit être écarté par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.
3. Aux termes de l'article L. 8251-1 du code du travail : " Nul ne peut, directement ou indirectement, embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France (...) ". Aux termes de l'article L. 8253-1 du même code dans sa rédaction issue de la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 applicable à la date de la constatation de l'infraction le 1er octobre 2013 : " Sans préjudice des poursuites judiciaires pouvant être intentées à son encontre, l'employeur qui a employé un travailleur étranger en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8521-1 acquitte une contribution spéciale. Le montant de cette contribution spéciale est déterminé dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat et est au moins égal à 5 000 fois le taux horaire du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12 et, en cas de réitération, à 25 000 fois ce même taux. / [...] ". Aux termes de l'article R. 8253-8 de ce code : " Le montant de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 est égal à mille fois le taux horaire, à la date de la constatation de l'infraction, du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12 (...) ". Aux termes du même article L. 8253-1, dans sa rédaction issue de l'article 42 de la loi n° 2012-1509 du 29 décembre 2012, non modifiée sur ce point par la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016, le montant de cette contribution spéciale " est déterminé dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. Il est, au plus, égal à 5 000 fois le taux horaire du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12. Ce montant peut être minoré en cas de non-cumul d'infractions ou en cas de paiement spontané par l'employeur des salaires et indemnités dus au salarié étranger (...). Il est alors, au plus, égal à 2 000 fois ce même taux. Il peut être majoré en cas de réitération et est alors, au plus, égal à 15 000 fois ce même taux ". Aux termes de l'article R. 8253-2 du code du travail dans sa rédaction issue de l'article premier du décret n° 2013-467 du 4 juin 2013 : " I. - Le montant de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 est égal à 5 000 fois le taux horaire, à la date de la constatation de l'infraction, du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12. II. - Ce montant est réduit à 2 000 fois le taux horaire du minimum garanti dans l'un ou l'autre des cas suivants : 1° Lorsque le procès-verbal d'infraction ne mentionne pas d'autre infraction commise à l'occasion de l'emploi du salarié étranger en cause que la méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 ; 2° Lorsque l'employeur s'est acquitté des salaires et indemnités mentionnés à l' article L. 8252-2 dans les conditions prévues par les articles R. 8252-6 et R. 8252-7. III. - Dans l'hypothèse mentionnée au 2° du II, le montant de la contribution spéciale est réduit à 1 000 fois le taux horaire du minimum garanti lorsque le procès-verbal d'infraction ne mentionne l'emploi que d'un seul étranger sans titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France. (...) ".
4. Il résulte de l'instruction et notamment du procès-verbal du 1er octobre 2013 établi par les services de police, qui fait foi jusqu'à preuve contraire, que les trois personnes contrôlées ont déclaré travailler pour le compte de M. B..., gérant de la SARL Express Maintenance, qui leur avait remis des tracts pour les distribuer dans les boites aux lettres à raison de 6 heures par jour, 3 ou 4 jours par semaine, pour une rémunération de 40 euros par jour de travail et qui les hébergeait. Si M. B..., qui ne conteste pas la matérialité des faits, soutient avoir sous-traité la distribution des tracts a la SARL Dylan, il se borne à produire des factures de cette société pour des distributions de prospectus publicitaires en région parisienne alors que les trois ressortissants indiens travaillaient dans la région de Montpellier. L'intéressé ne démontre ainsi pas l'existence alléguée d'un contrat de sous-traitance. Dans ces conditions, le lien de subordination entre les travailleurs irréguliers et la SARL Express Maintenance doit être regardé comme établi et c'est à bon droit que les contributions spéciales prévues par l'article L. 8253-1 du code du travail et les contributions forfaitaires prévues par l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ont été mises à la charge de la société requérante.
5. Si la SARL Express Maintenance soutient que l'OFII dispose d'un pouvoir d'appréciation et n'a pas pris en compte sa situation personnelle, les dispositions de l'article L. 8253-1 du code du travail et de l'article R. 8253-2 du même code n'autorisent l'administration à minorer le montant de la contribution spéciale que dans le cas de non-cumul d'infractions ou en cas de paiement spontané par l'employeur des salaires et indemnités dus au salarié étranger sans titre mentionné à l'article R. 8252-6, ce qui n'est ni établi, ni même allégué. La circonstance que l'OFII n'a pas pris en compte la situation personnelle de la SARL Express Maintenance, ne peut être utilement invoquée dans le cadre du présent litige. Le moyen tiré de l'absence de modulation de la contribution spéciale par l'OFII et de l'erreur manifeste d'appréciation ne peut dès lors qu'être écarté.
6. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL Express Maintenance n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
7. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ;
8. les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'OFII, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par la SARL Express Maintenance au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la SARL Express Maintenance la somme de 2 000 euros demandée par l'Office français de l'immigration et de l'intégration au même titre.
D É C I D E :
Article 1er : la requête de la SARL Express Maintenance est rejetée.
Article 2 : la SARL Express Maintenance versera à l'OFII la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Express Maintenance et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration.
Délibéré après l'audience du 30 mars 2018, où siégeaient :
- M. Pocheron, président de chambre,
- M. Guidal, président assesseur,
- M. Maury, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 13 avril 2018.
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N° 17MA00023
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